Alain Madelin : « Le programme de la Nupes est un amas de sucreries superétatistes qui nous mènerait droit à une rupture avec l’Etat de droit » <!-- --> | Atlantico.fr
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Jean-Luc Mélenchon, le leader de La France insoumise, s'exprime lors de la présentation du programme de la Nupes pour les élections législatives.
Jean-Luc Mélenchon, le leader de La France insoumise, s'exprime lors de la présentation du programme de la Nupes pour les élections législatives.
©Thomas SAMSON / AFP

Elections législatives

Pour les élections législatives, la Nouvelle Union populaire écologique et sociale (Nupes) a présenté ce jeudi son projet global qui comprend huit chapitres et 650 propositions. Ces mesures émanent largement du programme présidentiel de La France insoumise.

Alain Madelin

Alain Madelin

Alain Madelin a été député, Ministre de l'Economie et des Finances et président du Parti Républicain, devenu Démocratie Libérale, avant d'intégrer l'UMP.

Il est l'auteur de Faut-il supprimer la carte scolaire ? (avec Gérard Aschieri, Magnard, 2009).

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Atlantico : La Nupes a accouché d’un programme commun pour les prochaines législatives et les formations politiques de gauche sont arrivées à un accord après de longues et âpres négociations. On retrouve huit grands chapitres thématiques : "progrès social, l'écologie, le partage des richesses, les services publics, la VIe République, la sûreté, la lutte contre les discriminations" ou encore "l'Union européenne".  Et sur ce chapitre européen, ils ont prévu de mettre fin au cours libéral et productiviste. Que penser de ce programme et de son orientation ? 
Alain Madelin : Le programme de la Nupes est très largement celui de La France Insoumise. Il se doit d’être regardé comme il se présente : un programme de rupture écologique et sociale. Une rupture bien plus grande que les 110 propositions de François Mitterrand en 1981 qui avait envoyé la France dans le mur. Et même plus forte que le programme commun PC-PS de 1972 alors même que le monde a changé pour plus de libertés économiques.

C’est une aventure vers un modèle que ne connait aucun autre pays du monde libre et bien sûr aucun de nos partenaires européens. Mélenchon dit oui à l’Europe, à condition qu’elle adopte son programme. Malheureusement pour lui, l’Union est un antidote total à ses propositions. 
Jean-Luc Mélenchon est en opposition avec tout ce qui fait l’Europe aujourd’hui : le libre échange, le cadre de la concurrence, le traité de Lisbonne, la PAC, le statut de la BCE, la libre circulation des capitaux… La Nupes se propose donc de « désobéir » à l’Europe ou - pudeur des partenaires de Mélenchon- de se mettre en retrait. En fait l’affrontement sera total, il affaiblira l’Europe et il ruinera la France. 

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La VIe République est au coeur du projet de la Nupes avec un programme qu’elle présente comme « une rupture maîtrisée, raisonnée, mais ferme ». De quelle idéologie politique la Nupes veut-elle devenir le porte étendard ?
D’abord il s’agit de rupture avec l’Etat de droit. « L’urgence d’harmonie des êtres humaines entre eux avec la nature » sonne bien, mais en réalité son introduction à l’article 1 de la Constitution, comme Mélenchon l’a expliqué, donne une priorité constitutionnelle au social et à l’écologie sur les libertés et le droit de propriété. C’est une rupture avec les démocraties libérales. Plus loin encore donner à la nature une personnalité juridique constitue une rupture philosophique profonde avec la conception anthropomorphiste de l’Homme.
Plus prosaïquement, c’est un programme de superétatisation de la société française. Avec des nationalisations comme nulle part ailleurs : grandes entreprises énergétiques et de transport, une partie des banques, le contrôle public des serveurs et des télécoms, la collectivisation des biens fondamentaux dont on établira plus tard la liste et comme voiture balai « un droit de réquisition ». 
Quant à la VIe République, le programme la prépare avec toute une série de pouvoirs donnés aux agitateurs politiques ou aux syndicats dans les entreprises : assemblée citoyenne, collectif de lutte avec même des vélléités de contrôle des médias, comme la transformation du « conseil de déontologie des médias » en véritable pouvoir citoyen. 

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Smic à 1500 euros net, hausse des salaires, retraite à 60 ans, blocage de certains prix de l’énergie ou RIC, ces mesures sont-elles réellement à l’avantage des personnes concernées ? Sont-ils véritablement les défenseurs du social qu’ils se croient être ?
On ne peut pas couper le social de l’économie. Un social d’affichage qui se coupe de l’économie ne peut être social et il est condamné à aller droit dans le mur. La doctrine économique de la Nupes est une vision néo-keynésienne archaïque : la dépense publique fait la croissance et l’emploi. Si la croissance publique faisait la croissance et l’emploi, la France serait en tête des pays pouvant le démontrer. Notre niveau de dépense record nous offrirait un record de croissance et de taux d’emploi.
Y a-t-il des chiffres montrant que leur raisonnement programmatique est erroné ? 
Tous les chiffres sont faux dès lors que le financement est pour le moins incertain. Dans ce programme, il est dit que la BCE devra reprendre toutes les dettes européennes et les conserver. Si cela se faisait, cela conduirait directement à la faillite de la BCE avec un décrochage complet de l’euro. La BCE n’a qu’à financer notre programme dit en substance la Nupes, elle a bien financé le « quoi qu’il en coûte du Covid ». Il faut rappeler que si la BCE a pu le faire c’est parce que les taux d’intérêts européens étaient proches de zéro voire négatifs. S’endetter dans de telles conditions n’est pas un problème. Si M. Mélenchon arrivait au pouvoir, les taux d’intérêts grimperaient vers le ciel. Il serait absolument impossible de se financer sauf à revenir à un système qui est implicitement proposé ou le trésor et la banque centrale fabriquent de la monnaie et les banques commerciales se doivent d’acheter la dette publique. C’est le modèle du Zimbabwe. 

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La fiscalité punitive que propose ce programme est aussi une profonde erreur économique. Augmenter encore la progressivité de l’impôt, y ajouter la progressivité de la CSG, plafonner les héritages, les revenus (« au-dessus de 30 000 euros je prends tout »), les héritages (au-dessus de 12 millions je prends tout), créer un impôt sur les sociétés progressif etc… sont de nature à casser les ressorts économique profonds de toute économie de liberté. Une économie d’intelligence et de talent s’accompagne de la récompense même si parfois elle peut paraître excessive. Ce sont des laboratoires privés, à partir souvent de jeunes pousses entrepreneuriales créées parfois par des émigrés qui ont permis de trouver les vaccins contre le Covid, plus efficaces n’en déplaise à M. Mélenchon que les vaccins russes, cubains ou chinois.  
Qu’est-ce que cela vous inspire de voir le parti socialiste se prêter à une telle union ?
Ils ont jeté leurs idées par-dessus bord pour s’accrocher à une bouée de sauvetage électorale. On peut s’amuser de tout cela. D’autant que l’on est sûr que Jean-Luc Mélenchon ne sera pas Premier ministre. Et que même s’il devait l’être, l’aventure tournerait court. Il est dangereux cependant de laisser prospérer le temps d’une campagne électorale tant d’idées fausses chez les Français et particulièrement chez les plus jeunes. N’en déplaise à l’admiration complaisante de certains journalistes et de certains patrons, Jean-Luc Mélenchon est loin d’être prêt à gouverner. 

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