Avalanche de cadeaux de Noël : comment gérer le trop plein de jouets pour les tout petits ?<!-- --> | Atlantico.fr
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Le trop plein de jouets n’est pas souhaitable pour un enfant.
Le trop plein de jouets n’est pas souhaitable pour un enfant.
©Flickr/Hades2k

L'affection avant tout

Les fêtes de fin d'années approchent, et avec Noël, l'achat traditionnel de cadeaux... L’opportunité de modérer les présents à destination des enfants, mais aussi et surtout de modifier notre façon d’être avec nos tout petits : moins de matériel, plus de relationnel.

Pierre Delion

Pierre Delion

Pierre Delion est pédopsychiatre. Il est l'auteur de plusieurs ouvrages telles que la Fonction Parentale, Accueillir et soigner la souffrance physique de la personne et plus récemment La consultation avec l'enfant aux Editions Elsevier Masson.

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Atlantico : Grand-parents investis dans leur rôle, parents gâtant leurs enfants, le trop plein de jouets est-il bon pour le bien-être psychologique, psychique et l'épanouissement de nos tout petits ?

Pierre Delion :Bien évidemment le trop plein de jouets n’est pas souhaitable pour un enfant, dans la mesure où le risque est grand de le voir attendre chaque année davantage de cadeaux dans une logique inflationniste ; un des premiers épisodes de Harry Potter le montre lorsque l’enfant des « Moldus » a un cadeau de moins que l’année précédente et qu’il déclenche une crise qui conduit ses parents à lui promettre d’en acheter un autre. Résultats : la fête de Noël est gâchée !

Cette attitude conduit souvent l’enfant à considérer que cette abondance lui est due, et cela va le conduire à devenir exigeant sachant que ses parents vont avoir tendance à le gâter en objets, peut-être parce qu’ils ne se font pas assez confiance sur ce qu’il peuvent apporter à leur enfant le plan affectif général, c’est à dire lui assurer la sécurité, la protection et un développement harmonieux.

Remplir cette relation affective de cadeaux en grand nombre ne remplace pas la qualité de la relation affective, et d’un certain point de vue on peut se demander si les parents ne se font pas des cadeaux à eux-mêmes, à l’enfant qui est en eux et qui peut-être souffre encore aujourd’hui de ne pas en avoir eu assez.

Comment est-il possible d'inverser la tendance sans traumatiser l'enfant, sachant que ces derniers sont attachés à leurs jouets ?

Je crois que pour inverser la tendance il faut que les parents soient eux-mêmes persuadés que ce trop-plein nuit à leur enfant. Ils ne pourront le faire que s’ils ont compris que cela n’est pas souhaitable, et non parce que quelqu’un de l’extérieur le leur assène.

Une fois qu’ils sont d’accord avec cette constatation et cette idée, ils doivent procéder avec nuance et modération, il ne s’agit pas de tout faire en une fois. L’idée pourrait être de le faire de façon progressive, mais surtout ce qui compte à mes yeux, c’est que les parents retrouvent le plaisir de jouer avec leurs enfants, de leur prêter suffisamment d’attention pour leur montrer que c’est leur bien-être qui compte plus que la quantité de leurs possessions.

La dimension sociale compte également beaucoup, avec les effets de tendance des jouets chez les enfants qui deviennent aussi des passables obligés, vecteurs de socialisation et autres... Comment être raisonnable sans pénaliser socialement l'enfant ?

Certes la dimension sociale joue un rôle, mais d’autant plus que l’enfant ne trouve pas dans l’appui sur ses parents une sécurité affective. A l’inverse, un enfant qui prend plaisir à jouer avec un jeu, quel qu’il soit, sait en parler de façon attrayante aux autres.

D’un certain point de vue, nous sommes là confrontés à l’enfant qui intéresse les vendeurs, l’enfant considéré comme un moyen pour forcer ses parents à acheter ; les jouets fonctionnent alors comme s’il s’agissait de vêtements de mode, et cela n’a plus rien à voir avec le plaisir d’offrir un ou deux cadeaux pour Noël, pour jouer avec après. Cela apparaît plus comme une tournée publicitaire orchestrée par les marques de jouets qui cherche des acquéreurs et profitent, pour ce faire, de la candeur des enfants, et même, disent les professeurs de neuro-économie, du temps (disponible de leur cerveau) passé devant les publicités télévisuelles.

Or un enfant au développement habituel n’a pas besoin de « la ramener » avec ses cadeaux de Noël pour avoir de bons contacts avec ses copains. Par contre on voit se développer, chez les autres enfants, de l’envie pour celui qui en a beaucoup, et cela conduit souvent l’enfant « hypergâté » à se retrouver un des boucs émissaires de sa classe.

Les enfants peuvent-ils être impliqués dans la démarche ? Par quels moyens ?

Bien sûr qu’on doit impliquer les enfants dans cette affaire, selon les coutumes parentales et familiales. Si l’enfant croit encore au Père Noël, l’aider à établir quelques demandes en nombre raisonnable et le préparer au fait que l’enfant n’aura certainement pas tout ce qu’il demande. Sinon, lui faire apparaître que parmi ses désirs, certains seront satisfaits, mais que là encore, tout ne sera pas possible. Cela aide l’enfant à limiter ses demandes excessives à une réalité parentale.

Enfin, il existe des familles dans lesquelles, même de façon symbolique, une petite partie peut être donnée, envoyée, consentie… à un autre enfant dans un autre pays, ou dans une autre famille, qui lui, n’aura pas grand chose…

Cela permet de cultiver chez tout enfant ce que j’appelle l’intériorisation de la catégorie philosophique de l’autrui, et à limiter son égoïsme « naturel.

Certains parents de type grands-parents, oncle et tante ou autre se sentent très impliqués et gâtent également nos tous petits. La famille dans son ensemble doit-elle être impliquée au processus pour que ce dernier soit efficace ?

Il peut être intéressant, lorsque la famille élargie se retrouve pour préparer ces fêtes importantes, ou se téléphone pour savoir qui apporte la dinde et qui la bûche, que ce sujet soit abordé de façon frontale si les parents souhaitent que ça change dans leur famille vis à vis de leurs enfants. Les grands parents et les oncles et tantes ne peuvent pas jouer contre les parents, il est donc utile d’en faire l’objet d’une discussion en famille élargie, entre adultes, pour, sinon cette année, du moins commencer à envisager cette nouvelle manière de faire pour l’année suivante.

Les arguments utilisés doivent évidemment porter sur l’intérêt dans toute chose et précisément dans le développement d’un enfant, de procéder avec modération, et ici en particulier pour les cadeaux, et, comme le proposait Bach, de faire des cadeaux de façon « bien tempérée ».

En tout cas, il s’agit bien de déclencher un « processus » comme vous le proposez, plutôt que de faire un « coup » une année et de ne rien changer en profondeur. La démarche d’attirer l’attention du lecteur sur ce sujet, est de l’amener non seulement à réfléchir sur l’opportunité de généraliser cette idée de modérer les cadeaux de Noël, mais aussi à modifier la façon d’être avec ses enfants, moins dans une relation marquée par les objets matériels, et davantage dans une relation affective.

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