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Appétits sous influence : ça n'est pas vous qui décidez de la quantité de ce que vous mangez, c'est la couleur ou la taille du contenant des aliments
©Reuters

Influence colorimétrique

Avoir faim est une sensation qui nous semble la plus physiologique, la plus indépendante qui soit. Pourtant, notre hypothalamus ne se limite pas à prendre en compte les besoins de notre corps, il a intégré une autre donnée : celle de la peur de manquer. Et l'industrie alimentaire est la première à le savoir.

Catherine Grangeard

Catherine Grangeard

Catherine Grangeard est psychanalyste. Elle est l'auteur du livre Comprendre l'obésité chez Albin Michel, et de Obésité, le poids des mots, les maux du poids chez Calmann-Lévy.

Elle est membre du Think Tank ObésitéS, premier groupe de réflexion français sur la question du surpoids. 

Co-auteur du livre "La femme qui voit de l'autre côté du miroir" chez Eyrolles. 

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Atlantico : Selon une étude réalisée par des chercheurs de l'université de Cornell, les contenants influenceraient grandement la quantité de nourriture que nous ingérons. Par exemple, il semblerait que l'on ait tendance à grignoter davantage lorsque les aliments seraient stockés dans un contenant translucide. Comment expliquer que l'on ressente le besoin de manger plus lorsque l'on voit les aliments ?

Catherine Grangeard : Lorsqu'un récipient permet de voir ce qu'il reste comme nourriture à l'intérieur, on voit que la quantité diminue et on se dit : "Je n'ai plus que cela à finir". Dans ce cas, il faut faire attention car se restreindre devient plus compliqué. Souvent, il s'agit de choses qui se grignotent. Mais il y a aussi les pots de yaourts "maxi taille". Une fois ouvert, on a envie de tout manger. Alors qu'avec les petits pots, même si l'envie est encore présente, on n'en ouvrira rarement un deuxième. On constate le même effet lorsque l'on offre +10% sur un produit, on a l'impression de faire une bonne affaire.

Quelle est l'influence de la taille du contenant dans la quantité de nourriture que nous mangeons ?

La taille du contenant a une influence évidente sur la quantité ingérée. Lorsque l'on a une petite assiette, elle parait pleine. Avec la même quantité, une grande assiette semble vide. Si vous êtes gouvernés par vos yeux plutôt que par votre ventre, alors la taille du contenant fera la différence. En revanche, si vous êtes gouvernés par votre ventre, le contenant ne change pas grand-chose. Mais pour les yeux, c'est l'envie qui dicte ce que l'on mange.

Si vous mangez parce que vous avez faim, lorsque votre ventre gargouille, ce n'est pas la même chose que l'envie de manger qui vient de la vue. La nouvelle cuisine est jolie et bien présentée, mais certaines personnes se plaignent de ne rien avoir dans leur assiette et seront rassurées par le fait d'avoir un gros plat devant leurs yeux.

L'étude aurait montré que les personnes mangeant des pates dans une assiette blanche se servaient 22% plus que lorsque les aliments se trouvaient dans une assiette rouge. La couleur a-t-elle une influence sur la quantité de nourriture que l'on mange ?

Je ne connais pas l'influence des couleurs sur la personne. Certaines couleurs peuvent donner l'impression d'aliments plus sains éventuellement.

Quels sont les autres facteurs qui peuvent influencer la quantité de nourriture que nous ingérons et la fréquence à laquelle nous mangeons ?

Il y a chez l'être humain une envie d'en avoir toujours plus et cela se constate dans beaucoup de domaines. Nous sommes traversés par la crainte du manque. Même si nous n'en avons pas besoin, le fait d'en avoir plus rassure la plupart d'entre-nous. Si on ne fait pas confiance à la sensation de faim, on fera confiance à ce désir d'en avoir plus.

Lorsque dans les sodas, on vous offre 200 ml, les gens achètent non pas parce qu'ils ont soif mais parce qu'ils ont peur de manquer. Ils se diront que c'est toujours ça de pris. Mais de pris par rapport à quoi ? Ce n'est pas la faim qui dicte ce comportement mais le besoin de posséder, on stocke des tas de choses, comme si c'était rassurant pas rapport à la famine. Cette sensation de toujours en avoir plus permet de nous rassurer d'une anxiété permanente de ne pas en avoir assez un jour. Et cette anxiété est fortement encouragée par l'agroalimentaire, par des offres de type "deux pour le prix d'un".

Le marketing joue beaucoup sur cette crainte. Si votre pot de yaourt contient 20% de plus de yaourt, cela semble rassurant mais il semblerait que les gens ne se demandent pas s'ils avaient assez avec un pot de yaourt classique. Et une fois que le contenant est ouvert c'est plus compliqué de le refermer, on ne laisse pas les 20% supplémentaire pour le lendemain.

Que faut-il déduire de l'importance de la perception dans la perte de poids et notamment dans la lutte contre l'obésité ?

Si on pense que l'on mange peu, on a faim, on se sent au régime. Si on mange toute son assiette, on pense que l'on est calé, d'où l'intérêt des petites assiettes. Beaucoup de personnes ont perdu le sens de la satiété. Si vous mangez avec votre ventre, vous savez quand vous êtes rassasiés. Si ce n'est pas le cas, vos yeux peuvent vous tromper.

Pour manger avec son ventre, il faut pouvoir se défaire de l'angoisse de manquer. C'est l'inverse de tous les régimes actuels dans lesquels on se met en restriction. Et on se dit : vivement que je perde mes kilos pour revenir à mon alimentation "normale". Ce qui est intéressant, c'est que cette alimentation normale est celle qui a pour conséquence un désir d'une perte de poids. Les gens ne mangent pas parce qu'ils ont faim mais parce que le résultat ne leur convient pas. Car la réalité des tailles actuelles pour les femmes, c'est du 42 et on est conditionnée pour mettre du 38. On n'est pas dans la réalité. L'idéal est totalement fabriqué, on ne s'occupe pas de notre faim mais d'un idéal avec paradoxalement des sollicitations permanentes pour la consommation. C'est un paradoxe qui rend les gens très éloignés de leur sensation de faim.  

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