Allemagne : la turbine de la honte<!-- --> | Atlantico.fr
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Le chancelier allemand Olaf Scholz se tient devant une turbine du gazoduc Nord Stream 1 alors qu'il visite l'usine de Siemens Energy à Muelheim, dans l'ouest de l'Allemagne, le 3 août 2022.
Le chancelier allemand Olaf Scholz se tient devant une turbine du gazoduc Nord Stream 1 alors qu'il visite l'usine de Siemens Energy à Muelheim, dans l'ouest de l'Allemagne, le 3 août 2022.
©Sascha Schuermann / AFP

Crise énergétique

Le chancelier allemand Olaf Scholz s’est rendu à Mülheim, près de Düsseldorf, où est entreposée une turbine du gazoduc Nord Stream 1 après une opération de réparation au Canada. La pièce, réclamée par la Russie depuis plusieurs semaines, est au cœur de la crise énergétique qui oppose Berlin à Moscou.

Les Arvernes

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Les Arvernes sont un groupe de hauts fonctionnaires, de professeurs, d’essayistes et d’entrepreneurs. Ils ont vocation à intervenir régulièrement, désormais, dans le débat public.

Composé de personnalités préférant rester anonymes, ce groupe se veut l'équivalent de droite aux Gracques qui s'étaient lancés lors de la campagne présidentielle de 2007 en signant un appel à une alliance PS-UDF. Les Arvernes, eux, souhaitent agir contre le déni de réalité dans lequel s'enferment trop souvent les élites françaises.

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Atlantico : Dans la crise qui oppose l’Allemagne à la Russie, un élément semble faire figure de catalyseur, une turbine et Olaf Scholz a même posé devant elle. De quoi s’agit-il exactement ? Pourquoi cela suscite-t-il la polémique ?

Les Arvernes : Il s'agit d'une pièce qui était en réparation au Canada, indispensable au bon fonctionnement du gazoduc Nordstream 1. Il s'ensuit un jeu de mistigri avec d'un coté le gouvernement allemand qui estime que la pièce peut fonctionner, une partie de l'opinion allemande et d'autres parties prenantes qui soulignent que le renvoi de cette pièce à Gazprom serait une violation directe des sanctions à l'égard de la Russie, et cette dernière qui accumule les prétextes pour in fine couper le gaz... 

Derrière cette histoire de turbine, qu’est cela nous apprend nous sur le comportement de l’Allemagne dans ses relations internationales et plus précisément à l'égard de l'Union européenne ?

D'abord, il y a une forme de désordre dans la façon dont les choses sont gérées en Allemagne. Il faut revenir à une idée simple qu'on oublie en France où la Vem donne tous pouvoirs au Président : l'Allemagne est une démocratie parlementaire, et la décision gouvernementale est plus longue et compliquée qu'en France, pour le meilleur et pour le pire. 

Ensuite, elle montre que l'Allemagne mène une politique réaliste, une politique de ses intérêts propres. Beaucoup vivent erronément avec l'idée que l'Allemagne d'aujourd'hui est la RFA d'Helmut Kohl - pour ne pas remonter plus loin - puissamment complexée par son comportement au 20em siècle. C'est l'Allemagne qui, jusqu'à ce que François Mitterrand mette fin à cette pratique, demandait au Conseil de l'UE qu'un texte que la France ne souhaitait pas voir adopté soit enlevé de l'agenda. L'Allemagne est désormais une puissance assumée, qui n'hésite pas à faire preuve d'unilatéralisme, même brutal (sortie du nucléaire 2012, crise des migrants 2015), au sein de l'UE. Elle a aussi conscience que c'est le bon état de son économie depuis une dizaine d'année qui a constitué aux yeux des marchés et de beaucoup - à tort ou à raison - le pilier le plus fort de la solidité de l'euro. Enfin, pas un jour ou presque sans que l'Allemagne ne montre qu'il y a un domaine dans lequel elle ne craint pas d'être ouvertement hégémonique, jusqu'à refuser des coopérations industrielles par exemple dans le domaine militaire, si elle n'est pas le maître à bord : l'industrie. 

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Plus largement, l'attitude de l'Allemagne pointe une réalité dont tout le monde ou presque semble avoir pris conscience en Europe, sauf la France : les Etats membres de l'UE défendent leurs intérêts. C'est aussi simple que cela. La France, à cet égard, est parfois en décalage, irriguée de l'impératif catégorique "plus européen que moi tu meurs". La façon, nous l'avons dit dans vos colonnes, dont la France a laissé l'Allemagne piloter la transition énergétique et le green deal au détriment de son excellence nucléaire est un triste anti-modèle. 

Olaf Scholz et son gouvernement sont-ils incapables de tenir tête à la Russie ?

La question est plus compliquée. Que veut-dire "tenir tête à la Russie", si cela doit signifier que le gaz est coupé totalement l'hiver prochain, et que l'Allemagne - et avec elle toute la zone euro et l'UE - entre dans une très puissante récession ? Nous sortons à peine d'une crise covid majeure. Le fait est qu'il n'y a pas de bonne solution. 

En revanche, il est clair que la situation dans laquelle l'Allemagne s'est mise et a mis l'UE est un désastre, dont elle est bien la responsable. En 2000, quand le Commissaire européen à l'énergie a tiré la sonnette d'alarme sur l'accroissement inéluctable de la dépendance énergétique européenne vis-à-vis du reste du monde et notamment de la Russie, l'Allemagne s'est puissamment opposée. C'est aussi l'Allemagne qui persévère dans folie énergétique en ne craignant pas de substituer en ce moment du charbon à de l'atome, avec toutes les conséquences dramatiques que cela implique pour l'environnement. C'est l'Allemagne qui mène le combat contre l'énergie nucléaire, à la plus grande défaveur de la France.

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