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Art Paris Art Fair : où en sont l’art et le marché de l’art français ?
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Troublante chute

L'exposition "Art Paris Art Fair" qui se déroule actuellement veut revigorer un marché de l'art bien morose dans l'Hexagone. Comme souvent, les opportunités ne manquent pourtant pas pour redorer le blason français sur la scène mondiale.

Thierry Ehrmann

Thierry Ehrmann

Thierry Ehrmann est le fondateur et Président du Groupe Serveur depuis 1987, créateur du Serveur Judiciaire en 1995, président fondateur de Artprice en 1987. Il est aussi artiste plasticien et auteur de la Demeure du Chaos à Saint-Romain-au-Mont-d'Or

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Atlantico : Quel type d'art est actuellement proposé par l'exposition "Art Paris Art Fair" ?

Thierry Ehrmann : "Art Paris Art Fair" s'inscrit dans une démarche originale et une vision plus ouverte, moins sélective du marché de l'art que celle proposée par des instituts comme la FIAC, l'idée étant de coller d'avantage aux besoins des Parisiens et des Français dans leur ensemble. Le marché de l'art français est dans un état catastrophique alors qu'il ne pèse aujourd'hui que 4% du marché mondial, ce qui ne pèse pas bien lourd face au trio de tête représenté par la Chine, les Etats-Unis et la Grande-Bretagne. Ce marché continue d'offrir toutefois de bonnes occasions et le problème est ici d'avantage la question de l'exportation des artistes français, sujet sur lesquels les autorités culturelles devraient selon moi se concentrer davantage. Cette question est aujourd'hui réservée au Quai D'Orsay (connu pour mener une guerre de longue date avec le ministère de la Culture sur les sujets artistiques) et il s'agit là d'une unicité française qui n'a jusqu'ici pas produit de grands résultats.

Au-delà de ça, le problème en France est l'opposition systématique entre culture et marché de l'art : notre culture est "enviable" partout dans le monde, notre pays est le plus visité du globe, mais le marché de l'art est loin d'être reluisant pour autant. A Londres ou à New-York, ce que l'on appelle une "belle vente cataloguée" tourné généralement autour de 500 millions de dollars pour des œuvres de prestige, ce qui équivaut à … une année entière de vente en France. Cela s'explique par plusieurs facteurs : nous avons un art très "franco-centré" qui s'exporte mal, à tel point que des artistes renommés comme Robert Combaz continuent de réaliser 95% de leurs ventes dans l'Hexagone. Autre chiffre inquiétant, le fait que l'art contemporain représente 27 à 30 millions d'euros en France, ce qui représente le prix d'une toile unique de référence à New-York.

Comment expliquer ce désamour de l'art français ?

C'est tout un problème. On peut déjà dire que l'argument fiscal ne tient pas en compte puisque notre pays possède l'un des systèmes les plus avantageux dans ce domaine. On peut aussi évoquer le fait que les collectionneurs français éprouvent souvent le besoin pathétique d'acheter anglo-saxon (Keith Harring, Basquiat, Warhol…) considéré comme plus sûr en termes d'investissements. C'est d'autant plus navrant que les grands collectionneurs de la fin du XIXe siècle étaient connus pour leurs capacités à "risquer" des achats sur de jeunes artistes. Aujourd'hui on ne trouve aucun soutien véritable d'industriel ou de mécènes clairement attachés aux productions nationales alors que les Américains sont eux bien plus motivés dans ce sens.

On peut espérer que cela change avec une nouvelle génération de Français capable de mieux promouvoir l'aspect international du marché de l'art auprès de jeunes talents, quitte à reprendre le goût du risque au passage. Les jeunes artistes de l'Hexagone parlent de plus mieux anglais et sont moins intimidés à l'égard du monde anglo-saxon en comparaison de leurs aînés.

"Art Paris" tente ainsi, à son niveau, de pallier à ces problèmes en offrant une plateforme de promotion pour les jeunes artistes

Que pensent aujourd'hui les acheteurs étrangers des artistes français ?

Le problème est que l'on peut constater, sans méchanceté aucune, que sur les 100 artistes français les plus côtés à peine 12 ou 13 parlent à peu près couramment l'anglais. Lorsque l'on exporte, il faut pourtant être capable de rencontrer des étrangers, expliquer votre démarche artistique, afin de séduire. Dans les années 1960, la France pesait encore 60% du marché mondial, elle était dans une situation de suprématie absolue. Maintenant, nous ne faisons plus que 27 millions d'euros d'art contemporain par an... Il y a eu un décrochage très net face aux Américains, voire aux Chinois. La puissance politique française, et tous les ministres qui se sont succédé, ont fait la confusion entre culture et marché de l'art. 

Mais justement, des expositions comme "Art Paris Art Fair" peuvent-elles changer la donne ?

C'est certes une bonne initiative, mais cette exposition manque de grosses pièces, on reste sur du franco-français. Il y a au moins le mérite du travail de pédagogie et d'éducation des Français. Mais la puissance publique n'a pas les moyens d'appuyer cette manifestation. En fait, en termes de pédagogie, je dirais même que "Art paris Art Fair" se substitue à ce que devraient faire les pouvoirs publics. Il faut également savoir de plus, à propos de la faiblesse de la puissance publique, que les coupes dans les effectifs de la diplomatie française, sans doute l'une des meilleures au monde, ont aussi ôté le pouvoir d'influence des ambassades françaises qui se focalisent plutôt sur l'exportation de produits industriels aujourd'hui. Mais je ne désespère pas que se rencontreront une nouvelle génération d'artistes, plus ouverts sur le monde, qui ne s’enclaveront pas dans une logique académique restreinte. On est actuellement au creux de la vague, on ne peut que remonter...

Propos recueillis par Clémence de Ligny

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