Alerte rouge en Chine, Pékin apparaît incapable de redéfinir une stratégie de croissance entre la pression idéologique et la liberté du marché<!-- --> | Atlantico.fr
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Le dirigeant chinois Xi Jinping lors d'un discours.
Le dirigeant chinois Xi Jinping lors d'un discours.
©Anthony WALLACE / AFP

Atlantico Business

Perdue, désorientée, hésitante... Toutes les informations qui émanent de la Chine traduisent une dangereuse hésitation de la gouvernance entre la reprise de contrôle de toute l'économie et la liberté d’entreprendre.

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre a été en charge de l'information économique sur TF1 et LCI jusqu'en 2010 puis sur i>TÉLÉ.

Aujourd'hui éditorialiste sur Atlantico.fr, il présente également une émission sur la chaîne BFM Business.

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La visite à Pékin la semaine dernière de Janet Yellen, secrétaire au Trésor américain, qui a été très bien reçue, suivie de l'annonce d’une tournée des capitales européennes, dont Paris, le mois prochain par le président Xi Jinping, montre bien que le dirigeant chinois est finalement aux abois pour trouver le moyen de sortir du piège dans lequel la Chine est tombée.

Entre les contraintes et les avantages de la mondialisation et les difficultés à en gérer les effets sur le terrain de la politique intérieure. La Chine a un besoin urgent de retrouver de la croissance, la Chine a un besoin urgent de se réinscrire dans une dynamique de mondialisation, mais pour ce faire, elle doit abandonner les rigidités d’une idéologie renforcée et qui paralyse toutes les initiatives. Les menaces de guerre sur Taiwan ,se révèlent plutôt contre-productives avec des partenaires qui veulent surtout faire du commerce.

Entre la crise du COVID qui a bloqué la société chinoise toute entière, le rebond de l'économie mondiale dont la Chine s’est retrouvée exclue, la guerre en Ukraine et les liaisons dangereuses avec la Russie, la gouvernance chinoise cherche vainement la voie d’un nouvel équilibre.

Le renforcement de tous les pouvoirs entre les mains de Xi Jinping, qui s'est auto-désigné comme président à vie de l'Empire chinois, n'a pas permis de remobiliser le peuple autour de son projet impérialiste. Le projet de récupérer Taiwan n’intéresse pas les élites économiques et financières chinoises qui considèrent que les tensions avec les États-Unis ne font qu’ajouter du trouble au flou de la stratégie. On sait maintenant que la prise de contrôle de Hong Kong n’a pas été une réussite.

Le président Xi Jinping est donc partagé entre la nécessité de protéger son pouvoir absolu et dictatorial, et son besoin de croissance économique. Les objectifs sont contradictoires et ces contradictions apparaissent à tous les strates de la société chinoise et la paralysent.

1ère série de contradictions, la Chine est désormais noyée sous les surcapacités de production. La crise du COVID et le rebond qui a suivi la pandémie ont révélé au grand jour tous les déséquilibres de la mondialisation qui a régné sur la planète depuis l’an 2000. Coincée par des ruptures d’approvisionnement, gênée aussi par le non-respect des contrats chinois et des clauses de réciprocité, frustrée aussi de ne pas avoir accès aux marchés intérieurs, une grande partie des investisseurs étrangers en Chine ont plié bagage pour se réinstaller chez les voisins asiatiques, les dragons très heureux d’ouvrir des usines, mais beaucoup ont aussi relocalisé sur leur territoire des unités de production. Résultats, les prix à la consommation ont augmenté en Occident (d'où l'inflation), mais l'économie chinoise s’est mise à tourner dans le vide en comptant ses stocks d’invendus. Toutes les conversations entre Janet Yellen et les dirigeants chinois ont tourné sur ce changement de paradigme, à savoir que si la Chine veut à l’avenir profiter du marché mondial, il va falloir qu’elle en respecte les règles de fonctionnement, ce qui à Pékin pose de sérieux problèmes politiques. Quant à organiser des gigantesques soldes mondiales pour écouler les stocks chinois ,ce serait catastrophique et tout l’occident s’y opposera avec des droits de douanes .

2ème série de contradictions, celles qui traversent et bouleversent les marchés financiers chinois... Les bourses de Pékin et Shanghai étaient bien parties pour devenir les plus puissantes du monde. D'abord parce que les Chinois sont joueurs, qu'ils épargnent beaucoup puisqu'ils consomment peu et qu'il existe un potentiel de développement considérable. Seulement voilà, si la bourse fonctionne bien, elle fabrique des riches et les riches sont des contrepouvoirs que le régime de Pékin ne supporte pas. D'où la limitation des opérations possibles et surtout l'élimination physique des traders et des dirigeants de fonds d’investissement dès qu'ils deviennent très importants. Cette emprise idéologique sur le fonctionnement des marchés les paralyse et entre en contradiction avec les incitations du pouvoir à créer des affaires. Quand Xi Jinping invite les cadres du parti à créer des entreprises, quand il se propose de venir le mois prochain en Europe pour convaincre les investisseurs de revenir, il est assez peu crédible parce que le climat est assez peu favorable à l’expression de la liberté d’entreprendre. La liberté d’entreprendre n’est fertile que si la liberté individuelle est protégée, la liberté de circuler, de profiter des résultats, le droit de propriété, etc., sont respectés.

3ème série de contradictions est évidemment géopolitique... Le président Xi Jinping a fait la promesse à son peuple et surtout à son parti de récupérer Taiwan. C’est un projet purement politique, qui n’aurait aucun sens économique ou social. Au contraire, la mainmise sur Taiwan serait d’ailleurs très compliquée à exercer et elle ferait fuir les industriels. Taiwan est le premier producteur de puces électroniques du monde, une position dont la Chine touche certains dividendes qu’elle perdrait en cas de conflit. Le retour de Hong Kong dans le giron chinois n’a été d’aucun intérêt pour les Chinois. Et les élites chinoises le savent. La menace de guerre sur Taiwan n’a qu’un intérêt, celui de désigner l'Amérique comme l'ennemi à abattre et à mobiliser le peuple chinois autour de ses dirigeants, et encore. Le rapprochement avec la Russie et le soutien accordé à Poutine dans son opération spéciale sur l’Ukraine est purement circonstanciel. Les avantages économiques sont très relatifs dans la mesure où la Russie est bannie de la communauté internationale que la Chine voudrait réintégrer. Par ailleurs, la Chine peut acheter à bas prix du pétrole et des matières premières que la Russie ne peut plus vendre directement aux Occidentaux, mais ces deals commerciaux ne trompent personne et si la Chine veut revenir dans la mondialisation, il va falloir qu’elle abandonne certaines pratiques qui s’avèrent hors norme. Enfin, pour relativiser sa proximité avec Moscou, il faut savoir que Pékin lorgne depuis très longtemps sur les contrées voisines de la Chine qui sont pour les Russes peuplées d’asiatiques, dont les frontières sont très difficiles à protéger et dont le sous-sol est très riche en métaux rares. Toutes ces raisons font qu'en termes de géopolitique, le rapprochement entre la Russie et la Chine est très relatif.

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