Avec 4 ans de recul, voilà le bilan éducatif et sanitaire qu’on peut tirer de la fermeture des écoles pendant la pandémie de Covid<!-- --> | Atlantico.fr
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"La question de l’efficacité sanitaire de la fermeture des écoles sur la propagation du Covid n’est pas encore très clairement tranchée", selon Antoine Flahault.
"La question de l’efficacité sanitaire de la fermeture des écoles sur la propagation du Covid n’est pas encore très clairement tranchée", selon Antoine Flahault.
©JEFF PACHOUD / AFP

Espace clos

Le SARS-COV-2 qui se propage par voie aérosol comme le virus grippal, et donc essentiellement dans des lieux clos, bondés et mal ventilés où l’on passe beaucoup de temps, se propage donc avec prédilection dans les salles de classe.

Antoine Flahault

Antoine Flahault

 Antoine Flahault, est médecin, épidémiologiste, professeur de santé publique, directeur de l’Institut de Santé Globale, à la Faculté de Médecine de l’Université de Genève. Il a fondé et dirigé l’Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique (Rennes, France), a été co-directeur du Centre Virchow-Villermé à la Faculté de Médecine de l’Université de Paris, à l’Hôtel-Dieu. Il est membre correspondant de l’Académie Nationale de Médecine. 

 

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Atlantico : De nombreux experts en santé publique et dans le domaine de l’éducation estiment que les fermetures prolongées des écoles n’ont pas stoppé de manière significative la propagation du Covid et que les conséquences de la pandémie sur la scolarité des enfants ont été importantes et durables, selon un article du New York Times citant différents travaux de recherche. Au regard des quatre années de recul, quels sont les principaux enseignements sur le plan sanitaire de la fermeture des écoles pendant la pandémie de Covid-19 ? Les confinements ont-ils réellement permis de stopper la propagation du virus ?

Antoine Flahault : La question de l’efficacité sanitaire de la fermeture des écoles sur la propagation du Covid n’est pas encore très clairement tranchée. Nous avions conduit, avant la pandémie de Covid des travaux, publiés dans la revue britannique Nature, où l’on montrait que les fermetures des écoles durant les vacances scolaires réduisaient la propagation du virus grippal, et nous avons même estimé que cela réduisait la mortalité par grippe des personnes âgées. On a à nouveau constaté ce phénomène de frein sur l’épidémie de grippe et peut-être de Covid aussi, cet hiver lors des vacances de Noël. En effet, quinze jours après la réouverture des classes, en janvier 2024, l’épidémie de grippe saisonnière qui avait commencé début décembre et semblait s’être éteinte avec les vacances de Noël a redémarré en force avec un pic mi-février. Le SARS-COV-2 qui se propage par voie aérosol comme le virus grippal, et donc essentiellement dans des lieux clos, bondés et mal ventilés où l’on passe beaucoup de temps, se propage donc avec prédilection dans les salles de classe. Mais le virus se propage aussi dans les maisons et les appartements puisque l’on estime qu’il s’y produit 40% des contaminations. Donc, le frein sur la propagation du coronavirus lié à la fermeture des écoles est tangible, mais il n’est certainement pas de nature à enrayer les vagues de Covid sur un territoire où ces fermetures ont lieu. La situation en 2020 et jusqu’à l’été 2021 était rendue complexe alors par le fait que les vaccins n’étaient pas encore largement déployés. On redoutait la saturation des hôpitaux, notamment des unités de soins intensifs associée à une mortalité élevée. À l’époque, nous étions beaucoup d’experts à préconiser la fermeture des écoles, par précaution et pour éviter l’implosion du système de santé. D’autres mesures s’étaient déployées parallèlement et il n’est pas simple d’estimer le rôle respectif de l’usage des masques, de la limitation des rassemblements, des tests et de l’isolement des positifs, au regard de l’enseignement à distance. À certains moments critiques de la pandémie, tout semblait bon à prendre pour tenter de raboter le pic des vagues successives. À l’époque cependant on ignorait précisément le coût de la fermeture des écoles en termes de santé mentale des enfants, de violences domestiques, peut-être d’alimentation et de nutrition aussi et surtout sur la scolarité. Désormais on sait mieux tout cela et l’on devra peser les avantages potentiels de la fermeture des écoles avec les coûts certains qu’elle représente pour les jeunes concernés.

Sur le plan éducatif, quel bilan est-il possible de tirer ? Les confinements et le télétravail n’ont-ils pas perturbé la scolarité des élèves ?

Le bilan éducatif de l’arrêt total ou partiel des enseignements présentiels lors de la première année voire les 18 premiers mois de la pandémie ont pu être précisément chiffrés aux Etats-Unis et ils sont considérables et on sait aussi qu’ils n’ont pas été récupérés en totalité et ne le seront probablement pas. Selon le degré de fermeture des écoles, certains établissements ont réussi à maintenir un enseignement hybride, c’est à dire partiellement présentiel, d’autres ont fermé totalement et longtemps. Ce sont des retards scolaires variant d’un tiers à deux-tiers d’année qui ont été accumulés entre ces deux types de politiques extrêmes. Les retards observés ont été plus importants chez les familles aux revenus modestes. Ce sont plutôt dans les comtés démocrates (de gauche), que les écoles ont été le plus longtemps fermées. Ils sont aussi, en moyenne, les comtés les plus pauvres des États-Unis, avec davantage d’adultes exposés au coronavirus, car occupant plus souvent des emplois qualifiés d’essentiels, et ayant un moins bon accès aux amortisseurs sociaux et aux soins. Ces comtés ont été plus précautionneux en termes de restrictions sanitaires au début de la pandémie et ont d’ailleurs payé un tribut plus lourd, avant l’arrivée des vaccins, en termes de mortalité par Covid. Ensuite, les populations de ces comtés se sont davantage fait vacciner que celles des comtés républicains (pro-Trump), et la mortalité s’est profondément inversée entre les deux camps. Mais avant le vaccin, il est clair que la fermeture des écoles n’a pas permis de protéger efficacement les populations les plus concernées.

La situation en Europe et particulièrement en France a-t-elle été différente par rapport aux pays anglo-saxons et aux Etats-Unis ? D’autres critères, comme les aspects sociaux-économiques, expliquent-ils les difficultés rencontrées durant la pandémie ?

Il est toujours très difficile de transposer les analyses faites dans un pays à un autre. La Suède qui n’a presque pas fermé ses établissements scolaires n’a pas enregistré une mortalité par Covid supérieure à celle de la France durant les dix-huit premiers mois de la pandémie. Mais d’une part, la Suède a enregistré la mortalité la plus forte des pays nordiques qui lui sont voisins et qui, eux, avaient fermé leurs écoles, et d’autre part, la présence dans les écoles s’était spontanément réduite en Suède à cette époque, des enseignements hybrides de facto s’étant mis en place, plébiscités par de nombreux parents. La France quant à elle, a eu à cœur, très tôt dans la pandémie, de maintenir ses classes ouvertes, même si les enseignements ont été aussi beaucoup perturbés jusqu’à la rentrée de septembre 2021, voire jusqu’au début 2022. Si les épidémiologistes étaient souvent plus nombreux à prôner la fermeture des écoles pour éviter un impact sanitaire trop fort des premières vagues pandémiques, de nombreuses voix se sont élevées en Europe, tant chez les pédiatres, les psychologues et les milieux de l’éducation pour alerter des dangers que ces fermetures pouvaient causer chez les enfants et pour leur scolarité. 

Auriez-vous des recommandations aujourd’hui si une crise similaire devait se reproduire ?

Oui, il nous faudrait tirer les leçons de la pandémie de Covid-19. Il faudrait considérer avec la plus grande parcimonie l’arrêt des enseignements présentiels. Il faudrait dès à présent investir très massivement dans une meilleure ventilation des classes. Nous en avons souvent parlé dans les colonnes d’Atlantico, un air intérieur de meilleure qualité, outre le fait qu’il réduit considérablement les risques de transmission des agents infectieux respiratoires et des maladies allergiques respiratoires comme l’asthme ou la bronchite, est favorable à un meilleur développement mental, il réduit la somnolence et l’absentéisme des élèves et des enseignants, et il améliore les performances scolaires des enfants.

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