Avec seulement 24% d’opinions favorables, quelles réformes courageuses François Hollande pourrait-il se permettre, maintenant qu'il ne risque plus rien en matière d'impopularité ?<!-- --> | Atlantico.fr
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François Hollande n'est plus qu'à 24% d’opinions favorables selon un sondage Ipsos réalisé pour Le Point
François Hollande n'est plus qu'à 24% d’opinions favorables selon un sondage Ipsos réalisé pour Le Point
©Reuters

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Selon un sondage Ipsos pour Le Point, François Hollande n'a plus que 24% d'opinions favorables, le score le plus faible jamais mesuré pour un chef de l'Etat depuis la création de ce baromètre en 1996.

Atlantico : François Hollande n'est plus qu'à 24% d’opinions favorables selon un sondage Ipsos réalisé pour Le Point, un record d'impopularité historique qui pourrait compromettre sa réélection. Dans ces conditions, quelles grandes  réformes courageuses le président de la République pourrait-il mettre en œuvre ?  

Carole Barjon : François Hollande aurait pu lancer des réformes courageuses au lendemain de son élection même s’il faut rappeler qu’il a été élu par rejet de Nicolas Sarkozy plus que par adhésion à sa personne et à son programme. François Hollande a réuni sur son nom moins de 50 % des votants en raison de la proportion importante de bulletins blancs. Ce chiffre explique en grande partie son échec et démontre que sa majorité dans le pays était extrêmement fragile à la base.

On peut regretter que François Hollande ait renoncé à la grande réforme fiscale avec la fusion de la CSG et de l’impôt sur le revenu. C’était pourtant la proposition phare de sa campagne. Aujourd’hui, compte tenu de son impopularité dans l’opinion et du fait qu’il n’a pas fait de réformes de structure lorsqu’il en avait la possibilité, on voit mal comment il pourrait engager de grands changements. Les réformes structurelles touchent toujours des intérêts particuliers et provoquent du mécontentement dans le pays. Il est donc en réalité très difficile de répondre à votre question. 

André Bercoff :  Aujourd’hui, il s’agit moins de lancer des grandes réformes que de rétablir une crédibilité dont le moins que l’on puisse dire est qu’elle est fortement entamée. Le triste feuilleton Leonarda n’a rien fait de ce point de vue pour arranger les choses. Pour le reste, tous, à commencer par le président et son gouvernement, savent ce qu’il y a à faire : aller plus loin dans la réforme des retraites, et surtout dans la diminution des dépenses publiques. Quelques gestes ont été effectués dans ce sens, mais le plus obtus des économistes sait qu’on est loin du compte.

Evidemment, on sait aussi que rien ne sera entamé véritablement avant les résultats des élections municipales et probablement des européennes. Le plus préoccupant est cette absence quasi pathologique du président à fixer un cap et surtout à le formuler et à s’y tenir. Pour ne citer qu’un exemple : l’annonce d’une soi-disant « pause fiscale » qui a servi d’envoi à une formidable généralisation de l’impôt. Quant aux sondages et à la réélection, 2017 est loin, et la marmite bout de plus en plus.

La réforme des retraites a fait reculer de nombreux gouvernement. La réforme actuelle est-elle pérenne ? François Hollande devrait-il aller plus loin ?

Carole Barjon : La réforme des retraites de François Hollande est une réforme à minima. L’objectif idéal vers lequel il faudrait tendre est celui d’un régime universel des retraites avec un alignement du public sur le privé. Le président et le gouvernement n’ont même pas tracé cette perspective. Il me paraît trop tard pour engager une nouvelle réforme. 

André Bercoff : Il est évident que cette réforme n’est que prolégomènes. Avec une espérance de vie qui augmente tous les ans, et donc l’explosion de la population senior et, par ailleurs, la pérennisation du chômage des jeunes, la faille intergénérationnelle devient abyssale : les 20-30 ans savent désormais que non seulement leur retraite n’est plus assurée, mais qu’ils doivent payer pour leurs parents et grands-parents qui ont pu jusqu’ici bénéficier des fruits de celle-ci. En fait, depuis trente ans, les gouvernements de gauche ou de droite ont joué à Bernard Madoff, sans être jamais condamnés quant à eux à 150 ans de prison. Mais c’est bien ce schéma de Ponzi qui se dévoile aujourd’hui. J’en parle assez longuement dans mon prochain livre Je suis venu te dire que je m’en vais.

François Hollande est connu pour être un homme de synthèse ménageant toutes les sensibilités de la gauche. Devrait-il plutôt choisir un cap clair. Quel devrait-être ce cap ? 

Carole Barjon : Sans même avoir la prétention de porter « un grand dessein », François Hollande devrait au moins bien expliquer ce qu’il fait. Ce n’est pas le cas comme en témoigne sa maladresse dans l’affaire syrienne. Le président de la République a expliqué que la France allait lancer une expédition punitive sans préciser son objectif politique. Or, le peuple français, qui est un peuple très politique, avait besoin de trouver un objectif clair. François Hollande n’a rien dit. Idem sur la question des impôts. Annoncer une pause fiscale, au moment même où les gens subissent les premières hausses d’impôts n’a pas de sens. Le dernier exemple est l’affaire Leonarda qui renvoie à toutes les contradictions de la gauche sur la question de l’immigration. Contradictions que François Hollande avaient tenté d’éviter durant la campagne. François Hollande est trop « techno » et n’assume pas. Ce n’est pas à Jean-Marc Ayrault de s’expliquer sur des sujets aussi graves et symboliques que la question des Roms ou la question de l’intégration. Le symbolique est le domaine du président de la République.

André Bercoff : Comme d’habitude, il continue dans le non-dit. Il convient absolument, aujourd’hui, d’inverser la célèbre formule du cardinal de Retz, qui affirmait qu’on ne sort de l’ambiguïté qu’à son détriment. En 2013, la politique de l’ambiguïté devient mortelle pour ses auteurs. François Hollande, tout le monde le sait, est un social-démocrate et un social-libéral : il se fait quotidiennement insulter pour cela par la gauche de la gauche, et même dans son propre parti. Qu’est-ce qu’il attend pour l’affirmer haut et fort, et dire crûment les batailles qu’il mène ? Ce flou même pas artistique qui convenait peut-être à la rue de Solferino, devient ici pire qu’un crime : une faute.

François Hollande semble reculer sur la question du droit de vote des étrangers : l'une des grandes promesses de la gauche depuis 1981. Doit-il tout tenter pour faire passer cette réforme ? Existe-t-il d'autres grandes réformes de gauche que François Hollande pourrait pousser ? 

Carole Barjon : Depuis François Mitterrand  la gauche est soupçonnée de vouloir conduire cette réforme pour une raison « manœuvrière » : faire monter le FN et ainsi diviser les voix de la droite. Dans le contexte actuel, alors que le Front national enregistre une forte percée, une telle réforme serait prise pour une provocation. Je doute que l’opinion soit mûre pour cela. 

André Bercoff : François Hollande est habile et connaît sa géographie politique. Il sait très bien que le droit de vote des étrangers, en l’occurrence, ne passerait pas, eu égard au nombre de votes nécessaires au Parlement pour changer la loi, et  surtout au climat qui règne actuellement dans le pays. A-t-il trouvé une parade, par Valls interposé, en accélérant et en facilitant le processus de naturalisation ? L’avenir le dira. Quant aux réformes de gauche qu’il pourrait entreprendre, la plus importante serait de prendre en compte enfin, le sort des millions de Français qui sont au niveau ou en dessous du seuil de pauvreté. C’est-à-dire se préoccuper un peu moins de la famille de Léonarda et un peu plus des populations de la Creuse ou du Cantal pour ne citer qu’elles, complètement abandonnées à leur sort. 

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