Addiction à la française : comment les impôts sont devenus la drogue préférée de l'Etat<!-- --> | Atlantico.fr
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Interrogé par RTL mardi 13 août sur la réforme des retraites, le président du conseil général des Alpes-Maritimes Eric Ciotti a ironisé sur une "addiction des socialistes à l'impôt". "Chaque fois qu'il y a un problème, on imagine un nouvel impôt ou on l'alourdit", a-t-il déclaré. Une addiction qui ne serait pas seulement socialiste et qui ne date pas d'hier ...

Thomas Carbonnier et Alain Fabre

Thomas Carbonnier et Alain Fabre

Thomas Carbonnier est avocat associé au sein du Cabinet Equity Avocats. Il intervient régulièrement en droit des affaires, droit fiscal et droit travail pour une clientèle composée de salariés, de chefs d’entreprises et de PME.

En sa qualité d’expert en "économie sociale et solidaire", il intervient pour le pôle de compétitivité mondial FINANCE INNOVATION pour favoriser le développement des PME et d’emplois durables.

Il enseigne le droit de l’entreprise notamment à l’École des Ingénieurs de la Ville de Paris (grande école d’ingénieurs) et est l’auteur de nombreux articles publiés dans la presse tant généraliste que professionnelle.

Alain Fabre est à la tête d’une société indépendante de conseil financier aux entreprises. Il a commencé sa carrière comme économiste à la Banque de France avant de rejoindre la Caisse des Dépôts et Consignations, puis la Cie Financière Edmond de Rothschild. Il collabore à la rédaction de Débat&co.

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Atlantico : Eric Ciotti a ironisé mardi 13 août sur une "addiction des socialistes à l'impôt". L'addiction à l'impôt est-elle une addiction socialiste ou plus largement une spécificité française ? En quoi ? Qu'en est-il dans les autres pays européens ?

Thomas Carbonnier : Ce phénomène n’est pas nouveau et n’est pas sans rappeler le constat dressé au XIXe siècle par le grand économiste français Frédéric Bastiat. Nos hommes politiques considèrent que l’impôt est une sorte de "rosée fécondante" qui permet de recruter des fonctionnaires qui assureront, grâce à leur traitement, des débouchés à leur industrie. C’est dans ce contexte qu’il dressait le constat suivant : "Vous comparez la nation à une terre desséchée et l’impôt à une pluie féconde. Soit. Mais vous devriez vous demander aussi où sont les sources de cette pluie, et si ce n’est pas précisément l’impôt qui pompe l’humidité du sol et le dessèche. Vous devriez vous demander encore s’il est possible que le sol reçoive autant de cette eau précieuse par la pluie qu’il en perd par l’évaporation ?".

Depuis, rien ou presque n’a changé. Si les aspects techniques de l’impôt évoluent, l’idéologie qui sous-tend une forte pression fiscale, elle, n’a guère évolué.
Il est bien plus aisé de créer des nouveaux impôts plutôt que de s’attaquer aux vrais problèmes de fonds (emploi, retraite, sécurité sociale, etc.). 
Pour schématiser les grandes tendances, les libéraux considèrent que l’impôt doit être la contrepartie d’un service rendu par l’Etat alors que l’impôt doit, pour les socialistes, niveler les écarts de richesses. Bien entendu, il y a au sein de chaque famille politique des positions nuancées. Abstraction faite de ces nuances, plus la crise économique s’amplifie, plus les effets des écarts de richesses vont se faire ressentir. Pour les socialistes, il sera urgent d’y remédier au moyen de l’impôt. Pour les vrais libéraux, il sera urgent de faire des coupes dans les dépenses de l’Etat et de baisser fortement l’impôt pour relancer au plus vite l’économie. 
Déjà, Frédéric Bastiat observait que "l’Etat c'est la grande fiction à travers laquelle tout le monde s'efforce de vivre aux dépens de tout le monde. […] Car, aujourd'hui comme autrefois, chacun, un peu plus, un peu moins, voudrait bien profiter du travail d'autrui. Ce sentiment, on n'ose l'afficher, on se le dissimule à soi-même; et alors que fait-on ? On imagine un intermédiaire, on s'adresse à l'Etat, et chaque classe tour à tour vient lui dire : 'Vous qui pouvez prendre loyalement, honnêtement, prenez au public, et nous partagerons.' Hélas! L'Etat n'a que trop de pente à suivre le diabolique conseil; car il est composé de ministres, de fonctionnaires, d'hommes enfin, qui, comme tous les hommes, portent au cœur le désir et saisissent toujours avec empressement l'occasion de voir grandir leurs richesses et leur influence. L'État comprend donc bien vite le parti qu'il peut tirer du rôle que le public lui confie. Il sera l'arbitre, le maître de toutes les destinées : il prendra beaucoup, donc il lui restera beaucoup à lui-même ; il multipliera le nombre de ses agents, il élargira le cercle de ses attributions ; il finira par acquérir des proportions écrasantes".
C’est une addiction qui n’est malheureusement pas de couleur politique. C’est un phénomène qui dépasse les partis politiques et qui n’est pas nouveau comme l’illustre à la perfection cet écrit vieux de 165 ans !

Alain Fabre : La poussée des dépenses publiques et des impôts est liée étroitement à l’émergence de l’Etat moderne en Europe ; elle remonte au moins au milieu du XVIIème siècle. On trouve les mêmes phénomènes en Angleterre ou aux Pays-Bas. Ces pays collectent plus d’impôts et engagement plus de dépenses que la France d’Ancien Régime et s’endettent davantage. Mais c’est en raison de la prospérité d’une économie marchande alors que la France reste bloquée dans ses conceptions mercantilistes. Ce n’est donc pas un phénomène français en tant que tel ni récent. La Révolution, Napoléon et sous la Restauration, le Baron Louis jetèrent les bases de la gestion publique moderne. Mais l’Etat "bourgeois" se voulait économe et paradoxalement moins interventionniste que l’Ancien Régime. A la fin du XIXème siècle, on a commencé à mieux prendre conscience de la montée progressive du poids de l’Etat dans l’économie en lien avec sa croissance. C’est la loi de Wagner (1872) qui établit la corrélation entre les deux. Enfin avec la pensée keynésienne et la généralisation de l’Etat providence après 1945, l’accord s’est renforcé entre la prospérité collective et la nécessité d’accepter un degré élevé de redistribution des revenus. On a donc dans l’ensemble des économies européennes des dépenses publiques et des taux de prélèvements obligatoires élevés. En Europe, le taux de dépense publique oscille autour de 45%. Mais il y a bien une singularité française. Pourquoi sommes nous à 57% ?

Comment la France est-elle devenue accro aux impôts ? De quand cela date-t-il ? Est-ce lié à notre héritage révolutionnaire ou cela vient-il d'encore plus loin ?

Alain Fabre : On peut faire remonter l’origine notre exception fiscale à Philippe le Bel, à Charles VII ou à Louis XI. Mais c’est à partir de Richelieu en raison de l’entrée en guerre de la France contre l’Espagne en 1635 que l’impôt prend les traits que nous lui connaissons aujourd’hui. Dans la tradition royale médiévale, la Couronne vit des produits de son domaine. L’impôt - c’est encore son caractère sous Richelieu - revêt un caractère transitoire, extra-ordinaire. Le roi lève des impôts pour faire la guerre. Ce sont les liens entre la guerre et l’émergence de l’Etat moderne en France qui font de l’impôt l’un de ses fondements. D’ailleurs à une époque où en période de guerre les dépenses militaires représentent 50% du total, dès que la guerre est finie, les dépenses baissent de moitié et on baisse la taille. C’est ce que firent Louis XIV et Colbert après le traité des Pyrénées signé en 1659. Les années 1660 sont des années d’équilibre budgétaire et de baisse des impôts. A partir des années 1670, Louis XIV prend plus clairement conscience du rôle puissant de la dépense publique comme moyen de centralisation du royaume. Depuis le Roi Soleil, en France, gouverner c’est dépenser. Même au temps du très bourgeois roi Louis-Philippe, la France comptait plus de fonctionnaires en proportion de sa population que les autres pays d’Europe. C’est aussi son talon d’Achille car à de rares exceptions près, l’Etat en France est le plus souvent désargentée. La monarchie s’est effondrée parce qu’elle était en faillite. C’est qu’en réalité en France, l’Etat ne se contente pas de prélever plus d’impôts que ses voisins. L’économie et la société sont sous tutelle. C’est un peu comme si l’économie était structurellement limitée ou bridée. C’était vrai sous l’Ancien Régime absolutiste face à la Hollande puis à l’Angleterre marchande. C’est vrai aujourd’hui encore. L’Etat en France craint la liberté économique des entrepreneurs. L’impôt fait partie depuis le XVIIème siècle des moyens par lesquels l’Etat place la société sous tutelle. Du coup, l’impôt joue comme un frein à la vitesse de progression de l’économie. Stratégie contre-productive car avec une économie plus libre, l’Etat augmenterait le total de ses recettes. Avec l’Angleterre du XVIII° siècle, ou l’Allemagne des années 2010, la situation comparée est semblable.

Depuis 1789, la France est fortement attachée au principe d'égalité. Notre système répond-t-il à ce principe ou au contraire génère-t-il encore plus d'inégalités ? Les impôts sont-ils vraiment efficaces ?

Thomas Carbonnier :Selon le grand juriste Portalis (1746-1807), "l’office de la loi est de nous protéger de la fraude d’autrui mais non pas de nous dispenser de faire usage de notre raison". Cette célèbre expression demeure d’actualité, car l'imposition des revenus du patrimoine a constitué un idéal révolutionnaire qui n'a cessé de décliner aux dépens de la dépense et du travail. 

Aujourd'hui la pression fiscale porte essentiellement sur la dépense (TVA) et pour la grande majorité des contribuables sur le travail (IR). A cela s’ajoute des contributions sociales (CSG et CRDS), particulièrement élevées dans notre pays. Ce résultat est le fruit d’une évolution historique de l’impôt écrite à coup de révolutions dont deux apparaissent décisives (1789 et 1914).
La Révolution française de 1789 a remis à plat tout le système fiscal issu de l'Ancien Régime. L'idéologie incarnée par l'impôt a été bouleversée. Avant la Révolution, l’impôt était un signe d'asservissement politique puis social. Initialement, l'impôt représentait une soumission à l'autorité politique. Payer l'impôt était signe d’abaissement, puisque sa plus grande part était supportée par les classes sociales les plus pauvres. 
La proposition, présentée le 1er décembre 1789 par le député et docteur Joseph Guillotin, visant à introduire l'égalité de tous les citoyens devant le juge va déboucher sur une machine qui connaîtra très vite une immense notoriété qui portera son nom : la guillotine. Par la même occasion, l’ancienne idéologie fiscale a été guillotinée !
En effet, le paiement du nouvel impôt devait désormais traduire l'appartenance du citoyen à la nation. Seul le citoyen qui s’acquitterait d’un montant d’impôt minimum aurait le droit de vote. Ainsi, celui qui participait aux dépenses publiques avait le droit d’exprimer valablement son point de vue dans les prises de décisions de son pays.
Ce renversement idéologique visait à favoriser la domination des riches alors incarnée par la propriété immobilière. C’est pour cette raison que les révolutionnaires français ont imaginé établir un impôt unique sur la propriété immobilière, et plus particulièrement la terre. Finalement, le nouveau système fiscal sur le foncier fut composé de quatre contributions directes. Leur longévité leur valut plus tard le surnom de "Quatre Vieilles". Elles avaient toutes pour base unique ou essentielle la propriété immobilière.
Des quatre impôts, la contribution foncière pesait le plus lourd et était destinée à représenter l’essentiel des rentrées fiscales de l’Etat. Elle était censée ne pas porter sur le bien immobilier lui-même mais frapper les revenus produits par ce dernier. Le prélèvement se faisait par répartition : la somme attendue de l'État était fixée à l'avance puis répartie géographiquement. Ce système a été source de grandes injustices et son but n’a pas été atteint puisque seule la richesse réelle devait être frappée et non ses signes. Enfin, le prétendu revenu correspondait à la valeur locative cadastrale, c’est-à-dire les gains hypothétiques, susceptibles d’être tirés de la location du bien immobilier. Peu importait que le bien soit loué ou non.
La patente, ainsi que la contribution des portes et fenêtres, portaient également sur des immeubles. La contribution mobilière voulait atteindre le revenu du capital notamment à partir de signes extérieurs. À l'origine, elle était formée de cinq taxes différentes : la taxe civique fixée à la valeur de 3 jours de travail ; celle sur les chevaux ; une autre sur les domestiques ; la cote d'habitation ; la taxe sur les revenus d'industrie et les richesses mobilières. Les charges de famille étaient prises en compte car elles réduisaient le revenu disponible. La taxe civique et celle sur les revenus d'industrie faisaient que le travail était soumis à l'impôt. Cependant, le revenu servant de base à la contribution foncière était déduit de celui soumis à la mobilière, le capital venait donc s'imputer sur le travail. 

Alain Fabre : En France, l’impôt est à la fois, baroque et schizophrène. Il veut être égalitaire car en France le scandale c’est la richesse alors que dans le monde anglo-saxon le scandale c’est la pauvreté. La taxe de François Hollande à 75% illustre très bien cette contradiction. Mais comme l’impôt a aussi – c’est sa fonction première – pour objectif d’accroître les recettes publiques, il faut aussi le modérer soit ostensiblement en baissant les taux – on bute alors sur le problème de l’impôt progressif puisque les baisses profitent surtout aux plus imposés - soit par des exonérations sur des sujets particuliers : logement, financement des entreprises. On additionne donc les inconvénients puisqu’en France l’impôt sur le revenu est pourcentage du PIB l’un des plus faibles d’Europe alors que 15% des contribuables paient 65% de l’impôt sur le revenu. Comme le disait Raymond Barre, l’impôt juste c’est l’impôt payé par les autres. On pourrait même dire que finalement, l’idéal social des Français, ce n’est pas la disparition des privilèges mais des privilèges pour tous. Les contradictions françaises rendent finalement l’impôt très inégalitaire, très dissuasif et du coup peu efficace. Les recettes sont assez faibles. On sait depuis Michel Rocard que l’impôt juste et efficace, c’est une assiette large et des taux faibles. C’est ce principe qui inspira la CSG. Mais les démons français resurgissent vite. On garde les assiettes larges – on les élargit même un peu plus – et on augmente les taux car l’Etat s’avère incapable de tenir ses dépenses.

De la taille personnelle instituée en 1439 à la réforme fiscale avortée de François Hollande, le système fiscal français est aussi connu pour sa complexité. Comment l'expliquez-vous ? Est-il possible de le simplifier ? Comment ?

Thomas Carbonnier :Cette complexité fiscale est belle et bien réelle puisque dix ans après la Révolution, le système fiscal imaginé s’était révélé bien trop complexe pour continuer ! Et les multiples évolutions, décrites ci-après, montrent à quel point il est difficile de mettre en place un système fiscal simple, juste et efficace. 

La contribution mobilière ne portait d’ailleurs plus que sur la valeur locative de l'habitation. Elle restait toutefois calculée en fonction des facultés contributives du contribuable. 
Avec le développement du capitalisme, la richesse autrefois essentiellement immobilière tend à devenir de plus en plus mobilière (par exemple : parts et actions de sociétés, titres de créance sur des entreprises privées ou sur l’Etat). Le système fiscal de la révolution française, qui pourrait être une source d’inspiration, ne semble plus adapté à notre société moderne…
Le capital était plus directement atteint par les droits d'enregistrement, qui comptaient parmi les rares impôts que la Révolution n'avait pas supprimés malgré sa grande impopularité. L’agent du fisc chargé de percevoir cet impôt indirect appartenait au service de l’enregistrement autrefois dénommé Agence, puis Régie, et Direction Générale de l'Enregistrement, des Domaines et du Timbre. En plus de cette mission, ce service gère et contrôle les biens qui sont la propriété l’État. L’intérêt, en dehors de l’aspect fiscal, est de garder une trace de l'histoire locale. Au plan fiscal, l'enregistrement est une formalité accomplie par un agent public à l'occasion d'un évènement juridique. Cet évènement peut par exemple être la transmission (par exemple : vente, apport en société, donation, succession) d'un bien immeuble ou meuble. Avant la première guerre mondiale, les droits d'enregistrement représentaient 25% des recettes fiscales de l'État ! En 1901, les droits de succession étaient devenus progressifs et non plus proportionnels. Ceci a marqué un tournant idéologique !
Le système fiscal imaginé par les révolutionnaires n'était plus en mesure de suivre le bouleversement économique et social connu par la France dans la seconde moitié du XIXe siècle. Avec le développement du capitalisme, la richesse autrefois immobilière était devenue mobilière. La richesse est de plus en plus issue des emprunts d'État et les actions de sociétés. De 1850 à 1900, le capital mobilier a été décuplé alors que l’immobilier n’a que doublé ! 
C'était donc une grande partie de la richesse issue de la révolution industrielle que le vieux système fiscal n'était pas en mesure d'atteindre. Le développement du commerce et de l'industrie s'était accompagné de celui du salariat mais l'impôt direct n'atteignait pas les salaires. Fondées sur la méthode indiciaire, les "Quatre Vieilles" avaient provoqué des inégalités croissantes en raison de la hausse de la pression fiscale justifiée par la nécessité croissante de financement des interventions toujours plus nombreuses de l'État. Le budget national était passé de 1 à 3 milliards entre 1828 et 1876 ! Dans le même temps, les plus aisés, dont le capital mobilier n'était pas atteint, échappait à l'essentiel de l’impôt !
Pour ces raisons, en 1848, l'Etat a multiplié les impôts sur les valeurs mobilières. En 1872, le plus important d’entre eux était l’impôt sur le revenu des valeurs mobilières. Cet impôt a pour objectif d’atteindre le capital mobilier. Le développement du capitalisme a été spectaculaire dans la France du XIXe siècle. En 1816, la bourse de Paris ne comptait que 7 valeurs alors qu’en 1841 elle en comptait 300 ! La spéculation a été  intense et certaines faillites ont été particulièrement lourdes de conséquences sur l’économie.
La pression fiscale exercée sur les revenus du capital résulte d’une volonté de taxer le capitaliste perçu comme un homme oisif : il s'enrichirait en dormant. Il n'apporterait que son capital et non son travail. Initialement, les sommes d’argent distribuées par ces sociétés n’étaient pas frappées par l'IR. Le but était d'imposer le capital et non le travail. Ainsi, le travail fourni par les associés en nom rémunéré par des distributions par les entreprises à responsabilité illimitée n’est pas visé. De même, les sociétés qui ne présentent pas de nature capitaliste, comme les coopératives ou les mutuelles, sont épargnées par l'impôt. Le taux initial de 3% de l'IR sur les revenus mobiliers (dividendes, intérêts de compte courant, revenus d’obligations, jetons de présence pour les administrateurs de sociétés, etc.) a augmenté de manière importante. Ainsi les jetons de présence, sommes perçues par les administrateurs de sociétés, ont été taxés jusqu'à 35 %. Pourtant, ces jetons de présence rémunérant un travail de surveillance effectué par l’administrateur visent à assurer aux actionnaires du bon fonctionnement de la société industrielle ou commerciale. L’IR était fortement imbibé d’idéologie et apportait des recettes fiscales importantes à l’Etat. 
À la fin du XIXe siècle, la France est très éloignée de l’idéal fiscal révolutionnaire : la Révolution était à refaire !
À l'issue de la première guerre mondiale, l’hexagone a changé de système fiscal. Aux impôts spéciaux du XIXe siècle, ne portant que sur un élément de la richesse, ont succédé des impôts généraux, frappant toute une catégorie de richesse. Ainsi, aux multiples droits sur la consommation, s'est substitué un impôt général sur la dépense, qui allait devenir la TVA. De même l'IR imposera tous les revenus.
En matière d’IR, la France semblait en retard par rapport à ses voisins. Au Royaume-Uni l'IR était apparu dès 1799 pour accroître les ressources de l'État. Cet impôt poursuivait des objectifs sociaux et politiques.
Sous la IIIe République, la controverse autour de l'IR a déchaîné les passions. Les conservateurs y étaient très hostiles : il représentait un changement de société. L'impôt direct, réel et proportionnel du XIXe siècle résultat d'une volonté de stricte justice fiscale, au nom de laquelle chacun contribuait à proportion de sa richesse. Une imposition sur le revenu, personnelle et progressive, marquait le passage d'une égalité non plus devant l'impôt mais par l'impôt. L'idée de solidarité que supposait l'IR, en faisant que seuls les riches participent aux dépenses publiques, notamment pour venir au secours des pauvres, marquait cette mutation de la société. L’adoption de cet impôt marque un changement idéologique majeur.
Le caractère déclaratif de l'IR faisait redouter l'inquisition fiscale, c’est-à-dire le contrôle de l'impôt. Dans une adresse aux Français du 28 juillet 1791, il était proclamé : "L'Assemblée entend établir un système d'impôts par des procédés d'évaluation qui ménageront la tranquillité, l'intimité, la dignité des contribuables. Sachant par leur expérience et par les instructions que vous leur avez données que les visites domiciliaires et les exactions qu'elles entraînent sont insupportables à des hommes libres, vos représentants se sont crus religieusement obligés de repousser tout projet d'imposition dont la perception aurait obligé que l'on pût violer l'asile de sa vie que chaque citoyen a le droit de trouver dans sa maison". 
Au XVIIIe siècle, Adam Smith (1723-1790) écrivait d’ailleurs qu’"une inquisition sur la situation des affaires privées de chaque individu et une inquisition qui, pour faire cadrer l'impôt avec cette situation, épierait toutes les situations de la fortune, serait une source si féconde de vexations continuelles et interminables que personne au monde ne pourrait la supporter".Le contribuable devait désormais révéler le montant de ses revenus et se plier aux investigations du fisc. C'était la fin d'une époque où l'État devait se cantonner à la protection du citoyen, tout en constituant pour celui-ci le principal danger. C'en était terminé de la tranquillité du bon père de famille, retranché dans ses terres, jaloux de ses droits, tenant l'État pour un ennemi. 
En 1871, Adolphe Thiers n'hésitait pas à dénoncer "cet impôt de discorde [IR], de partisans, essentiellement arbitraire et atroce" à la tribune de l'Assemblée nationale.
De son côté, la gauche de Jaurès défendait la progressivité de l'impôt avec l'idée que la puissance tirée par les riches de leur fortune était elle-même non pas proportionnelle mais progressive. Suivant cette idéologie, plus un individu est riche, plus il est facile de le devenir davantage. L'impôt progressif aurait donc pour conséquence non seulement d'atteindre le revenu réel mais également d'en réduire les effets. En amputant les plus grandes fortunes, il devait entraîner une redistribution des richesses et niveler des inégalités.
Comme le souligne Eric Pichet, en 1907, lors de la révolte des vignerons, ceux-ci se plaignaient notamment de leur contribution foncière trop élevée et souhaitaient une meilleure répartition fiscale. C’était dans ce contexte qu’un projet de loi instituant l’IR avait été déposé. Il prévoyait des impôts proportionnels et indépendants pour chaque catégorie de revenu. Il était basé sur le modèle de l’"income tax" britannique et était en complément un impôt progressif sur le revenu global sur le modèle de l’"Einkammensteuer" allemand.
Adopté par l’Assemblée nationale en 1909, le projet fut bloqué par le Sénat conservateur. Ce fut l'approche de la guerre de 1914 qui contraignit les conservateurs à céder, en adoptant cependant un texte de compromis, lequel aboutit à un impôt qui connut les plus grandes peines pour être accepté. Cet impôt a été largement allégé par la majorité conservatrice qui représentait les agriculteurs et les classes moyennes du commerce et de l'industrie. Les riches, qui rejetaient le projet d'IR, furent accusés par la gauche de ne pas vouloir contribuer à l'effort de guerre en juste proportion !
L’approche retenue n'était pas entièrement progressive puisqu’elle retenait des impositions qui taxaient de façon proportionnelle les différentes catégories de revenus. C’est ainsi qu’il apparaissait juste de taxer plus lourdement les revenus du capital que ceux du travail puisqu’il n’y avait pas besoin de travailler pour les percevoir. A l’imposition catégorielle se superposait un impôt progressif portant sur l'ensemble des revenus. Ce système fiscal fut comparé à un temple grec avec des colonnes proportionnelles supportant un toit progressif. 
A cette époque, le seuil d'imposition avait été placé à 5 000 Francs, revenu nécessaire pour intégrer le groupe social des plus aisés. Au cours de cette période, le taux le plus élevé était de 2 % ! 
Cet avantage fiscal prit fin dès 1917, année à compter de laquelle furent levés les impôts catégoriels. Au cours de la période 1920 à 1926, l’IR était devenu confiscatoire : son taux marginal était de 90 % pour les célibataires ou les couples sans enfant ! L’objectif était alors de favoriser la natalité pour combler un déficit démographique. 
Pour financer la guerre, la France a eu recours à l'emprunt. En 1918, la dette publique représentait plus de 150 % du PIB ! Bien entendu, cette dette allait devoir être remboursée par les contribuables au moyen de l’impôt ! 
L’IR atteignait l’ensemble des gains de façon réelle et non plus indiciaire. Il prenait en compte la nature du revenu comme la personne du contribuable. L'IR faisait oublier les injustices issues du passé. Sa progressivité lui permettait d’exiger des plus aisés une contribution plus lourde. Son rendement allait se révéler bien supérieur à celui des Quatre Vieilles ("Quatre Vieilles" : 550 millions en 1913 ; IR : 10 Milliards en 1938, 256 Milliards en 1948). Malgré cela, les impôts indirects tels que les droits de succession n'avaient pas diminué. En définitive, l’IR n’a fait qu’accroître la charge fiscale des plus aisés.
Pour autant, il produisait des inégalités flagrantes car l'administration fiscale n'était pas préparée à effectuer les contrôles nécessaires pour lutter contre la fraude. Le fisc n'avait ni le temps ni les moyens nécessaires pour contrôler chaque année plusieurs centaines de milliers de déclarations !
C’est pour cette raison que l’IR a été surnommé "l'impôt des poires" : seuls les salariés et fonctionnaires le payaient car leurs revenus étaient connus. En revanche, les agriculteurs, commerçants et artisans, professions libérales y échappaient largement. La fraude a eu pour effet d’anéantir l'égalité attendue de l'IR. La fraude sur les revenus des valeurs mobilières a été probablement la plus considérable : les revenus de valeurs étrangères pouvaient être perçus hors de France et également sur le territoire national, sans que le fisc n'en ait connaissance ! Enfin, c’était une époque où une partie des titres de société était totalement anonyme. Les mesures de lutte contre la fraude conduisaient déjà à cette époque à la fuite des capitaux au profit de la Suisse !
Une importante réforme fut adoptée en 1948. Elle visait à simplifier un impôt devenu déjà trop complexe ! Il s’agissait également de renforcer la lutte contre la fraude et d'assurer une plus grande justice fiscale. Ce n'est qu'après cette refonte que l'IR atteint sa maturité et se révéla un impôt rentable. La notion de revenu avait été élargie dès 1933 pour permettre de taxer les plus-values des entreprises industrielles et commerciales. En 1963, certaines plus-values immobilières de particuliers devenaient imposables. En 1976, les gains sur la cession de valeurs mobilières le deviennent également.
Après l'arrivée de la gauche au pouvoir, en 1981, le taux de la dernière tranche du barème de l’IR monta jusqu'à 65 % ! Plus encore, l'instauration de l'impôt sur les grandes fortunes marqua l'intention de faire payer les contribuables aisés. A partir de cette époque, le mouvement d'exil fiscal des plus aisés se renforce et devient visible. Alors que l'impôt sur la fortune était plafonné en fonction des revenus, un gouvernement de droite entendit réduire les effets de cette limite pour les patrimoines les plus importants. Ce plafonnement a conduit certains contribuables à payer plusieurs fois le montant leurs revenus au seul titre de l'ISF ! L'imposition du capital a alors franchi une étape décisive : elle ne conduisait plus seulement à réduire les revenus de la propriété (mobilière ou immobilière), mais à attaquer la propriété elle-même. 
Le bouclier fiscal, instauré en 2007 avait pour but de faire revenir les contribuables aisés. Ce dispositif a arrêté, au moins temporairement, l’hémorragie. Mais l’instabilité fiscale française a été obstacle psychologique majeur pour permettre le retour des exilés fiscaux. C’est ainsi que le bouclier fiscal fut supprimé en 2011. 
Pendant ce temps, l'ISF devenait un impôt proportionnel et non plus progressif. En 2012, la gauche vota une contribution exceptionnelle sur la fortune, dont le but était en réalité de rétablir, rétroactivement, l'ancien barème progressif. Cette contribution déplafonnée a redonné du souffle à l'exil fiscal. Depuis cette année, l'ISF redevient un impôt progressif et plafonné…
Les droits de succession se distinguent par une fracture entre les transmissions en ligne directes, dont très peu sont imposables, et les autres, surtaxées. Dans ce dernier cas de figure, l'impôt a pour objectif de niveler les fortunes. Il est pourtant choquant qu’à la mort d'un concubin, celui qui lui survit est imposé à 60 % alors qu'en cas de mariage ou de PACS, la succession est exonérée !
L'impôt sur le revenu a vu sa progressivité baisser, jusqu'à la création récente d'un taux marginal à 45 %. Son rendement fut amoindri par la création d’un nombre considérable de réductions et crédits d'impôt. L'IR a été supplanté par des impôts sociaux sur le revenu : la CSG et la CRDS. Leur rendement est très supérieur à l’IR puisque presque personne n'y échappe ! Ils sont proportionnels et impersonnels. C’est finalement un retour à la case départ, un retour au projet porté au XIXe siècle par Joseph Caillaux : une juxtaposition d'impôts proportionnels et progressifs. S'ajoute, depuis 2011, une contribution exceptionnelle sur les hauts revenus, dont le rendement, au regard du nombre des intéressés, est dérisoire.
De l'idéal révolutionnaire demeurent les impôts locaux, vieux prélèvements, peu productifs et particulièrement injustes. Les autres impositions sur le capital ont une fonction plus politique que financière. L'essentiel des ressources est toujours représenté par la taxation de la dépense : la TVA représentant la moitié des recettes fiscales. Le reste repose sur l'imposition du revenu, gains du travail comme du capital, avec les impôts sociaux, l'IR et l'IS (impôt sur les sociétés). 
Au final, on constate beaucoup de révolutions, de passions et d'agitations autour de la question de l'impôt, pour un bien maigre changement, depuis deux siècles, quant à la répartition matérielle de la pression fiscale. L'impôt demeure en France un sujet politique hautement sensible et empreint de fortes émotions.

Alain Fabre :L’origine politique de l’impôt dans les Etats modernes c’est la représentation. Aux Etats-Unis ce fut le signal de la révolte mais c’est l’Angleterre depuis le Moyen Âge qui fut l’archétype du principe : no taxation without representation.La France c’est le pays de l’absolutisme politique dont la légitimité sociale repose sur son aptitude à garantir les rentes sociales. La représentation est toujours fictive. Le Parlement est une chambre d’enregistrement. Nous n’avons pas en France de système politique fondé sur le self government de la société. 35% des Parlementaires sont des fonctionnaires qui ne sont pas même en disponibilité. Voilà le Parlement, un organe chargé de contrôler le gouvernement dominé par les fonctionnaires qui sont hiérarchiquement placées sous l’autorité du Premier ministre, constitutionnellement chef de l’Administration.En Angleterre, quand vous êtes fonctionnaire, vous démissionnez de la fonction publique avant le scrutin. Quand on pense que la loi sur la moralisation de la vie politique fait que le mieux pour être député désormais c’est d’être fonctionnaire, on aboutit à un système où la société française est gouvernée et mise sous tutelle par un pouvoir qui lui est totalement étranger. Comptez le nombre de non-fonctionnaires dans la vie politique nationale ! C’est la raison pour laquelle alors qu’il faudrait que les dépenses baissent pour faire baisser les impôts, en France les réformes le permettant ne pourront pas être faites. Et elles ne le seront jamais. On ne scie pas la branche sur laquelle on est assis. L’Etat sait empiler les dépenses et les impôts mais pas les rationaliser et les baisser. Car ce serait pour le pouvoir politique devoir entrer en conflit avec les bénéficiaires de rentes qui le soutiennent. A ce compte, l’Etat préfère opter pour l’entre-deux : être fort avec les faibles, faible avec les forts. Un jour d’août 1788, Loménie de Brienne a déclaré l’Etat en cessation des paiements. La France va droit vers cette situation, il n’est pas possible à terme de dépenser 25 pu 30% de plus que ses dépenses. Le malaise fiscal français tient à l’absolutisme du pouvoir politique.

Quelles sont les conséquences de cette addiction ? Comment en sortir ?

Thomas Carbonnier :La France pousse ses citoyens aisés à l’exil. Comme le soulignent, l’Ifrap et Eric Pichet, chiffres officiels de Bercy à l’appui, cet exil fiscal ne relève pas du fantasme. Certains de nos voisins sont d’ailleurs prêts à les accueillir à bras ouverts.

Ainsi, le Portugal propose d’accueillir nos retraités en franchise totale d’impôt sur le revenu ! C’est un peu comme l’île de la tentation. D’un côté la France, votre compagne actuelle que vous aimez beaucoup malgré ses défauts… et de l’autre la sirène portugaise qui vous propose, en plus du soleil pour soigner vos rhumatismes, une exonération d’impôt sur vos pensions de retraite et un coût de la vie de 20 à 30% moins élevé qu’en France. La tentation est très forte. Et cette fois-ci, nous ne parlons plus des riches ou des très riches !
Autrement dit, l’Etat ne bénéficiera plus des recettes fiscales (IR, TVA, taxe d’habitation, taxe foncière, etc) issues des pensions du rhumatisant français.Pire, comme il ne dépensera plus son argent dans les commerces français, l’économie française peinera deux fois plus à redémarrer !
D’autres pays européens, actuellement plongés dans une crise économique plus forte que celle que nous connaissons en France, songe à imiter le Portugal…
Si même le haut de la classe moyenne déserte la France, qui paiera encore l’impôt ? Les modestes ! Il devient donc urgent de sortir de cette addiction à l’impôt et de revenir aux fondamentaux : baisser les impôts pour redonner du pouvoir d’achat ! La très grande majorité des Français au chômage souhaitent avant tout travailler et non vivre aux dépens de leurs concitoyens. Pour cela, il faut aider les entreprises à se développer et à conquérir des parts de marché. Et bien entendu, pour y arriver, elles doivent trouver des débouchés à leur production, pouvoir embaucher des salariés sans être écrasées par les cotisations sociales.
La célèbre fable de Tommy Douglas, ancien Premier ministre socialiste du Canada, intitulée Mouseland prend chaque jour un peu plus de sens : c’est l’histoire de petits souris qui vivaient comme vous et moi et qui allaient régulièrement aux urnes pour élire leurs représentants politiques. A la suite de ces élections un gouvernement de gros chats noirs bien nourris était formé. Ils gouvernaient avec dignité et adoptaient de bonnes lois (pour les chats). Et puis, déçues, les petites souris eurent l’idée de voter en faveur de la constitution d’un gouvernement de chats blancs pour remplacer les chats noirs. Comme la pression exercée sur les petites souris fut encore plus insupportable, elles décidèrent de voter pour les chats noirs… puis les blancs… puis pour des chats à moitié blanc et à moitié noir et appelèrent cela cohabitation politique ! Evidemment, le problème n'était pas la couleur du chat ! Le problème était qu'ils étaient des chats. Puisqu'ils étaient des chats, ils s'occupaient de défendre les intérêts des chats et non ceux des souris. Le problème en France n’est évidemment pas la couleur politique… mais que l’intérêt de nos représentants politiques ne sont pas ceux de millions de français qui travaillent dur pour améliorer leur confort de vie.
Le problème français est que dès qu’un citoyen sort de la misère, il est immédiatement taxé au point qu’il a le sentiment, à juste titre, que ses efforts sont immédiatement anéantis ! C’est en ce sens que se comprend la courbe de Laffer. 
Le médecin libéral parisien qui autrefois vivait confortablement et pouvait prétendre faire partie du haut de la classe moyenne, n’est souvent plus que dans la classe moyenne tout court ! Il en va de même de beaucoup de professionnels libéraux ou chefs de très petites entreprises. Notre système n’encourage malheureusement pas les Français à se défoncer dans leur travail ou à créer une entreprise… Nos formations académiques, bien qu’imparfaites, sont indéniablement de qualité. Et à ce titre, on pense naturellement à nos belles universités qui jouissent d’une réputation internationale (qui ne connait pas la Sorbonne ?), grandes écoles d’ingénieurs, de commerce, de journalisme, de cuisine, de mode, etc. Beaucoup bénéficient d’une formation de grande qualité, financée souvent en partie par nos impôts et, dans le même temps, notre système les décourage de rester en France. Au final, ils sont recrutés par nos voisins européens qui, eux, n’hésitent pas à tout mettre en œuvre pour les attirer et en faire bénéficier leur propre économie. D’une certaine manière, on pourrait presque dire que c’est une forme d’altruisme de la part de la France envers ses voisins !
Bref, c’est tout notre système qu’il serait nécessaire de remettre à plat. La crise économique et l’alternance politique auraient pu être des occasions d’entamer ce processus. Bien entendu, le Pôle Finance Innovation, connu tant en raison de son appartenance à Paris Europlace qu’en raison du remarquable travail de Madame Durieux, participe activement à cette réflexion. Comme en témoigne le lancement de son dernier livre blanc sur l’économie sociale et solidaire, auquel j’ai eu la chance de contribuer, des pistes intéressantes existent. Les témoignages y sont nombreux et méritent d’être approfondis par nos élus politiques. La réflexion pourrait d’ailleurs être poursuivie sur un volet fiscal pour ré-humaniser une économie souvent déshumanisée.

Alain Fabre :La France n’est pas capable par elle-même de faire des réformes. La situation est devenue intenable. Tout le monde le dit : la Cour des comptes, la Banque de France, la Commission européenne. La mise en oeuvre des réformes est bloquée de l’intérieur. Le pouvoir politique est trop lié à ceux qui s’imaginent être les perdants nets des réformes. En clair, la réforme passe en France par une petite révolution : le pouvoir politique doit reposer sur le gouvernement de la société par elle-même, autrement dit en donnant le pouvoir – comme ailleurs en Europe – aux catégorises sociales qui fournissent la ressource des impôts, la France qui opère dans la sphère marchande, dans l’univers concurrentiel. C’est cette issue qui est bloquée. L’alternative est alors la suivante : les réformes viennent en France par l’Europe – c’est la différence avec 1789 – mais elles aboutiront tout de même à la substitution d’une base sociale à une autre comme fondement du pouvoir politique. Constitutionnellement, le pouvoir politique cessera d’être monarchique pour devenir parlementaire. Mais si la France ferme la voie aux réformes par l’Europe, les risques sont à l’extérieur, de conduire à une dissolution de la zone euro – le système actuel n’est pas tenable avec une France qui refuse indéfiniment les réformes – et à l’intérieur une dislocation sociale. Dans son Mémoire sur le paupérisme en 1835, Tocqueville l’avait signalé. Le jour où ceux qui bénéficient des rentes sociales prennent conscience que le rançonnement des "riches" vient à s’épuiser le régime tombe et c’est la violence sociale qui achève de jeter à bas un système qui se condamnait lui même d’avance à la faillite. Dans la France d’aujourd’hui, l’espoir est que François Hollande suive trente ans après, l’exemple de François Mitterrand qui abandonna son programme au nom de l’Europe. Mais aura-t-il l’autorité et le savoir faire politique de son prédécesseur ?

Propos recueillis par Alexandre Devecchio

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