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ASN et GIEC : les intouchables artisans de notre ruine
©CHARLY TRIBALLEAU / AFP

Climat

Vaut-il mieux engloutir des milliers de milliards de dollars à tenter de juguler une puissance physique que consacrer ces mêmes milliards à continuer d’adapter la civilisation aux caprices immémoriaux du climat… ou le contraire ?

André Pellen

André Pellen

André Pellen est Ingénieur d’exploitation du parc électronucléaire d’EDF en retraite, André Pellen est président du Collectif pour le contrôle des risques radioactifs (CCRR) et membre de Science-Technologies-Actions (STA), groupe d'action pour la promotion des sciences et des technologies.

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L’EPR, base de notre nouveau nucléaire, se caractérise par un niveau de sûreté jamais atteint, tandis que nos réacteurs existants se voient appliquer le principe d’amélioration continue de la sûreté, au fur et à mesure de leur rénovation à 40 ans. Devant les coûts que tout cela entraîne, on pourrait se demander si, eu égard à nos quelque 2000 années.réacteurs d’exploitation sans incident, on n’en fait pas un peu trop, question devenue taboue dans un monde désormais celui de l’émotionnel et de la bien-pensance. 

Les normes de sûreté très élevées ayant conduit à la complexité pénalisante de cet EPR, ainsi que les pratiques de contrôle particulièrement sévères de l’autorité de sûreté (dont l’application rétroactive de changements des normes et des procédés de contrôle) sont la principale cause du retard de dix ans pris par le chantier de Flamanville et de l’explosion du devis passé 3 à 13 milliards d’euros (soit 8 000 €/kW).

Hélas, la considérable augmentation du coût de rénovation de nos réacteurs existants prend aussi largement sa part dans la dégradation délibérée de la compétitivité du nucléaire français, à cause du rehaussement du niveau de sûreté desdits réacteurs décidé par une ASN (1) appliquant un principe d’amélioration continue de la sûreté… ne figurant nulle part dans la législation.

Ainsi, à force d’alourdir cette rénovation de nouvelles exigences, son coût par réacteur mentionné dans les rapports parlementaires ou de la Cour des comptes est-il passé de 300 millions d’euros en 2009 à plus de 1,2 milliard en 2020, portant la charge financière annuelle du grand carénage à 4,3 milliards d’euros pour EDF (le tiers des investissements annuels), un coût par réacteur équivalent au coût initial d’investissement des REP 900 (2,5 milliards de francs en 1978, à corriger d’une inflation cumulée de 380 %) !

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Aux États- Unis, comme dans d’autres pays de niveau industriel comparable à celui de la France, dont le Royaume Uni, la préoccupation de la sûreté est au moins aussi importante qu’en France. Cependant, les démarches dans ce domaine sont plus rationalisées et plus pragmatiques en ce sens que, pour chaque mesure prise, les gains en termes de maîtrise des risques sont mis en balance avec leurs coûts d’exploitation. Aux États-Unis, on se contente même du maintien d’un niveau de sûreté d’origine ayant largement fait ses preuves, tout comme en France d’ailleurs, car il n’y a pas là-bas de tabou à s’interroger sur l’efficacité et sur le coût de mesures, quelles qu’elles soient, le concept de « sûreté absolue, à n’importe quel prix » n’y ayant pas cours.

C’est pourquoi on doit se demander si le mode de contrôle procédurier et sans appel de l’ASN n’est pas contreproductif, notamment à contraindre trop fortement nos dynamiques industrielles. Car, à partir d’un certain seuil, le fait d’ajouter des mesures ou de les renforcer continument n’améliore en rien la sécurité, au contraire : quand elles sont mal comprises par les industriels, le risque est grand qu’elles soient mal intégrées et mal appliquées, voire que les procédures de contrôle soient détournées. C’est ce qui est arrivé chez les contractants d’EDF, Framatome (Areva NP à l’époque) et ses sous-traitants, lors de la fabrication et des contrôles-qualité des composants de l’EPR ou des générateurs de vapeur de REP existants, avec des normes exagérément exigeantes et la débauche de contrôles qui ont conduit à la falsification de nombre de bordereaux à l’usine du Creusot.

La NRC américaine (Nuclear Regulatory Commission), équivalent de notre ASN, se contente de fixer des normes de performances « risk informed and performances based » basées sur un approche accidentelle probabiliste et non déterministe, comme c’est le cas en France (2), chaque fois que le risque et les dommages à éviter peuvent l’être. Dès lors qu’on est capable d’évaluer en toute fiabilité les probabilités d’occurrence de ces derniers, dimensionner les équipements sur la base des contraintes maximales de pression, corrosion, température et autre poussée sismique ne se justifie pas. Mieux, chez l’Oncle Sam, les exploitants peuvent contester les décisions de la NRC, devant les tribunaux, s’ils considèrent qu’on leur impose des mesures dont les coûts dépassent l’évaluation du bénéfice social, en termes de réduction des risques, ce qui est arrivé à quelques reprises.

Or, en vertu d’un principe d’amélioration continue de la sûreté, nulle part inscrit dans la loi, notre ASN à nous fixe ses contraintes en toute indépendance et sans vraiment regarder la facture. Sur le volant d’inertie de la pompe primaire de Flamanville 3, par exemple, elle a imposé 17 points d’arrêt de contrôle rédhibitoire, alors que pour les volants d’inertie destinés aux deux EPR de Taïshan, fabriqués en France, l’autorité chinoise n’en a fixé que quatre !

Force est de reconnaître que l’acte de naissance de cette ASN, la loi TSN (loi relative à la Transparence et à la Sécurité Nucléaires) de 2006, est le legs empoisonné de l’administration Jospin-Voynet à son héritière, sanctuarisant durablement l’imprégnation antinucléaire dans la politique énergétique française. Quelle meilleure manifestation de pareille volonté, en effet, que s’appuyer sur une opinion publique d’avance gagnée à la « cause » ASN, dans le but de créer un rapport de forces avec un exploitant EDF ayant dû apprendre à ses dépens de ne surtout pas argumenter publiquement ? De cette opinion publique, on sait ce que la majorité des médias français ont fait, notamment depuis Fukushima, de même qu’une nébuleuse antinucléaire particulièrement bruyante et guère rembarrée par le marais plutôt silencieux des modérés.

En démocratie, une autorité aussi souveraine n’a de légitimité que si elle est placée sous la supervision d’instances politiques et juridiques l’obligeant à rendre des comptes, ce qui, typiquement, n’est pas le cas en France. Aux États-Unis, le contrôle en question est parlementaire, avec auditions contradictoires et possibilités de recours judiciaires offertes aux exploitants, contre une nouvelle régulation, au même titre que toutes les parties prenantes (ONG, gouverneurs hostiles au nucléaire…). Car la notion d’autorité, fût-elle nucléaire, ne doit pas consister en une coercition comme celle qu’exerce impunément, dans les faits, notre gendarme ASN. 

Une urgente réforme du statut de ce dernier doit manifestement l’obliger à un dialogue équilibré avec le contrôlé, car, depuis la création de pareille autorité administrative, son suréaliste souci d’indépendance l’éloigne régulièrement des réalités industrielles. Toute discussion entre ingénieurs sur l’innocuité qu’il peut y avoir à se situer en deçà de la norme, lorsqu’il est question de garantie absolue de tenue des équipements sur toute leur durée de vie, est par exemple devenue impossible ; le cas des soudures du circuit secondaire et des raccordements de capteurs sur le circuit primaire ou celui de la métallurgie de la cuve du réacteurs de Flamanville 3 en sont l’édifiante illustration.  

Hélas, le réquisitoire dressé contre un concept ASN dangereusement hors sol doit également l’être contre les exécuteurs sans condition des prescriptions canoniques du GIEC, quant au savoir-être économique et social de l’humanité. Pour opérer la transposition qui s’impose, il suffit de remplacer identification, caractérisation et évaluation de la dynamique d’une défaillance nucléaire et de ses possibles conséquences accidentelles, par leurs homologues attachées à un péril climatique allégué.  

Ainsi, eu égard aux considérables enjeux planétaires de tous ordres que suppose la prévention de ce péril possiblement surestimé, voire inutilement dramatisé, convient-il en premier lieu de reprocher aux missionnaires climatiques patentés d’appréhender cette prévention suivant une méthode déterministe et non probabiliste (2). Car il n’est nullement démontré que non seulement l’homme a une responsabilité prépondérante dans les évolutions climatiques du dernier siècle, mais que la civilisation humaine est capable de peser sur elles, voire de les inverser, quelle que puisse en être l’intensité. Partant, en méconnaissant délibérément que les relevés désavouent depuis 30 ans les prophéties des réputés spécialistes et le catastrophisme des projections même bidouillées de leurs modèles informatiques, les décideurs s’employant à circonvenir les peuples du contraire ne font qu’aggraver leur irresponsabilité.    

Pour mettre cette dernière en évidence, il suffit d’admettre peu ou prou vérifié le caractère inéluctable de la survenue du cataclysme, à échéance de quelques décennies. Et, dans ce cas, la communauté humaine devient parfaitement fondée à exiger de ses plus hautes institutions nationales et internationales le préalable absolu de la réquisition de tout ce que la planète compte d’experts et de spécialistes de références à assigner à la résolution du dilemme suivant : vaut-il mieux engloutir des milliers de milliards de dollars à tenter de juguler une puissance physique de dimension cosmique, potentialisée ou non par nos effluves gazeuses, que consacrer ces mêmes milliards à continuer d’adapter la civilisation aux caprices immémoriaux du climat… ou le contraire ?

En date du 21 avril 2021, Conseil et Parlement d’une UE responsable de seulement 10 % des émissions planétaires de CO2 ont répondu ce qui suit à une telle question, sans s’embarrasser de la poser dans les formes techno scientifiques qu’exigerait toute prophylaxie de menace avérée de décimation : prescription de neutralité climatique aux pays membres, à l'horizon 2050, avec réduction des émissions nettes de gaz à effet de serre (après déduction des absorptions) d'au moins 55 % d'ici à 2030, par rapport aux niveaux de 1990.

La commission de Bruxelles, bras séculier de cette Union, habilité à statuer sans partage et sans appel aux suffrages desquels elle ne tire aucune légitimité, n’a pas perdu une minute à jeter à la face du monde la déclinaison opérationnelle suivante de la vertueuse consigne : taxe inédite sur le kérosène aérien pour les vols intra UE ; interdiction de vendre des voitures neuves à essence ou diesel, à partir de 2035 ; importations (acier, ciment, électricité...) graduellement soumises aux règles de l'ETS (Émissions Trading System) à partir de 2026 ; importations astreintes à l’achat de "certificats d'émissions" basés sur le prix du carbone en UE ; relèvement à 40% de la part des énergies renouvelables visée en 2030…  

Avec de tels féaux franco bruxellois du GIEC, les ordonnateurs d’une sûreté nucléaire française administrée de main de fer ont manifestement été à bonne école… à moins que ce ne soit le contraire. Dans ces deux univers, une aristocratie de l’expertise hors sol se dispense de justifier le prix auquel elle prétend, seule, dérober le peuple à des préjudices dont elle dit détenir en propre la connaissance de la gravité ; dans ces deux univers, on se dispense d’établir cahier des charges et dimensionnement des hypothétiques process technico économiques censés prévenir le péril allégué ; dans ces deux univers, on juge superfétatoire d’en estimer les possibles coût/performances ou bénéfices/risques et, plus encore, d’envisager de confronter leurs mesures aux estimations, en régime d’exploitation. 

En vérité, ces deux univers ne visent tout bonnement qu’à instaurer une police normative la plus intangible possible des pratiques techno industrielles et du comportement social de la ou des sociétés et, comme Coluche n’aurait pas manqué de le relever, les experts d’aujourd’hui ou prétendus tels ne sont plus mandatés pour concevoir et protéger les progrès de la civilisation, mais pour décrire à l’humanité comment elle est désormais tenue de s’en passer…  

(1) Sur ce thème inhérent à l’Autorité de Sûreté Nucléaire, Cf  https://www.transitionsenergies.com/surete-nucleaire-mieux-ennemi-du-bien/

(2)On considère que la menace est une réalité potentielle dument caractérisée qualitativement et quantitativement, contre laquelle il est nécessaire de prendre toutes les mesures adéquates de protection, quel qu’en soit le prix. En découlent la création de lourdes organisations de crise, avec exercices périodiques de simulation, et/ou coûteuses dispositions socioéconomiques de prévention ; les unes et les autres ayant toutes les chances de se révéler inutiles ou la plupart du temps largement surdimensionnées. 

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