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Alerte rouge dans les banques : ça craque en Italie, ça se fissure en Allemagne et ça tremble en Grande-Bretagne
©Reuters

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Les banques européennes sont à nouveau en état de vigilance rouge. Les risques de la faible croissance, les taux faibles, les contraintes de sécurité, et les incertitudes du Brexit... Explications d’un séisme annoncé.

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre a été en charge de l'information économique sur TF1 et LCI jusqu'en 2010 puis sur i>TÉLÉ.

Aujourd'hui éditorialiste sur Atlantico.fr, il présente également une émission sur la chaîne BFM Business.

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Le secteur bancaire européen ne dit mot mais constate que les régulations imposées au lendemain de la crise ne sont pas très efficaces. Plus grave, elles seraient même en partie la cause de la raréfaction des crédits à l’économie en dépit de l'abondance des liquidités. Les banques sont en plein paradoxe. Alors que la BCE leur offre "open-bar", elles utilisent ces liquidités à consolider leurs fonds propres, ou à financer des dettes d’Etat, plutôt qu’à nourrir des crédits à l’économie.    

En Italie et en Allemagne, des très grandes banques européennes ont failli sauter depuis deux mois. Certaines ne valent plus que 10 ou 20% de ce qu’elles valaient il y a deux ans : un vent de panique a soufflé sur les marchés financiers, et chacun s’attend à ce que ça recommence. Les mois d’août ne sont jamais totalement "sécure" pour l’industrie financière.

En 2008, les Etats avaient recapitalisé leurs banques à grands coups d’argent public. On avait vu ce qu’avait donné la chute de Lehman et aucun dirigeant ne voulait infliger ça à son pays. Le renflouement public en a sauvé plus d’une, sauf que les gouvernements ont eu du mal à assumer ces plans d’aides. 

Parallèlement, les Etats européens ont renforcé le contrôle et la coordination des activités bancaires.

Ça s’est traduit par un renforcement des ratios de solvabilité et de liquidité. En bref, les banques ont été obligées de gonfler leur fond propre et de veiller à ne pas prendre trop de risques.

Le renforcement des fonds propres les a ainsi privées de moyens pour financer des crédits à l’économie, d’autant qu’elles ont aussi surveillé les risques pris.

Le résultat de cette médecine ultra précautionneuse, est que la distribution de crédits à l'économie s’est raréfiée.

L’Union bancaire, organisme européen qui est né de cette préoccupation de régulation renforcée, et qui est censée gérer les résolutions de crise de manière uniforme, s’est mis très récemment en ordre de bataille. Et l’une de ses principales disposition est ultra simple : l’argent public, celui des contribuables, ne doit pas recapitaliser – financer – les banques. Plus de sauvetage direct comme en 2008-2009.

Le mécanisme de sortie de crise consiste maintenant à faire renflouer la banque en difficulté par ceux qui ont un intérêt direct dans la banque : actionnaires, prêteurs et déposants de plus de 100 000 euros. C’est le fameux bail-in entré en vigueur le 1 er janvier 2016.

On cherche à éviter à tout prix, le n’importe quoi : c’est à dire d’un coté ,des banques qui financent les Etats, surtout ceux qui ont une dette publique élevée ; et de l'autre , à l’inverse des Etats qui financeraient les banques pour les recapitaliser.

Le risque dans tout ça étant l’aléa moral : les banques prennent des risques, car elles savent qu’elles seront secourues en cas de besoin. Du coup, les Etats s’excitent sur leur endettement et dépassent les normes exigées.

Ce qui est dangereux, c’est la dépendance réciproque du duo banques-Etats. C’est le cas en Italie, c’est aussi le cas en France.

Les banques sont donc encore loin d’inspirer la confiance des investisseurs et la défiance s’est cristallisée autour de trois foyers de crise.

Premièrement, un foyer de crise en Italie, où les banques italiennes sont mal en point. L'Etat est surendetté et les risques sur l’économie ont grossi.

360 milliards d’euros de créances dites douteuses, ou presque 1 crédit sur 5 accordé sans garantie sérieuse, dont au moins 200 milliards que les marchés jugent irrécupérables. Unicrédit, Intelsat San Paolo, Mediobanca, toutes sont dans la tourmente, même Monte des Paschi di Siena, la plus vieille banque du monde. Cette banque toscane a ainsi perdu plus de 90% de sa valeur en un an. Aucun investisseur ne s’aventurerait à la racheter tant on ne sait pas ce que contient son bilan. En cause et ce n’est pas nouveau, des prêts accordés sans garantie et des maquillages de compte. On prend les anciennes recettes qui ont engendré les crises précédentes et on recommence.

Les banques italiennes ne sont certes pas les seules en mauvaise posture, mais les établissements bancaires transalpins ont la particularité d’avoir des coûts de gestion importants, et une maîtrise du risque insuffisamment rigoureuse.

Le paysage financier est très morcelé, il y a énormément de petites banques – le Financial Times écrit même qu’il y a en Italie plus de banques que de pizzerias.En fait, les banques italiennes ont été peu confrontées à la crise de 2008, et ne se sont pas réorganisées de l’intérieur. Dans un contexte où les taux d’intérêt sont très bas, comme c’est le cas en Europe, les profits le sont aussi, donc les mauvais gestionnaires sont les premiers touchés.

Pourquoi ne pas utiliser la procédure de bail-in ? Ici, les créanciers ne sont pas des hedge funds ou des compagnies d’assurance, ce sont des petits épargnants qui ont été encouragés à investir dans des obligations. Du coup, c’est Mr tout le monde qui serait touché, et ça, Matteo Renzi n’en veut pas, et milite donc pour avoir le droit de renflouer lui-même ses établissements en peine. C’est la première crise pour l’Union bancaire, la première tentative de contournement de la règle.

Deuxième foyer de crise, le risque systémique en Europe, tout le monde s'en inquiète aujourd’hui. La faillite d’une banque peut-elle encore aujourd’hui provoquer une crise systémique mondiale ?

Les stress tests sont des tests de contrôle de solidité des banques. Exactement comme pour les voitures. Les tests européens rendront leur verdict fin juillet. Les américains ont eux déjà rendu leurs copies. En ce moment, on entend beaucoup parler beaucoup des banques italiennes, et pourtant, celle qui est recalée, selon la Réserve fédérale américaine, est une banque allemande. Deutsche Bank, une des plus importantes d’Europe, à son nom, on pourrait l’imaginer robuste.

Et pourtant, le FMI a diagnostiqué que cet établissement financier était porteur de risque systémique. Si la banque s’écroule, elle ne tombera pas seule.

Deutsche Bank est à l’Allemagne ce qu’est BNP Paribas en France, mais elle est surtout la banque à avoir le plus souffert de la crise de 2008, sans jamais vraiment s’en remettre. Son action vaut aujourd’hui 12,60 euros – 8% du prix de 2007.

Alors, schéma d’une faillite annoncée ? Elle a d’abord reçu deux amendes : pour sa participation à la manipulation des taux LIBOR et une autre de la part des américains pour non-respect des sanctions. Malgré recapitalisation, restructuration et coupes d’emplois, elle affiche une perte record en 2016 et inquiète tous les investisseurs de la place, car elle est liée à beaucoup d’autres établissements bancaires.

D’autant plus que le Brexit est arrivé. La banque germanique perçoit 19% de ses revenus outre-Manche. Autant dire que ce sont des revenus incertains pour les années qui arrivent et encore de longues années d’atermoiement.

Ce n’est pas fini, la banque allemande est surtout exposée sur un montant sans précédent sur les marchés des dérivés, plus de 20 fois le PIB allemand. Ce marché est devenu moins rentable, surtout le marché des taux. Une simple baisse de cet engagement lui serait fatale, ses fonds propres seraient bien loin de suffire.

Certains voient la Deutsche Bank comme le prochain Lehman, capable de mettre l’euro à terre.

La situation de Deutsche Bank reflète parfaitement les deux vitesses de l’Europe et surtout de l’Allemagne dans la construction de l’Union bancaire. D’un côté, on a les responsables politiques allemands, Wolfgang Schauble en tête, très réticents à l’idée de devoir soutenir des banques des pays du Sud en cas de nécessité, et qui prônent l’orthodoxie.Et de l’autre, des colosses allemands qui ne sont pas les plus solides.

Le message de l'union bancaire est simple : Que chaque gouvernement se charge de juguler son risque intérieur avant de le mutualiser.

Les temps ont changé. A comparer avec Bear Stearns ou Lehman Brothers, dont la disparition a été très soudaine pendant l’année 2008, la faillite de nos banques aujourd’hui semble plus lente et plus sournoise.

Par ailleurs, c’est tout le business model bancaire qui est remis en question : elles prêtent de l’argent à des taux très bas, sous l’impulsion du taux directeur de la Banque Centrale Européenne qui est à 0%. Non seulement leur profit donc leur survie sont en danger, mais vient aussi le risque de pénurie de crédit et donc de mise à mal du financement de l’économie.

Troisième foyer de crise, le Brexit. Non seulement, les banques européennes risquent de perdre une partie du business qu'elles faisaient avec la Grande-Bretagne sans pouvoir espérer le récupérer. Mais le temps va venir où le gouvernement de Londres va, sous la pression de la City accepter de s’affranchir des règles de sécurité européennes et exonérer les banques installées en Angleterre des contraintes de régulation et de contrôle mises en place par l‘Union bancaire.

Les banques britanniques vont se retrouver en liberté, sans contraintes, ni obligations excessives. Elles vont pouvoir protéger leur part de marché et même la renforcer.

C’est tout bénéfice pour les banques anglaises au détriment des banques en Europe. Mais c’est aussi l’émergence de foyers de risques systémiques. 

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