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Après la défaite de Mélenchon, 
la gauche socialiste va-t-elle 
euthanasier le PC ?
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Futur de gauche

Le Parti socialiste a obtenu la majorité absolue en nombre de sièges à l'Assemblée Nationale. Le Front de gauche n'est plus indispensable à la majorité et derrière la dynamique en trompe l’œil de Jean-Luc Mélenchon pendant la campagne présidentielle, les législatives enregistrent un net recul local de la gauche radicale.

Sylvain Boulouque

Sylvain Boulouque

Sylvain Boulouque est historien, spécialiste du communisme, de l'anarchisme, du syndicalisme et de l'extrême gauche. Il est l'auteur de Mensonges en gilet jaune : Quand les réseaux sociaux et les bobards d'État font l'histoire (Serge Safran éditeur) ou bien encore de La gauche radicale : liens, lieux et luttes (2012-2017), à la Fondapol (Fondation pour l'innovation politique). 

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  1. Atlantico : Le Parti Socialiste a obtenu la majorité absolue en nombre de sièges à l'Assemblée Nationale. Quelles en sont les conséquences pour le Front de Gauche et Jean-Luc Mélenchon en particulier ?

Sylvain Boulouque : D‘abord pour comprendre cet échec, il est nécessaire de noter que le PCF demeure le principal acteur du Front de gauche par la force militante et les infrastructures qu’il apporte. En parallèle, il faut procéder à une petite histoire des gauches pour constater que nous sommes réellement à la fin d’une période.

Le cycle ouvert avec la naissance du PCF en 1920 est en train de définitivement se clore. Le PCF a connu un regain de vigueur dans les années 1970 mais depuis le début des années 1980, le déclin du PCF n’a fait que s’accélérer. L’arrivée de la gauche au pouvoir puis surtout la fin de l’URSS ont annoncé sa mort. Sur le plan électoral, il convient de constater que le nombre de députés communistes ou apparentés chute d’élections législatives en élections législatives. Son électorat est vieillissant. Ce qui est paradoxal ce que le Front de gauche a progressé en voix par rapport à 2007 mais les voix se sont éparpillés sur le territoire c'est donc la fin des "zones rouges".

De plus, ce qui a longtemps fait une des forces du PCF l’encrage local se réduit comme une peau de chagrin. Les bastions du PCF disparaissent un par un. Il achève son érosion. Le nombre de députés et le nombre de municipalités s’étiolent de suffrage en suffrage. Il risque d’atteindre le nombre de députés qu’il avait à son étiage en 1932 (10 députés) environ 800 000 voix un peu plus de 8 % des suffrages exprimés – le nombre d’électeur à cette date étant bien inférieur… En 1932, le PCF était un parti actif, composé de jeunes militants très à se battre pour leur idée 24 heures sur 24. Tel n’est plus la cas aujourd’hui. Le PCF en raison de son histoire – sa naissance étant intimement liée à la naissance de l’URSS – de sa nature même qui n’arrive pas à se ressourcer va poursuivre sa lente agonie jusqu’à la disparition complète du dernier bastion.  

Ce résultat offre l'occasion de revenir sur la campagne menée par Jean-Luc Mélenchon à la fois pour les législatives où il a échoué face à Marine Le Pen et à la Présidentielle où la candidate FN l'a également devancé. Quel est son bilan ?

En tant que tel son bilan à la présidentielle et même son bilan personnel aux élections législatives à Hénin Beaumont n’est pas si mauvais. Mais il est en trompe l’œil. Si globalement la somme totale des suffrages est inférieure aux résultats de 1995 et de 2002. Elle est supérieure à 2007. Ces scores s’inscrivent à la suite du recul progressif de la gauche radicale dans la société français.

Une des difficultés à analyser le phénomène vient du décalage entre les ambitions affichées au fur et à mesure que la campagne a progressé et de l’effervescence médiatique qui s'est emparée du phénomène. Jean-Luc Mélenchon a généré autour de lui une bulle et dont il avait besoin pour émerger. Mais les buts fixés allant grandissant lui ont entraîné un décalage entre la réalité possible et l’espérance générée. En outre, il a utilisé tous les thèmes classiques de l’action politique telle qu’elle existait aux XIXe et au XXe siècles. Il a repris les grands classiques de la propagande meeting en plein air comme le faisait Maurice Thorez – voire même avant lui Jaurès – gouaille à la Georges Marchais en utilisant même temps l’expression élaborée digne de celle de François Mitterrand. Par ce cocktail détonnant, Mélenchon a progressé en trois temps. Il a fédéré la majeure partie de la gauche radicale (entre septembre et décembre 2011). Il a séduit et récupéré une partie d’un électorat anciennement communiste souvent désabusé ou en rupture de ban avec le PCF depuis plusieurs décennies et qui s’est remobilisé pendant la présidentielle en raison de ses capacités de tribun, des références utilisées notamment à la Révolution française et à la Résistance (janvier – février 2012). Cet électorat est surtout composé d’ancien militant de la génération du programme commun. Dans le même temps, il a capté une grande partie de l’électorat de Besancenot de 2002 et de 2007 grâce notamment au caractère festif des manifestations (mars 2012) et en attirant à lui certains secteurs de l’électorat socialiste. Ces derniers ont finalement voté pour Hollande (avril 2012). Son art de l’éloquence, son art consommé de tribun et les capacités mobilisatrices n’ont pas touché tous les secteurs de la société mais des secteurs déjà sensibilisés à ce type de thématiques.

La campagne de Jean-Luc Mélenchon semble avoir partiellement endigué le déclin au plan national mais pas au plan local de la gauche radicale. L'électorat est nettement moins homogène, beaucoup plus versatile et fragmenté ce qui fait perdre au Front de gauche dans sa dimension communiste ses derniers bastions.

De quelle marge de manœuvre dispose désormais François Hollande vis-à-vis du Front de Gauche ?

Difficile de prédire l’avenir, a priori comme la majorité est absolue, il n’en a pas besoin. Il faudrait inverser la question. La gauche socialiste va-t-elle maintenir en coma artificiel le PCF ou signer son acte de décès ? En lui offrant ou non la possibilité d'avoir un groupe parlementaire. Cela dépend de l’analyse que les responsables socialistes font du Front de gauche. Soit, ils considèrent qu’il demeure une force d’appoint et une réserve pour les élections futures. Soit ils considèrent qu’il est nuisible, laissant dans ce cas une partie de l’électorat de gauche dans la nature.

Si il est dispersé sur un plan national, cet électorat est  encore très militant, avec une capacité d’intervention dans la sphère publique : les artistes, les enseignants et les universitaires sont en nombre plus importants qu’ailleurs. Enfin, si le temps d’une campagne électorale la dynamique unitaire a fonctionné, il n’est pas sur que le Front de gauche – composé de maoïstes (le Parti communiste des ouvriers de France), de trotskistes (Gauche Unitaire et Gauche anticapitaliste), de communistes sous toutes leurs formes traditionnels et orthodoxes (PCF), staliniens (rassemblement des groupes communistes), critiques  (Les communistes unitaires, les alternatifs,……) et d’anciens socialistes (le Parti de Gauche,  Socialisme et république) – n’implose pas entre des tendances contraires.

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