Alerte au ralentissement du commerce mondial : pourquoi la politique de compétitivité prônée par les différents candidats pourrait s'avérer insuffisante au redressement de la France<!-- --> | Atlantico.fr
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Sur le long terme, la seule institution ayant la main est la Banque centrale européenne, dont le rôle principal, derrière le masque de la "stabilité des prix" est de réguler la demande intérieure européenne.
Sur le long terme, la seule institution ayant la main est la Banque centrale européenne, dont le rôle principal, derrière le masque de la "stabilité des prix" est de réguler la demande intérieure européenne.
©Capture écran France TV

Post-Trump, post-Brexit

Alors que le débat de l'entre-deux tours pourrait s'orienter vers un affrontement sur les sujets économiques entre François Fillon et Alain Juppé, les deux candidats partagent une volonté de favoriser la "compétitivité française". Pourtant, au regard des derniers chiffres du commerce mondial, il apparaît que ce moteur de la croissance pourrait s'avérer décevant.

Nicolas Goetzmann

Nicolas Goetzmann

 

Nicolas Goetzmann est journaliste économique senior chez Atlantico.

Il est l'auteur chez Atlantico Editions de l'ouvrage :

 

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Atlantico : François Fillon comme Alain Juppé proposent des réformes économiques mettant la notion de "compétitivité" au centre de leurs préoccupations. Comment jugez de cette approche dans un monde qui semble se tourner toujours un peu plus vers des termes protectionnistes, entre Donald Trump, le Brexit, et la réorientation chinoise ?

Nicolas Goetzmann : Avant même d'évoquer la question de la réorientation économique actuellement en cours, il est nécessaire de rappeler que la croissance du commerce mondial est faible. Après 2.8% pour l'année 2015, l'OMC a pu réviser la croissance du commerce mondial à la baisse, à 1.7% pour l'année 2016, soit son plus bas niveau depuis la crise financière. À cette occasion le directeur général de l'OMC avait d'ailleurs indiqué "Le ralentissement impressionnant de la croissance du commerce est grave et devrait servir de sonnette d'alarme. Il est particulièrement inquiétant vu l'hostilité croissante à l'égard de la mondialisation". De fait, les prévisions de croissance du commerce mondial, pour l'année 2017, ont également été abaissées, entre 1.8 et 3.1%. 

De plus, alors que la Chine est en cours de réorientation économique, c’est-à-dire que le pays cherche à équilibrer sa croissance vers un modèle plus tourné vers sa demande intérieure, alors que le Brexit vient signer une réorientation analogue, alors que Donald Trump vient de signifier la fin de la négociation du traité Transpacifique, la tendance est clairement négative pour l'évolution du commerce mondial. 

Ce qui est essentiel ici, c'est de comprendre que lors de la période 1995-2008, cette croissance des échanges internationaux affichait une moyenne annuelle de 6.9%. Dès lors, les pays qui mettaient en place des politiques tournées vers l'extérieur, se trouvaient en position de "profiter" de la situation, et surfer sur cette tendance favorable. Aujourd'hui, avec une croissance de 1.7%, les avantages à tirer sont de bien moindre ampleur, ce qui pourrait engendrer des désillusions sur une politique de "compétitivité". De telles politiques ne pourront pas être suffisantes pour redonner le souffle dont l'économie française a besoin. Nous restons obnubilés par le modèle allemand, mais celui-ci s'est mis en place dans une époque qui est à conjuguer au passé. Il ne s'agit pas de renoncer, mais de prendre en compte le fait que cela ne suffira pas. 

Pourtant, l'Allemagne continue de voir son commerce extérieur battre record sur record, notamment pour cette année 2016. Que peut faire la France pour en arriver à de tels résultats ?

Il ne s'agit que d'un modèle de croissance parmi d'autres. L'Allemagne a vu son commerce extérieur passer de 2% en 2000 à plus de 8% en 2015, soit une progression fulgurante de 6 points. A l'inverse, la France a vu sa balance passer de +1% du PIB en 2000 % à – 2% en 2015, soit une baisse de 3 points. Au regard de ces chiffres, un différentiel total de 9 points, on pourrait imaginer que la croissance a été tonitruante en Allemagne alors que celle de la France aurait été médiocre. Mais la réalité est qu'entre le 1er trimestre 2000 et le T3 2016, la croissance allemande a été de 21.26% (données trimestrielles officielles destatis) alors que celle de la France a été de 21.10% (INSEE), c’est-à-dire une situation de stricte équivalence. Le modèle mercantiliste allemand n'est en soit pas "supérieur" à un modèle tourné vers la demande intérieure. Encore une fois, et même s'il paraît évident que le commerce extérieur contribue efficacement à la qualité de la production française, aux emplois du pays, etc…il ne peut s'agir de l'alpha et l'omega de la politique de la France. De plus, la part des exportations dans le PIB français est passé de 24% à 30% entre 2009 et 2016, c’est-à-dire pendant la crise, ce qui signifie bien que le pays n'est pas en situation de régression sur ce point, même si ce phénomène est surtout la conséquence de la faible progression des autres composantes du PIB. Parce que ce sont d'autres ressorts de l'économie française qui sont brisés, ceux qui composent la demande intérieure, la consommation, l'investissement.

Quels seraient les outils susceptibles d'équilibrer les moteurs de la croissance française ? 

Il n'y a aucun mystère concernant la demande intérieure. Sur le long terme, la seule institution ayant la main est la Banque centrale européenne, dont le rôle principal, derrière le masque de la "stabilité des prix" est de réguler la demande intérieure européenne. C'est un fait. Si une relance budgétaire, au travers d'une baisse des impôts ou d'une hausse des dépenses, peut donner une impulsion à court-moyen terme sur la demande intérieure, le juge de paix reste la BCE. L'exemple parfait qui vient illustrer cette situation est la relance budgétaire de 2009-2010 qui a permis de revitaliser la croissance européenne, mais celle-ci a été brisée dans l'œuf par une décision de la BCE datant d'avril 2011, qui est venue "sécher" tous ces effets au travers d'une hausse de taux. Il est donc parfaitement curieux que le rôle de la Banque centrale européenne soit totalement éludé des différents programmes économiques. Il est temps que les candidats s'emparent de cette question. 

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