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Alerte aux ouragans monstres : ces zones où l'on ne pourra plus vivre comme avant
©JOE RAEDLE / GETTY IMAGES NORTH AMERICA / AFP

Changements climatiques

Après le cyclone Harvey, c'est au tour d'Irma de frapper les Caraïbes, le golfe du Mexique et la façade est des Etats Unis. Des événements qui semblent de plus en plus fréquents et violents.

Daniel Chérubin

Daniel Chérubin

Daniel Chérubin, étudiant en deuxième année de maitrise en Urbanisme à l’université de Montréal et chargé de recherche sur un projet de reconstruction viable de Port-au-Prince, financé par l’Union européenne sous la direction d’Isabelle Thomas. 

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Isabelle Thomas

Isabelle Thomas

Isabelle Thomas est professeure titulaire à l’École d’urbanisme et d’architecture du paysage de la Faculté de l’aménagement de l’Université de Montréal. Vice-doyenne à la recherche et directrice de l’équipe de recherche ARIaction (Notre équipe | Ariaction)

 

Ses réalisations s’arriment à la recherche centrée sur l’urbanisme durable, sur la planification environnementale ainsi que sur les enjeux de vulnérabilité, de gestion de risques et d’adaptation aux changements climatiques pour construire des communautés résilientes face aux risques naturels et anthropiques.

Depuis son arrivée en 2007 à l’université de Montréal, Mme Thomas a été associée à de nombreux projets de recherche où elle a agi en tant que chercheuse principale ou co-chercheure, en particulier avec la collaboration du Ministère de la sécurité Publique et Ouranos. Ses contributions les plus importantes concernent l’élaboration d’une méthode d’analyse de la vulnérabilité sociale et territoriale aux inondations en milieu urbain. Elle s’investit également dans les stratégies concernant la construction innovante de quartiers résilients. Ses résultats se situent au carrefour de la recherche-action et de la recherche fondamentale. Le dernier livre qu’elle a codirigé : La ville résiliente : comment la construire? (PUM) explique les conditions fondamentales pour établir des collectivités résilientes. Elle a créé en 2020 l’équipe de recherche ARIACTION (ARIACTION.com) qui permet de constituer un réseau d’experts locaux et internationaux visant en particulier à un partage de connaissances des meilleures pratiques en termes d’aménagement résilient du territoire.

Ses derniers livres : 

Vers une architecture pour la santé du vivant - Les presses de l'Université de Montréal (umontreal.ca)

Ville résiliente (La) - Les presses de l'Université de Montréal (umontreal.ca)

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Atlantico : après le cyclone Harvey, c'est au tour d'Irma de frapper les caraïbes, le golfe du Mexique et la façade est des Etats Unis. Des événements qui semblent de plus en plus fréquents et violents. Comment anticiper l'avenir de ces régions ? Ces zones pourront elles continuer à être habitables ? Ou, à l'inverse, ces zones doivent être "restructurées" pour permettre à ses habitants de mieux face à ces situations ?

Isabelle Thomas : Cette première question est très importante, car elle vise un enjeu plus global. On a créé, malheureusement, par nos types d'aménagements, des problèmes que nous devons résoudre. Pourquoi? Parce que premièrement, démographiquement, nous nous concentrons de plus en plus dans les zones côtières, sur les trajectoires des ouragans. Ou même sur les fleuves. Malheureusement, il y a une concentration de la population dans ces zones très vulnérable. Le deuxième point, c'est qu'on a construit des infrastructures qui ne sont pas adaptées aux enjeux qui arrivent. On n'a pas d'abri, on n'a pas de systèmes de protection où les gens peuvent se réfugier. On a quand même des houles avec des creux qui dépassent 12 mètres. Des bâtiments, censés permettre à la population de se réfugier, qui ont cédé. Le problème, c'est celui de l'anticipation. On n'anticipe pas ces catastrophes. Le passage des ouragans sur les Caraïbes, on sait que ça se renforce. Le problème, c'est qu'il faut accepter que l'on a déréglé le climat. Que les changements climatiques sont bien réels. Il faut maintenant faire de la prévention. Et cette prévention s'est parfois faite dans les pays développés. Mais lorsque l'on regarde à Houston, on n'a pas eu de plan d'évacuation organisé. On se rend compte aussi que dans les petites villes, la population est coincée. Et là, on a des problèmes pour la protéger, et l'évacuer. Ainsi, la solution, le dernier recours, c'est le repli. De demander de ne pas se reloger dans ces zones, et de laisser la place pour l'eau. On a très bien vu des citoyens, avec l'aide de l'Etat, qui ont décidé de ne pas reconstruire. Maintenant, on se rend bien compte que c'est extrêmement complexe, et qu'on a un besoin de reconstruire la ville sur elle-même. Mais il faut le faire avec des principes et un changement de paradigme. C'est le sujet du livre que je viens de publier : "la ville résiliente, comment la reconstruire"? Et dans un des chapitres, il y a l'exemple de Romorantin où le quartier Matra a été conçu comme un affluent de la rivière. Donc l'objectif est bien de reconstruire ces villes, avec des plans d'évacuations et des habitats adaptés. Il faut concevoir les quartiers et bâtiments de manière complètement différente. Mais il faut d'abord une éducation majeure de la population sur l'acceptation des changements climatiques. L'objectif est de dire que non seulement elles doivent être restructurées à l'échelle du bâtiment et du quartier. Il faut absolument concevoir des habitats qui laissent passer l'eau, sur pilotis. C’est-à-dire qu'on surélève le bâtiment, on n'utilise pas le sous-sol. Au niveau du quartier, il faut vraiment réfléchir d'une manière résiliente. Donc on construit pour laisser passer l'eau. On peut construire des quartiers comme des affluents, où on laisse passer la mer. Il faut aussi penser à un plan d'évacuation. Il faut que la population sache où aller pour se protéger. Qu'elle ne reste pas coincée chez eux. Ensuite, cela demande aussi un travail au niveau du bassin versant. On se rend compte à Haïti qu'on a quand même une demi-ile totalement dévastée. On n'a pas vraiment protégé la nature. L'explosion démographique de Port-Au-Prince fait que c'est vraiment difficile de faire des constructions résilientes. A partir de là, il faut changer de paradigme. Et ça, ça demande des nouvelles modèles de constructions.

Quels seraient les infrastructures, les types de bâtiments, d’habitations à construire dans ces zones ?

Isabelle Thomas : Ce n'est pas du tout nouveau, ces ouragans. Le problème, c'est d'accepter les incertitudes et les changements climatiques. On a tout de même trois ouragans qui arrivent les uns après les autres : d'abord Harvey, maintenant Irma et bientôt Katya. Il faut vraiment sonner une alerte majeure pour pouvoir développer un comportement résilient, et évacuer la population. Il faut avoir assez d'eau et assez de nourriture pour les réfugiés qui vont être coincés pendant plusieurs jours. Dans la phase de rétablissement, il va vraiment falloir développer des villes résilientes. C'est-à-dire redévelopper les marais, reconstruire les forêts et reconcevoir la ville comme "une éponge", afin que l'eau ne s'accumule plus dans certaines zones. Il faut protéger la population, avec des abris. Peut-être qu'on ne peut pas complètement évacuer les zones, mais dans ce cas-là, il faut développer des infrastructures auxquelles les citoyens auraient accès pendant le déluge.

Sommes-nous pour autant capable aujourd'hui, financièrement, de développer un urbanisme dans ces régions capable de résister aux catastrophes naturelles? Quelles seraient les solutions financières à apporter pour y parvenir ?

Daniel Chérubin : Dans le cas d'Haïti, l'idée est de vraiment investir dans les communautés et avoir une idée moins hiérarchisée de la ville. Il faut arriver à accompagner les habitants dans ce genre de phénomène. On parle d'un pays qui n'a pas d'infrastructure de base ; ça va vraiment aggraver les risques d'inondations et les pénuries suite au passage de l'ouragan. Ce n'est pas tant ce qu'il se passe dans la catastrophe, mais ce qu'il se passe ensuite. On a des situations où l'eau va stagner, et des maladies vont se développer simplement parce qu'il n'y a pas de systèmes d'évacuation de l'eau.  Il n'y a pas d'aqueduc, pas d'égout. Les seuls systèmes mis en place datent d'il y a 50 ans, alors que la population a exponentiellement augmenté. Donc on n'est pas préparé à ce genre de phénomène. De plus, c'est vraiment arrivé coup sur coup. Donc la population n'est jamais capable de se reprendre parce qu'il y a toujours quelque chose qui arrive. Le gouvernement a bien des systèmes d'alertes. Mais c'est simplement en termes d'informations. Mais dès qu'on parle de populations côtières par exemple, ils sont un peu réticents à quitter la zone. Or il n'y a pas d'abris qui pourraient les accueillir. Il n'y a pas d'infrastructure pour les protéger. Les départements et les communes n'ont pas su se prévenir ce genre de catastrophe. C'est pourquoi les investissements doivent servir à accompagner la population et faire un travail de sensibilisation.

Isabelle Thomas : Ce qui est vraiment surprenant, c'est qu'on va voir des réponses très différentes à ces catastrophes. Vous avez des îles américaines, françaises, néerlandaises. Cuba est également très bien préparé. Il y a donc moyen de s'entraider, mais cela veut dire que les organismes internationaux doivent aussi se poser la question de comment rendre ces communautés autonomes. C'est-à-dire développer des infrastructures leur permettant d'avoir des comportements résilients.

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