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Après les débordements de Calais : entre extrême-gauche et extrême-droite, la plus grande menace pour l’ordre public est-elle celle que l’on croit ?
©Reuters

Evolution de la menace

En marge d'une manifestation pro-migrants organisée à Calais ce weekend, plusieurs débordements ont été signalés. Après la manifestation, près de 500 personnes auraient forcé un barrage de CRS, et une trentaine d'individus ont été appréhendés par la justice pour s'être introduits dans un ferry britannique. La manifestation était composée de migrants et de militants No-Borders.

Christophe  Naudin

Christophe Naudin

Christophe Naudin est criminologue, docteur de la Sorbonne, chercheur enseignant pour l’Université Paris II Panthéon-Assas. Spécialisé dans la lutte contre la criminalité identitaire et le terrorisme aérien, il est également formateur pour la police nationale et la gendarmerie nationale. Il a exercé pendant 20 ans dans de nombreux pays sur les 5 continents, dans le cadre de la coopération technique policière et de défense.

 
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Alain Bauer

Alain Bauer

Alain Bauer est professeur de criminologie au Conservatoire National des Arts et Métiers, New York et Shanghai. Il est responsable du pôle Sécurité Défense Renseignement Criminologie Cybermenaces et Crises (PSDR3C).
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Atlantico : Financement, revendications, mode opératoire... En quoi ce mouvement consiste-t-il, et de qui est-il composé ?

Alain Bauer : Comme les Black Blocks, les No Borders sont un réseau politique anticapitaliste et anti frontières. Ce sont des militants déterminés et décentralisés qui fonctionnent depuis le début 2000 et qui se sont développés dans le monde entier. On ne note pas de structures ni d'investissements mais le mouvement s'inscrit dans une nébuleuse qui va des manifestations antiG7 ou 8 ou 20, anti COP, anti institutions, etc…. Le mouvement de Calais est le plus ancien et le plus structuré puisque les premières opérations des No Borders datent de 2009 (Calais Migrant Solidarité).

Christophe Naudin : Les mouvements anarchistes et nihilistes sont pluriels même s’ils partagent des valeurs communes : celles de vouloir anéantir la société occidentale dans l’espoir de bâtir un monde alternatif… Les no-borders sont opposés au concept de frontières. Pourquoi pas. Mais est-ce réaliste ? Pilotés par l’extrême gauche, voir l’Ultra-Gauche, ils sont persuadés d’être une minorité éclairée qui détient nécessairement raison et vérité. A contrario, le peuple est dans l’erreur et les politiques entretiennent ce manque de discernement. José Bové, pourtant député européen écologiste, ancien condamné multirécidiviste, appelle à la désobéissance et n’hésite pas à menacer le président de la république de troubles à l’ordre public parce qu’une minorité militante conteste une décision de justice prise par le TGI de Nantes. Pour les no-borders, les frontières doivent être supprimées. Utopie géniale irréalisable, car les droits dont bénéficient les militants et aussi les étrangers qu’ils défendent, ont besoin de limites pour s’exercer. Pas grave, le mode opératoire est toujours de provoquer une rupture auprès des forces de l’ordre en les débordant, ou de détruire les symboles (grillage, mûrs, portes, matériels de contrôle, etc.). A chaque fois, des centaines de milliers d’Euros de dégâts que seule la collectivité assume, parce que la justice bienveillante, veille à ce que ces actions soient requalifiées en acte de première nécessité, non sanctionnables en droit.

En fait, le dispositif intellectuel n’est pas si différent de celui des islamistes djihadistes. Manipulation mentale, déconstruction psychologique sont les ressorts les plus marquants de la stratégie des no-borders. Quant au financement, il est totalement occulte. Les cotisations des membres sont symboliques et insuffisantes. Beaucoup de ces mouvements usent du « street fund-raising », un système de donation anonyme de rue, qui ne permet évidemment aucune traçabilité des donateurs ou de l’argent récolté. Bien pratique…

Une enquête publiée dans l'Obs, montre que plusieurs de ses membres sont affiliés aux mouvements zadistes. Quels liens a-t-on pu observer entre les différents groupuscules radicaux d'extrême gauche en France ? 

Alain Bauer : En fait les mêmes militants, pour des raisons liées à leurs convictions peuvent se retrouver (et se retrouvent souvent) dans tous les mouvements alter. 

Christophe Naudin : L’extrême gauche a peu de ressources. Elle doit donc mutualiser ses effectifs. On observe d’ailleurs les mêmes dispositions dans le monde du militantisme engagé. Les no-Borders sont des militants radicaux qui appartiennent souvent à plusieurs mouvances extrémistes similaires, de type Zadistes (ZAD - Zone à Défendre), écologistes fondamentalistes, casseurs du black-block, libertaires divers, alter-mondialistes intégristes, confédérations diverses, etc. Sont-ils très nombreux ? Ils aimeraient bien que l’opinion publique le croit. Les militants apprennent avant tout à s’agréger à des protestataires plus ou moins légitimes (migrants frustrés, manifestants professionnels, paysans expropriés, minorités victimes d’inégalités juridiques, etc.) qui défendent du mieux qu’ils le peuvent leurs propres intérêts. Pour maintenir la cohésion du groupe, les militants s’auto-persuadent qu’ils agissent dans le cadre du bon droit des peuples. Ainsi lorsqu’ils commettent des destructions matérielles, ils les qualifient de « démontage pacifique », tandis que la violence institutionnelle des forces de l’ordre est toujours considérée comme une « provocation » ou un « abus de pouvoir ».

Dans les années 1970, les "rats noirs" du GUD défrayaient la chronique pour leurs manifestations violentes et anarchistes. Dans quelle mesure cette violence s'exprime-t-elle aujourd'hui davantage à travers des groupuscules d'extrême gauche ?

Alain Bauer : Ce n'est lié à aucun extrême politique particulier. Les méthodes militantes sont souvent les mêmes (occupation, sit in, manifestations, mobilisations, et parfois violences en réunion. Si les causes sont parfois diamétralement opposées, les méthodes sont souvent comparables. Et servent aussi dans des affrontements entre groupes opposés, la police servant alors de casque bleu.

Christophe Naudin : L’extrême gauche a toujours été violente, comme le fut également l’extrême droite en son temps. Cette dernière prône dans la violence une justice expéditive centrée sur la frustration sociale ou la xénophobie, tandis que l’extrême gauche espère toujours développer une forme de violence révolutionnaire ciblée sur tous les symboles économiques ou sur les corps d’Etat dit sécuritaires (Policiers, militaires, surveillants pénitentiaires, etc.).

Sauf que la gauche modérée a toujours voulu stigmatiser à droite ce qu’elle considérait comme de l’extrémisme sans admettre que l’extrême gauche n’était pas plus fréquentable. Une telle attitude se révèle aujourd’hui dangereuse. La dilution des valeurs des Etats de droit encouragée depuis des années par des positions politiques floues, a conduit à l’explosion des minorités radicales plus ou moins dangereuses. Contenter tout le monde est impossible, il faut parfois savoir trancher, ce que nous ne savons plus vraiment faire en France.

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