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Ces méthodes qu'utilisent
les gendarmes pour retrouver
les auteurs d'agressions sexuelles
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A la recherche de la vérité

La complexité de certaines affaires criminelles demande aux gendarmes le déploiement de mesures exceptionnelles. Aussi la fiabilité des prélèvements ADN et chimiques s'avèrent des atouts majeurs et cela même quand les choses traînent depuis plusieurs années. Cyril Guinet dans "Affaires non classées" revient sur ces crimes qui en dépit des efforts de la police restent impunis (Extraits).

Cyril Guinet

Cyril Guinet

Cyril Guinet est Journaliste. Rédacteur en chef de Détective  pendant dix ans, il a participé à l'écriture de deux séries de  documentaires, Les Lieux du crime et 50 ans de faits divers, pour la chaîne de télévision câblée 13e Rue, et écrit des récits criminels pour l'émission Café crimes de Jacques Pradel sur Europe 1.

Il est l'auteur de Affaires non résolues, Editions Générales First (3 mai 2012).

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Le 10 janvier 2002, d’Élodie Kulik, ravissante jeune femme blonde de 24 ans, dîne avec un ami dans un restaurant asiatique de Saint-Quentin. Elle le quitte vers 23 h 30 et monte dans sa voiture, une Peugeot 106 rouge, pour regagner son domicile de Péronne à une trentaine de kilomètres de là. Elle n’arrivera jamais à destination…

Le lendemain matin, sa Peugeot 106 rouge est retrouvée dans les champs au niveau du bois de Bias, vide, et malgré toutes les recherches la jeune femme reste introuvable. Deux jours plus tard, un ouvrier agricole découvre sur un terrain vague appelé « la piste aux Boches », car il s’agit d’un ancien terrain d’aviation utilisé par les forces allemandes durant la dernière guerre, à 5 kilomètres seulement du champ où on a retrouvé sa Peugeot 106, le cadavre d’Élodie Kulik. Son corps est en partie calciné et ses jambes repliées sur son ventre dans une posture odieuse.

Les enquêteurs vont bientôt découvrir que ce meurtre dépasse en horreur tout ce que l’on peut imaginer. Élodie, en effet, au moment de l’agression, a tenté d’appeler des secours sur son portable. Dans l’affolement, c’est le numéro des pompiers qu’elle a composé. Ces derniers, comme ils le font à chaque fois, ont automatiquement enregistré l’appel de la jeune femme. L’enregistrement est insoutenable. Durant vingt-six secondes exactement, on entend Élodie hurler et pleurer comme une enfant sous l’emprise d’une peur panique. Elle hoquette, incapable de reprendre son souffle. Derrière ses cris perçants, on distingue des voix d’hommes. Et puis plus rien.

L’annonce de ce meurtre bouleverse toute la région. Car Élodie était à la fois une personnalité brillante, exceptionnelle, et une enfant du pays. À 24 ans, elle était directrice de l’agence de la Banque de Picardie de Péronne. Elle est même devenue la plus jeune femme à diriger un établissement bancaire. Dans sa famille, la mort d’Élodie est un malheur de plus. Un malheur de trop. Il y a de nombreuses années, ses parents ont déjà perdu deux enfants, tués dans un accident de voiture.

Porter à nouveau un enfant en terre est une épreuve trop lourde à porter pour la mère d’Élodie. Quelques mois plus tard, la pauvre femme fait une tentative de suicide. Elle en réchappe, mais restera neuf ans dans un coma neuro-végétatif avant de s’éteindre, sans que justice ait été rendue à sa fille.

Durant dix ans, les gendarmes ont tout tenté pour démasquer les assassins d’Élodie. Possédant deux empreintes génétiques prélevées sur un mégot et un préservatif retrouvés près du corps et l’enregistrement de trois voix distinctes, on pensait alors que les coupables seraient vite sous les verrous. Hélas… Les gendarmes ont accompli un travail titanesque pour tenter de venger la mort d’Élodie Kulik – 620 hypothèses de travail établies en dix ans, près de 7 350 prélèvements d’ADN effectués, 14 000 connexions téléphoniques vérifiées, plus de 10 000 auditions –, mais qui ne devait longtemps aboutir à rien. Durant dix années, l’énigme de ce tragique soir du 10 janvier 2002 a résisté à tous leurs efforts.

Dimanche 8 janvier 2012, une marche blanche avait réuni quelque 500 personnes dans les rues de Péronne pour célébrer le triste anniversaire de la mort d’Élodie.

Quelques jours plus tard, la nouvelle inespérée tombait : un des assassins présumés d’Élodie venait d’être identifié !

Les gendarmes, pour réaliser cet exploit, ont utilisé une nouvelle technique de police scientifique : une « recherche en parentalité ». Ce procédé courant aux États-Unis est une première en France. Puisque l’empreinte génétique retrouvée dans le préservatif ne correspondait à aucune personne enregistrée dans le Fichier national automatisé des empreintes génétiques (FNAEG), les enquêteurs ont recherché dans le même fichier s’il n’existait pas un ADN parent… C’est ainsi qu’ils sont tombés sur le profil d’un homme, incarcéré au moment du meurtre d’Élodie pour agression sexuelle sur mineur. Et l’ADN retrouvé sur la scène de crime correspondait à celui de son fils. L’enquête, au moment où sont rédigées ces lignes, est loin d’être terminée.

L’auteur présumé est mort et enterré. Âgé de 23 ans, Grégory W. s’est tué, un an après le meurtre d’Élodie, dans un étrange accident : le jeune homme qui venait d’être père circulait sur une ligne droite quand son véhicule a soudain quitté sa voie pour aller s’encastrer dans un camion qui arrivait en sens inverse. La chaussée, ce jour-là, n’était pas glissante et le jeune homme n’avait consommé ni drogue ni alcool. A-t-il voulu mettre fin à ses jours ? Ce qui est sûr, c’est qu’il emportait de bien lourds secrets dans sa tombe. Une tombe dont il devrait être exhumé, afin de procéder à un prélèvement d’ADN et corroborer les premiers tests. (…)

La résolution du meurtre d’Élodie Kulik, avec l’utilisation de cette nouvelle méthode, est un espoir supplémentaire pour toutes les familles de victimes. C’est le résultat des progrès de la police scientifique, de la ténacité des enquêteurs – même s’ils ne pouvaient plus travailler à temps plein sur le dossier, ils sont toujours restés à l’affût du moindre indice, du moindre renseignement –, et de l’acharnement du père de la jeune femme, qui a toujours répété que les coupables seraient identifiés. Que peut-on souhaiter d’autre, pour toutes les enquêtes que vous venez de découvrir, qu’une issue aussi satisfaisante ?

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Extraits de Affaires non résolues, Editions Générales First (3 mai 2012)

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