Affaire DSK : révélatrice des failles de la société française<!-- --> | Atlantico.fr
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L’affaire Strauss-Kahn est riche d’informations sur la société française en profondeur.
L’affaire Strauss-Kahn est riche d’informations sur la société française en profondeur.
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Coup de tonnerre

Décidément, notre pays a du mal à s'extirper de sa tradition monarchique...

Didier Salavert

Didier Salavert

Didier Salavert est co-fondateur du think-tank la Fondation Concorde qu'il a aujourd'hui quitté.

Vice-président et porte parole d’Alternative Libérale, il a participé à plusieurs campagnes électorales de Jacques Chirac, sans toutefois jamais adhérer au RPR.

 

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Les géologues identifient la composition des profondeurs de la terre en analysant le retour des ondes de choc qu’ils y envoient. De même, l’analyse de l’onde de choc envoyée par l’affaire Strauss-Kahn est riche d’informations sur la société française en profondeur. Elle montre une société qui a toujours des difficultés à concevoir un état de droit, une révérence d’un autre siècle vis-à-vis des serviteurs de l’État et une complicité entre les grands médias traditionnels et la classe politique.

Durant les premières heures de l’affaire, de nombreuses voix en France ont évoqué l’immunité diplomatique dont devrait bénéficier Dominique Strauss-Kahn. Penser à une telle immunité en la circonstance témoigne d’une extraordinaire perversion des esprits. L’immunité diplomatique est un droit coutumier international très ancien qui a été scellé en 1961 par la Convention de Vienne sur les relations diplomatiques. Son but est simple : assurer la sécurité des émissaires entre les pays afin de permettre à la voie diplomatique de rester ouverte en toutes circonstances. Tant la tradition que la Convention de Vienne entendent que les diplomates ne jouissent de cette immunité que pour les actes relevant de leurs fonctions. Toutefois, les pays font une interprétation variée de l’étendue du privilège. La France en a une conception extrêmement large puisque même les procès-verbaux pour stationnement interdit par exemple sont couverts par l’immunité diplomatique. Il est difficile de voir dans un tel stationnement un acte diplomatique. La réalité est que la France étend à ses diplomates (comme à nombre de ses représentants) sa vision d’impunité de l’Etat. L’affaire Strauss-Kahn nous renvoie en la circonstance l’image d’une France non totalement affranchie de ses archaïsmes monarchiques.

L’attitude de la classe politique est aussi instructive. Dominique Strauss-Kahn a droit à la présomption d’innocence. Toutefois, les mêmes qui rappellent ce droit absolu, sont les premiers à en faire fi pour des inculpés n’appartenant pas à leur corporation ou dont la condamnation éventuelle – même sans preuve – peut servir leurs intérêts politiques. Les « patrons voyous », les « profanateurs antisémites », les « dirigeants de laboratoires criminels » n’ont droit à aucune présomption d’innocence. Il ne s’agit pas ici d’accabler les politiciens ou d’innocenter ceux désignés à la vindicte populaire par les élus mais de réclamer une égalité de traitement entre tous les citoyens. La majorité des réactions de la classe politique démontre l’esprit de caste qui y règne, alors qu’elle devrait - de par sa mission - être la garante de la présomption d’innocence.

La responsabilité des médias

Enfin, et plus grave encore, est l’attitude des médias révélée par cette affaire. Si les agissements de Dominique Strauss-Kahn et couverts par les médias depuis des années s’avéraient exact – il ne fait aucun doute que la procédure américaine si elle va jusqu’à une décision par jury, s’emploiera à les vérifier – la responsabilité de ces derniers serait considérable. Ils constitueraient même sans doute une faute historique. Les agissements visés ici ne sont pas ceux relevant d’un simple jeu de séduction mais de véritables agressions sexuelles. D’une part, les médias devraient être considérés comme coupables par complicité passive de ces agressions. D’autre part, il serait grave que tels agissements ne fussent pas portés à la connaissance des électeurs.

La protection de la vie privée est ici de très loin dépassée. Sous la réserve expresse de la preuve rapportée d’éventuelles agressions sexuelles précédentes et de la connaissance de celles-ci par les médias, les Français seraient en droit d’exiger de ces derniers des explications. Comment imaginer que des médias puissent dissimuler des actes d’une telle gravité commis par un homme sollicitant la charge de l’Etat ? On peut même s’interroger sur l’absence d’investigation de ces derniers sur des indices sérieux en la matière. La chose est d’une telle gravité que la justice devrait alors s’en saisir.

L’affaire Strauss-Kahn renvoie de la France l’image d’un pays qui a du mal à entrer dans la modernité démocratique, à se concevoir comme un vrai État de droit, à sortir de son système de castes.  De chaque mal peut naître un bien. Il est à souhaiter que cette affaire amène les citoyens Français à concevoir et à exiger une démocratie moderne, libre et transparente. Refuser aux citoyens ce droit ne fera que renforcer les populismes.

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