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Anniversaire des 10 ans de règne de Raul Castro, vers la fin de 60 ans de castrisme à Cuba ?
©Ernesto MASTRASCUSA / POOL / AFP

Accroché au pouvoir

Raul Castro a été élu président des Conseils d'État et des ministres de Cuba le 24 février 2008, succédant à son frère Fidel Castro. Mais cela fait près de 60 ans qu'il est au sommet du pouvoir, dans l'ombre de son frère.

Jacobo Machover

Jacobo Machover

Jacobo Machover est un écrivain cubain exilé en France. Il a publié en 2019 aux éditions Buchet Castel Mon oncle David. D'Auschwitz à Cuba, une famille dans les tourments de l'Histoire. Il est également l'auteur de : La face cachée du Che (Armand Colin), Castro est mort ! Cuba libre !? (Éditions François Bourin) et Cuba de Batista à Castro - Une contre histoire (éditions Buchet - Chastel).

 

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Atlantico : Le 24 février, Raul Castro a fêté ses dix ans à la tête de Cuba, après avoir succédé à son frère Fidel. Quel bilan faire de son action à la tête du gouvernement : a-t-il été l'agent d'une certaine ouverture (notamment avec le tourisme) ou, par delà les apparences a-t-il poursuivi l'oeuvre "révolutionnaire" de son frère ?

Jacobo Machover :Le dixième anniversaire de l’accession officielle de Raúl Castro au pouvoir est un non-événement. Cela aurait pu en constituer un s’il l’avait quitté, comme il l’avait promis, le 24 février 2018. Mais il s’est ravisé, sous prétexte des dégâts causés par l’ouragan Irma à la fin de l’été 2017 (au cours duquel il a brillé par son absence auprès de la population cubaine) et des difficultés à organiser les « élections » (avec candidats uniques du Parti communiste unique) à l’Assemblée nationale du pouvoir populaire, le Parlement-croupion. Il a donc retardé son départ de quelques semaines, peut-être à cause de difficultés dans la succession, pour le fixer au 19 avril, date-anniversaire des combats de la baie des Cochons en 1961 contre les expéditionnaires cubains qui avaient tenté de renverser le pouvoir castriste, avec l’aide -limitée et rapidement interrompue- de Etats-Unis. Dans un pays figé dans le temps comme Cuba, tout n’est qu’anniversaires : le 24 février est celui de la deuxième guerre d’indépendance contre l’Espagne en 1895. On y commémore la moindre escarmouche de Fidel Castro et de ses hommes. Bientôt, le 1er janvier 2019, ce sera celui du soixantième anniversaire de la révolution contre le gouvernement de Fulgencio Batista. C’est depuis ce jour-là que Raúl Castro est au sommet du régime, dans l’ombre de son demi-frère aîné Fidel jusqu’en juillet 2006, date à laquelle celui-ci lui a transmis ses prérogatives, puis en pleine lumière, ce qu’il ne semble pas apprécier particulièrement : c’est un bien piètre orateur.

Son « mandat » de deux fois cinq ans s’est caractérisé par une tentative frustrée d’instaurer un système communiste à la chinoise ou à la vietnamienne. Il y a eu quelques signes d’ « ouverture », le plus important étant celui d’autoriser (enfin !) les Cubains à voyager à l’étranger, avec certaines restrictions. Le séjour « historique » de Barack Obama à Cuba en mars 2016, après le rétablissement des relations diplomatiques avec les Etats-Unis, n’a été qu’une parenthèse, en partie refermée avec l’élection de Donald Trump. Cela n’a pas empêché Obama de faire un ultime cadeau, quelques jours à peine avant son départ de la Maison Blanche, à son nouvel ami Raúl Castro, en fermant la porte du territoire américain aux fugitifs cubains. Cette disposition a pour le moment été maintenue par l’administration Trump, qui a toutefois fait montre d’une hostilité envers le régime castriste et d’un appui (moral, mais largement insuffisant et qui ne s’est guère traduit par des actes) aux dissidents. Les relations entre Cuba et les Etats-Unis connaissent un refroidissement certain depuis la révélation d’étranges « attaques acoustiques » menées sur le territoire cubain (par qui ? c’est là tout le mystère) contre des diplomates américains et canadiens et les membres de leur famille. Le tourisme, en forte hausse et particulièrement visible, en provenance du grand voisin du Nord s’en ressent. Fini le défilé de stars internationales à La Havane, de Katy Perry et Madonna aux Rolling Stones ou à Karl Lagerfeld. Mais les Européens continuent d’y affluer. Que vont-ils y chercher ? Sans doute le souvenir de leurs rêves évanouis dans la capitale en ruines d’un pays en déliquescence.  

  1. Dans quel état est Cuba aujourd'hui, alors que Raul Castro s'apprête à céder sa place, après 60 ans de castrisme ?

Certains observateurs ont voulu présenter Raúl Castro comme un « pragmatique ». En fait, c’est un communiste dogmatique, davantage que Fidel. Un homme qui a signé une entrée tonitruante dans l’histoire de Cuba, en faisant exécuter, après un simulacre de procès particulièrement expéditif, soixante-douze personnes innocentes, accusées d’avoir été des « sbires de Batista », en janvier 1959, à Santiago de Cuba. Par la suite, il n’a fait que confirmer ce côté sanguinaire, rivalisant sur ce point avec Fidel et avec Che Guevara, tous trois de véritables bourreaux du peuple cubain, en envoyant périodiquement à la mort les opposants ou en les emprisonnant pendant vingt ou trente ans. La répression a aujourd’hui adopté d’autres formes : elle est moins sanguinaire -Raúl Castro a décrété un « moratoire », qui peut toujours être interrompu, sur la peine de mort- mais elle reste violente et peut prendre la forme d’exécutions maquillées en « accidents de la route ». Il n’y a pas la moindre velléité de démocratisation de l’île. Tout le projet et le bilan de Raúl Castro sont là : la continuation de la dictature par d’autres moyens. Une tyrannie familiale (la sienne, pas celle de Fidel, complètement disloquée, frappée de plein fouet par le traumatisme provoqué par le suicide de son fils aîné, « Fidelito », en janvier 2018), avec son fils Alejandro, son gendre Rodríguez López-Callejas, sa fille Mariela, qui devraient continuer à régner sur l’île derrière la figure de l’actuel vice-président, Miguel Díaz-Canel, un ingénieur-bureaucrate sans véritable influence ni appui au sein de l’un des clans qui constituent le véritable pouvoir militaro-économique dans l’île. Des présidents ou des aspirants à la présidence cosmétiques, il y en a eu plusieurs au cours de l’interminable période castriste. Ils ont tous été destitués sans laisser de traces. L’île a appartenu aux seuls frères Castro. Leurs rejetons feront tout pour conserver cet héritage, qui a été forgé tout en plongeant le pays dans la misère et la destruction.  

  1. Comment expliquer dans ces conditions que certaines élites françaises continuent à apprécier voire se revendiquer de l'héritage des Castro ?

Les tyrans ont toujours trouvé des voix « éclairées » pour les défendre, en arguant de la « dignité » (la misère), de l’ « éducation » (l’endoctrinement) ou d’autres fadaises. Ces figures méprisent les résistants, les dissidents, les exilés. Elles n’hésitent pas à faire l’apologie des crimes castristes. Comme tristes exemples récents -qui devraient provoquer un sentiment de honte parmi les démocrates français qui les entendent-, il faut citer les deux cents personnalités -chefs d’entreprise, artistes, hommes politiques de tous bords- qui ont dîné avec Raúl Castro à l’Elysée en février 2016, sur invitation du président François Hollande, Ségolène Royal, qui n’a pas hésité à nier l’existence de prisonniers politiques à Cuba après la mort de Fidel en novembre 2016, mais aussi Jean-Luc Mélenchon et son ami, le psychanalyste Gérard Miller, ainsi que des complices d’autres nationalités, comme l’ambassadeur espagnol à Cuba, qui se prosterne devant les cendres de Fidel Castro ou l’ex-président du gouvernement Rodríguez Zapatero, qui s’associe aux dirigeants de Podemos pour appuyer les vassaux bolivien, Evo Morales, ou vénézuélien, Nicolás Maduro, du castrisme. Cependant, le cas le plus ridiculement flagrant est celui d’Anne Hidalgo, qui a rendu hommage ces derniers jours, à travers une exposition dans les salons de la Mairie de Paris, à cette « icône militante et romantique », en réalité un stalinien fanatique de la pire espèce, qu’a été Che Guevara, s’attirant une volée de bois vert de la part de ceux, en France et ailleurs -notamment à Cuba de la part de la courageuse dissidente Yoani Sánchez- qui n’entendent plus se laisser berner par les mythes révolutionnaires passablement dégradés, à l’image de Fidel et de Raúl Castro qui ont troqué leur jeunesse révolutionnaire pour un pyjama Adidas l’un, un costume l’autre -parfois-, qui ne sont que le reflet d’une déchéance physique et morale qui a fait des Cubains un peuple soit errant (les exilés), soit à la merci du bon vouloir de cette dynastie (ceux qui sont contraints de rester dans l’île). Les intellectuels de tous pays qui ont appuyé ou qui continuent d’appuyer cette sanglante révolution devraient se retourner sur leurs erreurs passées et présentes. Au lieu d’afficher leur solidarité avec l’appareil répressif, ils devraient se montrer solidaires avec leurs victimes, qui restent toujours désespérément seules.

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