Accord russo-ukrainien sur les exportations de céréales, très beau coup d’Ankara ?<!-- --> | Atlantico.fr
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Le secrétaire général des Nations unies, Antonio Guterres, et le président turc, Recep Tayyip Erdogan, assistent au début de la cérémonie de signature d'une initiative sur la sécurité du transport des céréales, le 22 juillet 2022.
Le secrétaire général des Nations unies, Antonio Guterres, et le président turc, Recep Tayyip Erdogan, assistent au début de la cérémonie de signature d'une initiative sur la sécurité du transport des céréales, le 22 juillet 2022.
©OZAN KOSE / AFP

Diplomatie

Le président Recep Tayyip Erdoğan a réussi un exploit diplomatique en permettant la signature d’un accord entre la Russie et l’Ukraine autorisant ces deux pays à exporter par la voie maritime des céréales, des engrais et autres denrées alimentaires.

Alain Rodier

Alain Rodier

Alain Rodier, ancien officier supérieur au sein des services de renseignement français, est directeur adjoint du Centre français de recherche sur le renseignement (CF2R). Il est particulièrement chargé de suivre le terrorisme d’origine islamique et la criminalité organisée.

Son dernier livre : Face à face Téhéran - Riyad. Vers la guerre ?, Histoire et collections, 2018.

 

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L’Ukraine espère ainsi pouvoir exporter dans un premier temps 25 millions de tonnes de blé. En contrepartie, la Russie a reçu l’autorisation d’exporter ses propres productions alimentaires - les sanctions internationales étant levées pour les transporteurs, les acheteurs, les financiers, les assureurs, etc. -. Moscou espère ainsi vendre 50 millions de tonnes de blé avant la fin de l’année mais également des engrais et d’autres produits agricoles. La question qui se pose est : qu’est-ce que la Turquie a reçu en récompense pour ses « bons offices » en dehors du prestige international ?

Dans le détail, l’affaire est complexe. Kiev n’a pas voulu mettre son paraphe sur un document déjà signé par la Russie. Ce sont donc deux documents séparés - mais au contenu identique - qui ont été signés avec l’ONU et la Turquie, le pays qui a assuré la médiation. 

Plus important encore est l’établissement à Istanbul d’un « centre de coordination conjoint » où siègeront des représentants turcs, russes, ukrainiens et de l’ONU pour assurer le transit des navires vers et depuis les ports d’Odessa, de Pivdennyi et de Tchornomorsk.

Des contrôles pourront être effectués par des équipes mixtes dans les eaux territoriales turques, particulièrement pour s’assurer que les cargos entrants n’ont pas d’armements ou d’équipements militaires à bord. C’est d’ailleurs pour cette raison qu’Hulusi Akar, le ministre de la défense turc, est partie prenante dans cet accord. La marine et l’aviation turques vont avoir un rôle tactique extrêmement important à jouer, en particulier en tant que forces d’« interposition » entre les Russes et les Ukrainiens.

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Il va d’abord falloir procéder au déminage de l’accès de ces ports ukrainiens (qui avaient été minés pour empêcher un débarquement russe), ce qui sera à la charge de la marine ukrainienne. C’est encore elle qui devra ensuite guider les navires civils jusqu’au corridor établi en Mer noire protégé par la marine turque.

Les forces russes et ukrainiennes se sont engagées à n’interférer en aucune façon dans ces mouvements mais aucun « observateur » russe ne sera accueilli dans les ports ukrainiens. 

Cet accord a été signé pour un document par le ministre de l’infrastructure ukrainien Oleksandr Kubrakov et pour le deuxième document par le ministre de la défense russe Sergueï Choïgu. C’est Hulusi Akar qui fait l’interface en parafant les deux documents au nom de la Turquie.

Cet accord est valable pour trois mois renouvelables.

La cérémonie s’est tenue au palais de Dolmabahçe sur le Bosphore sous la supervision du président Erdoğan et du secrétaire général de l’ONU, Antonio Guterres. 

Nul doute qu’il va se passer encore un « certain temps » avant qu’un premier cargo puisse quitter l’Ukraine. Il convient d’abord d’installer ce « centre de coordination conjoint » avec tous les problèmes logistiques et de transmissions que cela pose. Ensuite, personne n’est à l’abri du moindre incident qui pourrait survenir et remettrait tout en cause.

Mais pour rester optimiste, il faut voir que les deux parties, Ukraine et Russie ont intérêt à ce que cela se déroule bien de manière à exporter leurs productions agricoles dont une partie pourrit déjà dans des silos et à en toucher les dividendes qui leurs sont indispensables pour continuer la guerre…

De plus, si cela se déroule correctement, il est possible que le dialogue entre Kiev et Moscou qui est totalement interrompu pour le moment, puisse rependre même très lentement. Il faudra bien que cette guerre s’arrête un jour et cela passe obligatoirement par des négociations. 

La question subsidiaire est : quel est le bénéfice pour Ankara en dehors du fait de se montrer incontournable ?

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