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Agressions homophobes : mais pourquoi oublie-t-on si souvent de parler du profil des agresseurs ?
©ANGELA WEISS / AFP

Déni

D'après une enquête réalisée par l'Ifop en juin 2019, 63% des personnes de confession musulmane perçoivent l'homosexualité comme étant une "maladie" contre 20% chez les catholiques pratiquants et 10% chez les individus "sans religion".

Vincent Tournier

Vincent Tournier

Vincent Tournier est maître de conférence de science politique à l’Institut d’études politiques de Grenoble.

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Atlantico : A partir de ce chiffre, ne peut-on pas établir un lien de corrélation entre l'augmentation des actes homophobes et sinon la religion musulmane du moins l'origine sociale des agresseurs ?

Vincent Tournier : Ce résultat de l’IFOP est conforme à ce que disent les enquêtes : toutes montrent que les musulmans sont en profond décalage avec l’évolution de la société sur la question de l’homosexualité. Même l’extrême-droite a largement déserté ce créneau. 

Parler de décalage est presque un euphémisme : on devrait parler de contre-courant tant on a affaire à une population qui souscrit à des valeurs très traditionalistes, voire franchement réactionnaires. C’est un sujet que les médias n’aiment pas aborder : la dénonciation serait certainement plus facile s’il s’agissait de catholiques. 

Cela dit, le fait de passer à l’acte relève d’une autre logique. S’en prendre à des personnes, ce n’est pas la même chose. On peut avoir des attitudes hostiles envers un groupe sans être amené à agir physiquement contre les individus. Il est hautement plausible que les auteurs proviennent des groupes qui sont les plus hostiles envers les homosexuels, mais on manque de données sur ce point. Cela étant, il faut quand même tenir compte d’un autre facteur déclenchant : les passages à l’acte sont souvent le fait d’individus particuliers ; ce sont des gens qui ont l’habitude de la violence et qui souffrent d’un déficit d’empathie pour autrui. Ces deux ingrédients (expérience de la violence et absence d’empathie) semblent surreprésentés dans les milieux issus de l’immigration. Plus que les préjugés homophobes, ce sont ces éléments qui expliquent les passages à l’acte. Plus exactement, il faut une conjonction de deux : un environnement culturel ou idéologique favorable, et des individus prédisposés à agir.  

Cette réalité si elle n'est pas méconnue, est souvent niée. Est-ce là le signe de l'échec de la politique d'intégration de l'Etat français ou davantage l'illustration d'un renoncement, c'est à dire celui de nommer et lutter contre ces actes homophobes ? 

C’est un peu tout ceci : la politique d’intégration en France n’a pas été suffisamment prise au sérieux face une immigration très importante, en provenance de pays culturellement très décalés par rapport au continent européen, lequel connaissait de son côté un processus de libéralisation des mœurs enclenché par les Trente glorieuses ; de plus, tout ce qui touche aux minorités demeure un sujet sensible. C’est tout le paradoxe de notre époque : l’intolérance est vivement dénoncée, sauf lorsqu’elle provient des minorités.

Du coup, on préfère rester aveugle sur les problèmes. L’Etat ne collecte pas de données sur les auteurs des agressions, pas plus qu’il ne s’intéresse d’ailleurs aux caractéristiques des personnes qui agressent des femmes ou qui tuent leur conjointe. Il y a là tout un pan de la réalité sociale qui n’intéresse pas les pouvoirs publics, ni les sciences sociales. Or, en refusant de faire des diagnostics, on ne voit pas comment on peut envisager des réponses. Cela dit, il n’est pas certain que l’on puisse trouver des solutions. 

Si tel est le problème comment lutter contre l'homophobie présente dans les milieux socialement défavorisés ? Bâtir un islam de France peut-il être une solution ?

Les optimistes diront que, avec une bonne dose d’éducation et de morale, il est possible de lutter contre les préjugés homophobes. Ce point de vue repose sur l’idée que les préjugés sont relativement superficiels, qu’il suffit donc de parler avec les gens, de leur montrer quelques vidéos, de leur faire une belle leçon de morale avec un beau Powerpoint, pour les ramener dans le droit chemin. En somme, la rééducation est à portée de main, notamment à l’égard des milieux défavorisés. 

Les pessimistes feront toutefois remarquer que la question de l’homosexualité touche à des choses très profondes dans la psyché humaine, qu’elle relève de la constitution psychique des individus, voire des groupes, et qu’on ne s’en débarrasse pas facilement. Pire : il est même possible que les préjugés viennent se nourrir des confrontations entre les minorités et la majorité, ce qui pourrait faire de l’homosexualité un marqueur identitaire : c’est parce que la population majoritaire est perçue comme favorable à l’homosexualité que, par réaction, certaines minorités peuvent être incitées à refuser toute évolution. En d’autres termes, à l’injonction : « soyez tolérant, acceptez les homosexuels et vous deviendrez comme nous », on risque de se voir répondre : « mais justement nous ne voulons pas être comme vous, donc nous n’accepterons pas l’homosexualité ». Ce genre de tensions fait désormais partie des quelques défis que nous lance la diversité culturelle, et auxquelles les théoriciens du multiculturalisme n’ont pas forcément pensé. 

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