Aliments ultra-transformés: un train peut-il cacher l'absence d'un autre ?<!-- --> | Atlantico.fr
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Les AUT représentent une longue liste de transformations qui vont de la cuisson à la production d’un mélange de produits déjà ultra transformés cuits ensemble et chargés de substances addictives
Les AUT représentent une longue liste de transformations qui vont de la cuisson à la production d’un mélange de produits déjà ultra transformés cuits ensemble et chargés de substances addictives
©CHRISTOPHE SIMON / AFP

Danger des AUT

Une nouvelle étude observationnelle du BMJ apporte des données intéressantes sur les liens éventuels entre une alimentation de type industriel et la santé.

Guy-André Pelouze

Guy-André Pelouze

Guy-André Pelouze est chirurgien à Perpignan.

Passionné par les avancées extraordinaires de sa spécialité depuis un demi siècle, il est resté très attentif aux conditions d'exercice et à l'évolution du système qui conditionnent la qualité des soins.

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Les aliments ultra-transformés (AUT) sont-ils dangereux pour la santé ? Ce que cette étude tend à prouver, c’est que certains de ces aliments pourraient être plus nocifs pour notre santé que d'autres. Même si ce que l'on sait déjà sur ce sujet reste sommaire, cela pourrait nous aider à ne pas mettre tous les AUT dans le même sac. Ou bien est ce une nouvelle étude qui oublie le chaînon manquant à l’origine de l’augmentation de la mortalité ?

Les AUT ont été invisibilisés par le scoring et le slogan “gras/sucré/salé”  

Revenons en arrière avant que les AUT ne soient une cible. Le discours nutritionnel était focalisé sur les nutriments dominants, sucre, gras, sel mais pas sur les aliments réels. La conséquence directe a été jusqu’à récemment que les processus de transformation ont été gommés, oubliés dans la doxa nutritionnelle. Et de ce fait, la frontière entre les aliments entiers et les produits a disparu. Or il est plus difficile de tricher sur des aliments entiers que sur des produits. Un morceau de viande de découpe est un tissu animal entier reconnaissable, un grain de riz complet décortiqué de sa cosse non comestible aussi, un œuf frais ou du brocoli frais de même etc. En revanche, en déstructurant ces aliments on peut produire des AUT avec des processus physiques, chimiques et des additifs de toutes sortes tant et si bien que goûter la viande dans le produit fini est impossible. C’est pratique entre autres pour utiliser des viandes de qualité inférieure, pour abaisser les coûts en ajoutant des “fillers” (agents de remplissage) maltodextrines, carraghénanes etc. Invisibiliser les AUT n’est pas un hasard, c’est une construction active. Mais voilà les transformations se rappellent à nous comme un marqueur associé à des indicateurs de santé péjoratifs.

Les messages de santé publique émanant de l’État et des sachants dominants ont ignoré les AUT. 

C’est le cas en particulier du scoring des aliments (Nutri-Score® et d’autres). Ces scores sont en réalité totalement déconnectés du caractère industriel de production. Il ne faut pas attribuer au Nutri-Score des fonctions allant au-delà de ce pourquoi il a été créé. Le Nutri-Score ne permet pas de distinguer le mode de production associé au produit qui a pourtant un impact sur la qualité du produit et la santé du consommateur. Il semble même que cet impact soit bien plus important que la quantité de graisses saturées. Les graisses saturées n’ont en effet aucun effet prouvé sur la mortalité. Les études systématiques portant sur l'impact des graisses saturées sur la mortalité et les principaux résultats en matière de cancer et de maladies cardiométaboliques suggèrent presque toutes de très faibles changements absolus du risque, et les données reposent principalement sur des preuves de faible ou de très faible niveau de certitude. Le Nutri-Score est en train de changer mais il n’y a aucune évidence que ces changements soient efficaces comme il n’y avait que peu d’études favorables avant ces changements. Le scoring reste un système réducteur, totalement paramétré par ses créateurs et non les consensus. Il est de surcroît ignorant des nutriments traces, vitamines, minéraux ou autres. Il faut à cet égard ne pas sous-estimer le rôle de l’industrie agro-alimentaire et de l’état (nombre d’emplois en jeu) dans ces choix, négliger les micro-nutriments et ne aps tenir compte des processus de transformation (Figure N°1). 

Figure N°1: Biais de publication et Nutri-Score : Une revue complète de la littérature sur la justification de l'efficacité du logo Nutri-Score sur les emballages.

Les messages publicitaires sur l’alimentation ont été contre-productifs ou détruits par le temps et la répétition

Depuis le 1er mars 2007, les publicités pour les produits alimentaires sont obligatoirement accompagnées d’un slogan du type “Pour votre santé, mangez au moins cinq fruits et légumes par jour” ou “Évitez de manger trop gras, trop sucré, trop salé”. C’est la loi de santé publique du 9 août 2004, qui impose aux industriels d’insérer de tels messages ou, à défaut, de s’acquitter d’une taxe égale à 1,5 % de l’investissement publicitaire. Premier obstacle, la compréhension du slogan prête à confusion. La mention obligatoire peut être percue comme un blanc seing au produit de la publicité. Dans une enquête par questionnaire 68 % des parents et 63 % des enfants interviewés répondent que cela veut dire que le produit vanté dans le spot est équilibré. Deuxième obstacle, il est surprenant que compte tenu du coût de ces messages aucune évaluation d'efficacité n’ait pu être produite par les agences de l’État alors que ce type de loi devrait être soumis à évaluation ou à défaut supprimées.



La définition même des aliments transformés ou ultra transformés est floue. 

Aucune définition des AUT n’est satisfaisante 

C’est l’inverse qui est identifiable: les aliments non transformés sont reconnus par les consommateurs. En revanche les AUT représentent une longue liste de transformations qui vont de la cuisson à la production d’un mélange de produits déjà ultra transformés cuits ensemble et chargés de substances addictives (sucre, piment, sel, molécules de Maillard) comme les célèbres Pringles®. 

Une association significative mais faible

A contrario, malgré un battage médiatique hebdomadaire les preuves de l'influence de la consommation d’AUT sur la mortalité sont limitées dans les grandes cohortes avec un suivi à long terme et une évaluation fiable et répétée de l'alimentation. Rappelons qu’aucune causalité ne peut être déduite d’études observationnelles. Là comme dans d’autres domaines de santé publique observer ne rend pas compte du type de lien, hasard, marqueur d’un comportement qui n’est pas renseigné ou cause directe. Pour approcher des liens de cause à effet il faut faire une expérience avec des règles strictes. Il ne faut donc pas écrire, considérer ou affirmer que des études (lesquelles et en la matière elles sont toutes observationnelles) ont démontré que les AUT sont à l’origine d’une surmortalité. Cet effet “pensée rapide” (Daniel Kahneman) est insupportable et a déjà fait beaucoup de victimes pas seulement sur le plan des idées. Les études observationnelles permettent d’établir une association entre deux évènements (AUT et mortalité toutes causes) pour laquelle un test de probabilité écarte le hasard avec une erreur résiduelle < à 5% ou moins. Ce qui ressort d’une méta-analyse du même BMJ, c’est que la consommation d’AUT divisée par exemple en quintiles et la mortalité brute ou analytique observée dans un espace temps (une population dans un espace géographique et pendant une durée donnée) sont faiblement liées. Par exemple, l'augmentation de mortalité chez les plus grands consommateurs d’AUT n’est que de 2%, en revanche le surrisque de diabète type 2 est de 12%.

Figure N°2: Graphique en forêt des relations dose-réponse entre une plus grande exposition aux aliments ultra-transformés et le risque d'effets néfastes sur la santé, avec des évaluations de la crédibilité et de la qualité GRADE (Grading of Recommendations, Assessment, Development, and Evaluation). Les estimations sont des rapports de cotes équivalents, avec les intervalles de confiance (IC) correspondants à 95 %. Maladies cardiovasculaires combinées = morbidité + mortalité ; crédibilité = évaluation des critères de classification des preuves ; k = nombre d'articles de recherche originaux. Une version interactive de ce graphique est disponible à l'adresse suivante : https://public.flourish.studio/visualisation/16645261/


Comment aller plus loin ?

Il est classique d’insister sur le fait que les AUT apportent généralement de manière disproportionnée des sucres ajoutés, du chlorure de sodium, des graisses trans, des glucides rapides y compris des amidons raffinés alors que leur teneur en fibres est faible. Mais ils sont aussi pauvres en vitamines thermosensibles, en minéraux rares ou en vitamines du groupe B éliminés par le raffinage des produits de base. Certaines vitamines sont plus stables (moins affectées par la transformation) que d'autres. Les vitamines hydrosolubles (groupe B et C) sont plus instables que les vitamines liposolubles (K, A, D et E) au cours de la transformation et du stockage des aliments. La vitamine la plus instable est probablement l’acide folique. D’une manière générale, c’est un élément important, les AUT ont perdu la matrice de l’aliment brut: légumes foliaires ou tubéreux, fruits, chair des muscles ou organes animaux, oeufs sont issus d’être vivants qui ont une organisation tissulaire de la peau aux organes profonds de l’écorce à la feuille ou la fleur. Notre tube digestif est adapté à cette matrice notamment pour la digestion et l’absorption sélective et ou active des nutriments.

 Outre ces défauts de qualité nutritionnelle, les AUT peuvent contenir des substances nocives, telles que des carcinogènes, des molécules addictives (molécules de Maillard), additifs,  et des contaminants formés au cours de la transformation. De plus en plus de données issues de grandes cohortes prospectives montrent que les aliments ultra-transformés sont associés à des effets néfastes sur la santé, tels que le surpoids/l'obésité, les maladies cardiovasculaires, le diabète de type 2 et dans certaines études le cancer colorectal. Une revue systématique a montré qu'une consommation élevée d'aliments ultra-transformés était associée à un risque accru de mortalité toutes causes confondues, de maladies cardiovasculaires, de syndrome métabolique, de dépression et de cancer du sein post-ménopausique. Toutefois, peu d'études de cohortes prospectives avec un suivi de plus de 20 ans ont examiné l'association pour la mortalité toutes causes confondues ou la mortalité par cause spécifique, en particulier la mortalité due au cancer. Il est essentiel de disposer de données de haute qualité provenant de cohortes bénéficiant d'un long suivi pour pouvoir formuler des recommandations en matière d'alimentation et de politiques alimentaires.



Un groupe d’aliments très disparate donc une grande incertitude d'interprétation

Les aliments ultra-transformés sont des formulations industrielles prêtes à consommer ou à chauffer, composées principalement ou entièrement de substances dérivées des aliments, y compris des arômes, des colorants, des texturants, des agents de remplissage et d'autres additifs, avec peu ou pas d'aliments entiers intacts.  Les AUT, qui sont généralement de faible qualité nutritionnelle et de haute densité énergétique, dominent l'approvisionnement alimentaire des pays à revenu élevé, et leur consommation est en nette augmentation dans les pays à revenu moyen. La consommation d'AUT représente 57 % de l'apport énergétique quotidien chez les adultes et 67 % chez les jeunes aux États-Unis, d'après l'enquête nationale sur la santé et l'examen nutritionnel (NHANES). 

En tirant parti de la richesse des données obtenues grâce à des évaluations répétées pendant plus de 30 ans dans deux grandes cohortes prospectives américaines, les auteurs ont examiné les associations entre l'ensemble des aliments ultra-transformés et des sous-groupes d'aliments ultra-transformés avec la mortalité toutes causes confondues. Plusieurs remarques:


- les différences de mortalité sont assez faibles;

-  certains AUT sont neutres comme les matières grasses les condiments et les sauces;

- La confusion dans les définitions crée une grande incertitude, s’agissant des sucres ajoutés ils sont dans la même catégorie que les édulcorants et l’ensemble entraîne une surmortalité de 9%;

- la catégorie viandes (chairs animales) comprend les viandes, la volaille et les fruits de mer prêts à consommer, ce qui limite les conseils quand on sait que les fruits de mer comme le poisson ne sont pas associés à une surmortalité dans la plupart des études observationnelles de ces aliments. 

Figure N°3: Résultats du modèle de risques proportionnels de Cox stratifié par âge (mois), cycle de questionnaire (intervalle de deux ans) et cohorte et ajusté pour l'apport énergétique total, la race, l'état civil, l'activité physique, l'indice de masse corporelle, le statut tabagique et le nombre de paquets-années, la consommation d'alcool, l'examen physique effectué à des fins de dépistage et les antécédents familiaux de diabète sucré, d'infarctus du myocarde ou de cancer ; pour les femmes, également le statut ménopausique et l'utilisation d'hormones.

Des études observationnelles sauf une

Aux États-Unis, les aliments ultra-transformés représentent près de 60 % de l’apport énergétique. Il s'agit des snacks emballés, des boissons gazeuses, des nouilles instantanées, des plats préparés et de la plupart des produits qui contiennent une longue liste d'ingrédients méconnaissables, de conservateurs, d'émulsifiants, d'édulcorants et d'arômes artificiels.

Il faut d’abord bien retenir que cette étude est observationnelle et des travaux supplémentaires sont nécessaires pour confirmer ces associations et les mécanismes potentiels qui pourraient les sous-tendre. Toutefois, la taille importante de l'échantillon et la longue période de suivi utilisée dans l'étude soulignent la nécessité de poursuivre ces recherches.

Les résultats de cette dernière étude sont en demi-teinte

30 188 décès de femmes et 18 005 décès d'hommes ont été documentés au cours d'une période médiane de 34 et 31 ans de suivi, respectivement. Par rapport aux participants du quartile inférieur de la consommation d'AUT, les participants du quartile supérieur présentaient une mortalité toutes causes confondues supérieure de 4 % (rapport de risque 1,04, intervalle de confiance à 95 % 1,01 à 1,07) et une mortalité supérieure de 9 % due à des causes autres que le cancer ou les maladies cardiovasculaires (1,09, 1,05 à 1,13). Le taux de mortalité toutes causes confondues parmi les participants du quart le plus faible et du quart le plus élevé était respectivement de 1 472 et 1 536 pour 100 000 personnes-années. Aucune association n'a été trouvée pour le cancer ou la mortalité cardiovasculaire. Les produits prêts à consommer à base de viande, de volaille et de fruits de mer (par exemple, la viande transformée) ont systématiquement montré de fortes associations avec les résultats en matière de mortalité (les rapports de risque varient de 1,06 à 1,43). Les boissons sucrées et artificiellement sucrées (1,09, 1,07 à 1,12), les desserts à base de produits laitiers (1,07, 1,04 à 1,10) et les aliments ultra-transformés pour le petit-déjeuner (1,04, 1,02 à 1,07) ont également été associés à une mortalité toutes causes confondues plus élevée. Aucune association cohérente entre les aliments ultra-transformés et la mortalité n'a été observée dans chaque quartile de la qualité de l'alimentation évaluée par le score de l'Alternative Healthy Eating Index-2010,  en revanche une meilleure qualité de l'alimentation a montré une association inverse avec la mortalité dans chaque quartile des aliments ultra-transformés.

Les chercheurs ont conclu que leurs résultats indiquent la nécessité de formuler des recommandations plus spécifiques sur les aliments ultra-transformés

De nombreux plats préparés au micro-ondes sont un exemple d'aliments ultra-transformés. La recherche a établi un lien entre ces aliments et un risque accru d'obésité, de maladies cardiaques, de diabète et de cancer de l'intestin. L'étude du BMJ a consisté à suivre la santé à long terme de 74 563 infirmières et 39 501 professionnels de la santé aux États-Unis sur une période d'environ 34 ans. Les participants n'avaient aucun antécédent de cancer, de maladie cardiovasculaire ou de diabète au début de l'étude. En réalité, il faut pouvoir aller vers des recommandations plus spécifiques et donc vers des essais cliniques prospectifs randomisés. Car condamner tous les AUT est probablement faux mais surtout inapplicable à l’heure actuelle comme politique de santé publique.



L’essai clinique randomisé (RCT) de Kevin Hall

Le RCT publié par K. Hall et son équipe est très précis en terme d'identification des régimes en raison de la conception du RCT. Contrairement aux études d'observation (les participants mangent ce qu'on leur a présenté : "Au cours de chaque phase de régime, les sujets se voyaient présenter trois repas quotidiens et avaient pour instruction d'en consommer autant ou aussi peu qu'ils le souhaitaient"). Il est fréquent que la définition des AUT soit attaquée comme étant imprécise. Heureusement, dans un essai contrôlé randomisé, cela n'est pas une source de biais et encore moins dans une étude croisée. En ce qui concerne la durée de l'étude, il s'agit d'une étude croisée de 2 x 14 jours, ce qui signifie 28 jours. La variation de poids est très significative : participants gagnant 0,9 ± 0,3 kg (p = 0,009) pendant le régime ultra-transformé et perdant 0,9 ± 0,3 kg (p = 0,007) pendant le régime non transformé. La prise de poids pendant le régime ultra-transformé est rapide. La question de l'apport énergétique :  "L'apport énergétique était plus important pendant le régime ultra-transformé (508 ± 106 kcal/jour ; p = 0,0001), avec une consommation accrue de glucides (280 ± 54 kcal/jour ; p < 0,0001) et de lipides (230 ± 53 kcal/jour ; p = 0,0004), mais pas de protéines (2 ± 12 kcal/jour ; p = 0,85)". C’est impressionnant. Dans des conditions expérimentales précises la qualité d'une expérience n'est pas proportionnelle au nombre de sujets impliqués dans l'étude. C'est même le contraire. Une étude d'observation portant sur 100 000 patients est tellement biaisée par des problèmes méthodologiques et des facteurs de confusion que l'on se rend compte, bien que trop lentement, que ces études qui ont proliféré après la seconde guerre mondiale conduisent à des conclusions profondément erronées. Je ne détaillerai pas ici l'inconsistance qui consiste à vérifier deux fois en dix ans, sur un petit échantillon, la consommation d'œufs dans les "très grandes études d'observation". Ce n'est pas un non-sens, c'est une absurdité. Les essais contrôlés randomisés sont de loin supérieurs d'un point de vue méthodologique et c'est la raison pour laquelle ils permettent de mettre en évidence des relations de cause à effet. Les relations de cause à effet constituent la base factuelle de conseils de haute qualité. Cette étude a démontré un point: les AUT font grossir. Ils font grossir très vite et c’est principalement par une augmentation de la prise calorique.

Figure N°4: Les auteurs ont cherché à savoir si les aliments ultra-transformés affectaient l'apport énergétique chez 20 adultes dont le poids était stable, étaient âgés (moyenne ± SE) de 31,2 ± 1,6 ans et dont l'IMC était de 27 ± 1,5 kg/m2. Les sujets ont été admis au NIH Clinical Center et ont été randomisés pour recevoir soit des aliments ultra-transformés, soit des aliments non transformés pendant 2 semaines, immédiatement suivies par le régime alternatif pendant 2 semaines. Les participants prennent 0,9 ± 0,3 kg (p = 0,009) pendant le régime ultra-transformé et perdent 0,9 ± 0,3 kg (p = 0,007) pendant le régime non-transformé. Limiter la consommation d'aliments ultra-transformés peut être une stratégie efficace pour la prévention et le traitement de l'obésité étant donné la tendance des AUT a augmenter la prise calorique.

L’effet d’éviction ou le probable facteur causal “oublié”

Dans les études sur les AUT il est difficile de connaître la quantité d’AUT par rapport à la consommation calorique totale c'est-à-dire par soustraction la quantité résiduelle d'aliments frais ou peu transformés. Le point important est que ces associations entre forte consommation d’AUT et mortalité sont moins prononcées lorsque la qualité globale de l'alimentation est prise en compte. D’autres études, de bonne qualité, indiquent que la qualité de l'alimentation (celle des Blue Zones par exemple) a une grande influence sur la santé à long terme si bien que la consommation de quelques en-cas ultra-transformés n’est peut être pas l’explication recherchée ou du moins sa totalité. L’observation des caddies aux caisses des supermarchés le confirme. Il y a en effet un biais que les études observationnelles ne permettent pas d’éliminer: les personnes qui consomment le plus d'AUT ont tendance à manger le moins de légumes et de fruits frais, de viande de découpe, de légumineuses et de céréales complètes, à boire moins d’eau, autrement dit dans cette surmortalité l’absence de ces aliments entiers pèse à côté des AUT. Il n’est donc probablement pas exact de dire que ceux qui mangent plus d'aliments ultra-transformés sont plus susceptibles de mourir tôt. Les AUT évincent les aliments frais des caddies or c’est cet apport nutritionnel qui diminue les risques  de cancer et de maladies cardio-vasculaires et donc la mortalité précoce. Il s’agit d’une éviction par choix du consommateur. Les raisons en sont d’abord la praticité, ensuite et parfois en premier l’addiction, mais certainement pas le prix car une AUT coûte plus cher au poids.



Figure N°5: Préparer son alimentation à partir de produits frais est essentiel en s’inspirant des régimes des Blue Zones c’est à dire un régime pesco-végétarien avec un apport significatif en viande de découpe d’origine variée et un apport en sucres ajoutés nul et inférieur à 50 g/j pour l’ensemble des hydrates de carbone (régime bas en glucides). Ceci dit les preuves de liens entre consommation d’AUT et différents problèmes de santé sont encore très fragiles en dehors de l’obésité, du diabète type 2 et d’une surmortalitétoutes causes  modérée (https://www.bmj.com/content/384/bmj-2023-077310).

Les limites des études observationnelles sont une preuve supplémentaire de la nécessité d’études de qualité c'est-à-dire d’essais cliniques randomisés (RCT) ou Mendéliens pour éviter les facteurs de confusion. L’hypothèse que l’on peut formuler à l’heure actuelle est tout simplement que certains AUT sont pourvoyeurs de risque de maladies d’abord parce qu’ils augmentent la prise calorique et amorcent très tôt la spirale de l’obésité. En sus c’est probablement la non consommation de légumes de fruits et de produits frais (y compris la viande, le poisson et les oeufs) qui joue un rôle dans l'augmentation du risque de décès observé. En tout état de causes, il est certain que ces deux facteurs exercent une synergie d’effets délétères (l’effet de ces deux facteurs est supérieur à la somme arithmétique des effets). Réaliser des RCTs n’est pas aisé dans ce domaine mais c’est nécessaire avant toute recommandation nutritionnelle. Pour l'heure, répéter qu’il ne faut pas manger d’AUT sans précision ressemble à une bien-pensance à la mode et pourrait entraîner un désintéressement des consommateurs pour les messages de santé publique. 

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