Après Samsung, Apple attaque Google et déclenche la guerre thermonucléaire des smartphones<!-- --> | Atlantico.fr
Atlantico, c'est qui, c'est quoi ?
Newsletter
Décryptages
Pépites
Dossiers
Rendez-vous
Atlantico-Light
Vidéos
Podcasts
Consommation
Après Samsung, Apple attaque Google et déclenche la guerre thermonucléaire des smartphones
©

911

Apple a décidé ce mardi que l'application YouTube, qui appartient au moteur de recherche Google, ne sera pas intégrée à son nouveau système iOS. Une nouvelle attaque de la firme à la pomme contre son ancien ami et désormais meilleur ennemi.

Gilles  Dounès

Gilles Dounès

Gilles Dounès a été directeur de la Rédaction du site MacPlus.net  jusqu’en mars 2015. Il intervient à présent régulièrement sur iWeek,  l'émission consacrée à l’écosystème Apple sur OUATCHtv  la chaîne TV dédiée à la High-Tech et aux Loisirs.

Il est le co-auteur avec Marc Geoffroy d’iPod Backstage, les coulisses d’un succès mondial, paru en 2005 aux Editions Dunod.

Voir la bio »
  1. Atlantico : La nouvelle version du système d'exploitation mobile iOS d'Apple ne proposera plus par défaut l'application YouTube. En juin, le groupe de Cupertino avait déja renoncé au logiciel de géolocalisation de Google pour un service de cartes "maison". La guerre promise par Steve Jobs à Google est-elle en train de prendre un nouveau tournant ?

  2. Gilles Dounès : Steve Jobs avait effectivement promis « une guerre thermonucléaire à Google » lorsqu’il s’était rendu compte qu’à Mountain View (NDLR : le siège de Google est situé dans cette petite ville qui jouxte pratiquement Cupertino) on était rentré sur le marché du téléphone portable, ajoutant « nous ne sommes pas rentrés sur le marché des moteurs de recherche ? » selon son biographe Walter Isaacson. Il faut bien se rendre compte de l’étroitesse des liens, plus encore que des partenariats, qui unissait Apple et Google à cette époque.
De 2004 à 2009, Arthur Levinson qui était l’un des amis les plus proches de Jobs a siégé au conseil d’administration de Google, de même qu’Éric Schmidt, qui était à l’époque le PDG de Google, siégeait de même au conseil d’administration d’Apple de 2006 à 2009. Ce type d’échange de dirigeants dans des organes de réflexion stratégique est une marque de confiance très forte, d’où la réaction très forte en retour, lorsque les instances dirigeantes d’Apple se sont rendues compte de ce qui s’est passé.
Maintenant, on est entre gens de bonne compagnie et il y avait des accords de partenariats qui avaient été signés : on arrive maintenant à l’expiration de ces accords, et on commence à en voir les conséquences. Pour ce qui est de Plans, l’application avait été développée par Apple et faisait appel aux API de Google Maps : Apple utilisera désormais la solution qu’elle a développée en interne, à partir de la nébuleuse de petites sociétés qu’elle a rachetée à cet effet ; YouTube avait été intégré dès le départ, en tant que solution alternative à Flash qui n’était pas compatible avec la plate-forme mobile ; Apple nouera d’autres partenariats, fera éventuellement d’autres acquisitions et continuera de toute façon à promouvoir des standards ouverts, comme le HTML 5… pour limiter sa dépendance, mais également pour des raisons plus profondes.

  1. Quel pourrait être l'impact de cette initiative sur Google ?

Chez Google, on a dû peser le pour et le contre, et on devait sans doute être confiant dans ses possibilités de devenir calife à la place du calife, mais je ne suis pas sûr que l’on ait bien mesuré la capacité d’Apple à maîtriser l’ensemble de sa chaîne de valeur, depuis l’iPod jusqu’à la future smart TV en passant par l’iPhone et bien entendu iPad. 
Or le modèle économique de Google repose sur la publicité, si possible qualifiée, qu’elle glisse dans chacun de ses services ou de ses applications mais cela suppose de bénéficier d’une position dominante, comme TF1 pour la télévision par exemple. Il faut bien se rendre compte que Google s’est en quelque sorte servi de son partenariat avec Apple pour bâtir son ascension sur le marché de la publicité mobile, en jouant sur les deux tableaux : iOS plus Android (système d'exploitation détenu par Google). 
Or, tous modèles confondus, c’est encore iOS qui est très largement le modèle dominant. Google va devoir vivre en étant un éditeur comme les autres sur iOS, avec une plate-forme publicitaire concurrente qui s’appelle iAd.
  1. Peut-on attendre une "contre-attaque" de la part de Google ?

C’est Google qui a ouvert les hostilités, et qui avait déjà un adversaire de taille avec Microsoft. Le nouveau géant a déjà pris les devants en achetant Motorola pour ses futurs Nexus, ce qui n’a pas dû faire très plaisir à Samsung  ou à HTC… Conclure une alliance de revers ? Oui, mais avec qui ? Sans compter que Google commence à avoir un certain nombre de casseroles judiciaires et anticoncurentielles derrière lui…
  1. D'autres applications sont-elles sur la sellette ? Apple peut-il frapper un grand coup en interdisant définitivement à ses concurrents l'accès à son Appstore ? 

YouTube et Maps étaient les deux grandes applications emblématiques du partenariat privilégié entre Google et Apple, tel qu’il a pu apparaître au moment du lancement de l’iPhone. Google ne se verra pas interdire les portes de l’apps store  iOS, pas plus que Microsoft ne s’est vu interdire celle de l’apps store de Mac OS X : il va seulement devenir un éditeur comme les autres.

Qu'envisage Apple pour remplacer l'application YouTube par défaut ?

Apparemment, Apple a déjà prévu de mettre en avant Viméo, une plate forme de partage new-yorkaise qui s’appuie sur le HTML 5, le standard ouvert du WWWC sur lequel Apple c’est beaucoup appuyé. Rien n’est dit qu’il ne puisse pas aller plus loin et nouer avec Vimeo un partenariat, les racheter ou développer une autre solution
  1. Apple n'abuse-t-il pas de sa position dominante ?

Apple n’abuse pas de sa position dominante. D’abord elle n’est pas en position dominante dans la téléphonie mobile, même si, grâce aux usages, iOS continue à être le système d’exploitation mobile le plus utilisé. En fait elle se défend de façon d’autant plus véhémente qu’elle a le sentiment d’avoir été trompée.
On a trop négligé les facteurs psychologiques dans cette affaire, et j’insiste là-dessus : les partenariats qui avaient été noués avec Google, comme avec Samsung d’ailleurs, étaient des partenariats vraiment privilégiés. Or si Apple ne fait pas confiance a priori facilement, elle préfère paradoxalement privilégier ses partenaires traditionnels lorsque cela est possible, lorsqu’elle est à la recherche de nouvelles solutions. Cela tenait également à la personnalité de Steve Jobs. Mais si la relation de confiance cesse, il est bien évident que le partenariat aussi. 
  1. Procès avec Samsung, attaque contre Google : mais quelle est donc cette nouvelle stratégie menée par Apple ?

Il ne s’agit pas d’une nouvelle stratégie : Apple a toujours défendu sa propriété intellectuelle, même si elle a toujours privilégié les accords à l’amiable comme ce fut le cas avec Creative en 2006 par exemple, ou même avec Microsoft en 1998.
Il faut bien comprendre que Apple a le sentiment d’avoir été éjectée du marché de la micro informatique, qu’elle avait créé en grande partie : une première fois avec l’IBM PC en 79 et une deuxième fois avec Windows 95, en 1995. Tim Cook a bien été clair sur le fait qu Apple mettrait tout en oeuvre pour qu’il en soit pas de même sur le marché de la téléphonie, et de la mobilité en général.
Samsung, pour des raisons à la fois psychologiques et géopolitiques, a fait une grossière erreur en ne privilégiant pas un accord amiable quand elle en a avait encore la possibilité. Google a tout intérêt à se montrer plus raisonnable : l’adage qui veut qu’un mauvais accord soit préférable à un bon procès est encore plus valable aux États-Unis…

Propos recueillis par Jean-Benoît Raynaud


[Mis à jour vendredi 10 août à 17h45] :

Suite aux réactions à cet article, l'auteur a tenu à réagir :

Il y a eu un certain nombre de réactions qui, pour être assez violentes, montre que le sujet du téléphone mobile est un sujet "qui parle". La thématique abordée au cours de l'interview visait à examiner l'évolution des relations entre Apple et Google, à la lumière d'un certain nombre d'annonces récentes. la tiraille et de chapo de l'interview étaient rédigés dans le style "punchy" qui est celui d'Atlantico.
De façon synthétique, la réponse au questionnement est la suivante : Apple met fin à son partenariat privilégié avec Google, qui du fait son entrée sur le marché de l'OS, devient un concurrent direct. Concernant iOS, la fonction de partage de vidéos ne comprend plus YouTube.
Et Apple, qui faisait appel pour son application Plans aux API de Google, utilisera désormais des ressources internes. Mais que restera sens aucun doute libre de proposer ses propres applications.
En ce qui concerne les "casseroles" de Google, voici la dernière en date. Mais il y en d'autres.
Le procès perdu assez bizarrement par Oracle ira en appel, je relève que ce n'est pas Apple, mais bien Google hier convenu avoir "sponsoriser" articles ou billets. D'autres procédures sont en cours, instruite par la commission européenne ou la FTC américaine.
En ce qui concerne iOS, sa "chaîne de valeur" (iPod touch, iPhone, iPad, Apple TV et bientôt smart TV ) est conçue comme un tout, même si bien entendu ces éléments sont utilisables individuellement: les 2 premier qui sont actuellement aux deux extrémités de la chaîne ont été historiquement lancé le même jour, on janvier 2007. Cette chaîne est construite autour des usages, comme j'ai déjà eu l'honneur de l'expliquer précédemment dans ces colonnes, et Eldais toujours leader au niveau des usages, principalement du fait de la domination de l'iPad :
Safari mobile et iOS reste la plate-forme de surf mobile numéro un. La plate-forme de jeux numéro un. Ce qui n'est guère étonnant puisque iOS est également la plate-forme de développement préféré des développeurs. Pour ce qui est du Smartphone, c'est un cas particulier que la crise en Europe est venue bouleverser dufay, du fait de son modèle particulier de distribution assuré "à crédit" par les opérateurs. voici les derniers chiffres du marché américain en ce qui concerne Apple et Samsung : mais cela n'empêche personne de prendre du plaisir avec son dernier Galaxy…

En raison de débordements, nous avons fait le choix de suspendre les commentaires des articles d'Atlantico.fr.

Mais n'hésitez pas à partager cet article avec vos proches par mail, messagerie, SMS ou sur les réseaux sociaux afin de continuer le débat !