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Application des peines : 
le bal des hypocrites
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Récidive

Après l'émotion provoquée par le meurtre de la petite Laëtitia, l'UMP tenait ce mardi 8 mars une convention sur l'application des peines. Le parti dirigé par Jean-François Copé propose que ce ne soit plus le juge d'application des peines - non soumis hiérarchiquement au pouvoir exécutif - qui s'occupe de l'exécution des peines, mais plutôt le Parquet. Un débat où l'hypocrisie n'est jamais loin...

Aurélien Hamelle

Aurélien Hamelle

Aurélien Hamelle, 32 ans, est avocat au barreau de Paris, associé du cabinet Metzner Associés, spécialisé en droit pénal des affaires et droit pénal.

Il est l’auteur d’un essai sur le thème de la justice pénale, Faut-il vraiment durcir la justice ? (JC Lattès, 2009).

 

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Le débat sur l’application des peines pénales est aussi récurrent qu’il est hypocrite. On veut nous faire croire que les défaillances dans l’application des peines seraient le fruit d’un laxisme judiciaire, voire de carences dans le suivi des délinquants, notamment récidivistes. Pourtant, nos élus ont leur part de responsabilité en la matière.

Application des peines et récidive : découpler cette idée reçue

Avant de prétendre contribuer au débat sur l’application des peines, il faut certainement en poser des bases claires. La récidive n’est pas le fruit pourri d’une application des peines qui serait par trop clémente ou laxiste, mais avant tout du tempérament criminogène d’une minorité d’individus. Sauf à redouter une utopie telle celle décrite dans le film de Steven Spielberg, Minority report, où le crime peut être arrêté avant qu’il ne soit commis, la classe politique devrait cesser de faire croire que le risque zéro existe. Il ne faut à l’évidence pas s’arrêter à ce constat mais admettre, non notre impuissance, mais les limites réalistes de toute action politique utile.

Quand la loi dévalorise la peine

Rechercher sans passion ni haine un système d’application des peines efficace, c’est tout d’abord redonner à la peine toute sa valeur. Pendant de nombreuses années, toute peine de prison ferme inférieure à un an prononcée par un tribunal ne donnait en principe pas lieu à incarcération.

Depuis la loi pénitentiaire du 24 novembre 2009 votée par la majorité actuelle, ce seuil en dessous duquel une peine de prison ferme n’a en principe pas à être exécutée a été porté à deux ans. Ce faisant, le législateur dévalorise le sens d’une peine de prison ferme qui n’est qu’une peine potentiellement ferme en dessous de deux années d’emprisonnement. Il serait plus sain de prévoir, par la publication de lignes directrices de peines - à l’instar des sentencing guidelinesanglo-saxonnes - des peines alternatives ou de prison avec sursis pour les affaires où sont prononcées aujourd’hui des peines de 1 à 2 ans d’emprisonnement ferme, et de réserver les peines fermes à ceux qui le méritent vraiment en les assortissant d’une mise à exécution systématique. On redonnerait ainsi à la peine de prison un peu de son sens et de sa gravité.

Quels moyens pour la justice ?

Au-delà, l’application des peines est avant tout affaire de moyens. Moyens pour accueillir dignement les détenus en prison, dans un contexte de surpopulation carcérale qui ne fait rien contre la récidive, bien au contraire. Moyens pour la justice et les services d’application des peines ensuite, quand on sait que le budget consacré par la France à sa justice est inférieur de moitié à celui de l’Allemagne ou du Royaume-Uni.

Recherche d’économies là où cela est possible : placement sous bracelet électronique dont le coût est inférieur à l’incarcération, dépénalisation de certaines infractions qui mériteraient un autre traitement judiciaire, médical ou social : pêle-mêle la consommation de cannabis, le droit pénal du travail ou de la vie des affaires, les atteintes à la liberté d’expression… Des pistes existent, refusons donc les expédients politiquement rentables pour privilégier des solutions pragmatiques et efficaces.

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