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L’abstention peut-elle bouleverser le résultat de la présidentielle ?
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Attention abstention

Les sondages publiés quotidiennement négligeraient-ils le facteur abstention qui pourrait bouleverser le résultat du second tour en mai prochain ?

Yves-Marie Cann

Yves-Marie Cann

Yves-Marie Cann est Directeur en charge des études d'opinion de l'Institut CSA.
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Atlantico : Si l’on considère l’état des études en votre possession aujourd’hui, et si l’on compte les électeurs de François Bayrou et Marine Le Pen au premier tour qui indiquent vouloir s'abstenir au second, ceux qui ne se déplacent pas « structurellement » pour voter et les électeurs qui pourraient s’abstenir parce que le second tour a lieu durant le week-end du 8 mai : à combien pourrait s’élever le taux d’abstention au second tour de la présidentielle 2012 ?

Yves-Marie Cann :A ce stade de la campagne présidentielle, je me garderai de tout pronostic en la matière. Les sondages d’intentions de vote réalisés aujourd’hui ne permettent pas d’ailleurs d’y répondre davantage, ce ne sont pas des outils de prédiction.

Bien sûr, une partie des électeurs potentiels de Marine Le Pen et François Bayrou refusent d’exprimer une intention de vote au second tour dans l’hypothèse d’un duel opposant François Hollande à Nicolas Sarkozy. Il n’empêche, ceci n’est pas inédit. Déjà en 2007, l’enquête postélectorale réalisée par le Cevipof avait démontré qu’une fraction non négligeable des électorats Bayou et Le Pen (de l’ordre d’un cinquième) n’avait pas voté au second tour, ou alors avait voté blanc ou nul. Parallèlement, près de quatre abstentionnistes de premier tour sur dix étaient allés voter.

Enfin je rappellerai que nous étions déjà dans une configuration assez proche en 2007 concernant les vacances scolaires et le pont du 8 mai, ce qui n’a pas empêché une participation massive. S’il est acquis  que des électeurs ne pourront pas se déplacer à leur bureau de vote en raison des congés, bon nombre d’entre eux prendront les dispositions nécessaires pour voter par procuration.

Le taux d’abstention au second tour pourrait-il être hors norme par rapport aux élections présidentielles précédentes ? 

Sur les cinq dernières élections présidentielles, c’est-à-dire de 1981 à 2007 inclus, le taux d’abstention moyen au second tour s’établit à 17,3%. Il a atteint son plus faible niveau en 1981 (14,1%) et ses plus hauts en 1995 et 2002 (20.3%). Sur la base des éléments aujourd’hui en notre possession, et notamment de l’intérêt pour l’élection présidentielle exprimé par les personnes enquêtées, rien ne permet à ce jour de dire que l’abstention pourrait être « hors norme » par rapport aux précédents scrutins.

En règle générale, pour l’élection présidentielle, le taux d'abstention est toujours inférieur au premier tour qu'au second. Deux élections font figure d’exception :

  • 1965, où il y eut au second tour une participation de 0,5% inférieure au second
  • 1969 où l‘abstention au second tour fut de 31% contre 22% au premier tour. Mais cette année là, étaient opposés au second tour Alain Poher et George Pompidou, deux candidats classés àdroite, ce qui a sans doute conduit une partie de l’électorat de gauche à s’abstenir.


On ne peut exclure que cette élection fasse figure d'exception. Mais cela dépend essentiellement de l’offre politique du second tour. Aujourd’hui, le second tour semble devoir être un duel Hollande/Sarkozy, ce qui devrait favoriser un schéma classique. Reste qu'il existe bien sûr une incertitude sur la mobilisation des électeurs.

Un taux d’abstention élevé peut-il remettre en perspective les résultats du second tour tels qu’ils sont exprimés aujourd’hui ? 

Le classement au premier tour peut créer une dynamique en faveur du candidat arrivé en tête et provoquer une démobilisation chez les électeurs du second. Toutefois, les effets de l’une et de l’autre me paraissent potentiellement limités et pour le moins nettement insuffisants pour inverser un rapport de force, sauf à supposer que celui-ci soit extrêmement serré. Si l’on se réfère aux élections présidentielles passées, arriver en tête au premier tour n’est pas une garantie pour l’emporter au second. D’autres facteurs entrent en compte. Valéry Giscard d’Estaing, en 1981, et Lionel Jospin, en 1995, peuvent en témoigner.

Les sondages d’intentions de vote ne sont pas des outils de prédiction du résultat le jour du vote mais une photographie de l’opinion à un instant T. Le rapport de force tel qu’il est mesuré aujourd’hui peut donc encore évoluer d’ici à l’élection. Par ailleurs, avec la certitude de choix ou l’intérêt des Français pour la campagne que nous suivons chaque semaine, nous disposons d’indicateurs fiables sur leur mobilisation actuelle autour de l’élection présidentielle. L’incertitude porte donc sur leur degré de mobilisation en fin de campagne, lequel déterminera le taux d’abstention.

De quelle façon l’abstention pourrait-elle donc influer sur le résultat de l’élection présidentielle ?

Pour 2012, il est difficile de répondre à la question tant que le premier tour n’a pas eu lieu. Mais nous disposons d’indicateurs qui permettent de préciser l’état de mobilisation actuel des électeurs : ainsi, l’intérêt des Français pour la campagne électorale progresse régulièrement depuis janvier. Autre indicateur : la certitude de choix dans les intentions de vote. Celle-ci progresse également aux premier et second tours : 50% des sondés se déclaraient sûrs de leur choix pour le premier tour en fin d’année contre 60% cette semaine. Et dans l’hypothèse d’un duel opposant François Hollande à Nicolas Sarkozy au second, nous sommes passés de 67% à 75% de certitude du choix parmi les personnes exprimant une intention de vote. Ces hauts niveaux, plus élevés que ceux mesurés pour le premier tour, s’expliquent par une offre politique plus claire au second qu’au premier tour, le choix des électeurs étant facilité dans l’hypothèse d’un duel gauche/droite classique.

Pour autant, lorsqu’on étudie les taux de certitude des électorats de Nicolas Sarkozy ou François Hollande, on s’aperçoit qu’ils possèdent chacun un électorat  solide. C’est donc difficile de dire comment se répartirait l’abstention entre eux deux. La clé du scrutin tient à la mobilisation des électeurs des autres candidats : tout se jouera sur les gages qu’ils recevront dans l’entre-deux-tours.

En effet, le rapport de force au second tour est généralement assez serré quand il s’agit d’une opposition entre la gauche et la droite. Reste que l’anti-sarkozysme semble aujourd’hui être un nouveau facteur déterminant : comme l’opposition mobilise souvent davantage que l’adhésion, on peut imaginer que ce mécanisme joue en défaveur de Nicolas Sarkozy. Tout dépendra aussi de sa position au premier tour : s’il arrive premier le 22 avril, ceci pourrait favoriser un surcroît de mobilisation en sa faveur le 6 mai. Dans le cas contraire, François Hollande en tirerait probablement un avantage lui permettant de conforter son avance.

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