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La droite peut-elle s'inspirer du renouveau à gauche dans le cadre des élections législatives ?
La droite peut-elle s'inspirer du renouveau à gauche dans le cadre des élections législatives ?
©JULIEN DE ROSA / AFP

Exemple à suivre

Sans pour autant aller jusqu’aux compromissions que s’autorise la nouvelle gauche Nupes avec le décolonialisme, le bolivarisme et autres pulsions anti-capitalistes woke.

Christophe Boutin

Christophe Boutin est un politologue français et professeur de droit public à l’université de Caen-Normandie, il a notamment publié Les grand discours du XXe siècle (Flammarion 2009) et co-dirigé Le dictionnaire du conservatisme (Cerf 2017), le Le dictionnaire des populismes (Cerf 2019) et Le dictionnaire du progressisme (Seuil 2022). Christophe Boutin est membre de la Fondation du Pont-Neuf. 

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Sébastien Laye

Sébastien Laye

Sebastien Laye est chef d'entreprise et économiste (Fondation Concorde).

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Atlantico : Alors que la gauche a jeté les bases d’une Union pour les législatives, la gauche de gouvernement semble prête, pour la première fois, à remettre en cause certaines positions historiques et notamment prête à la “désobéissance” européenne. Jusqu’où va-t-elle dans ses compromis ?

Christophe Boutin : Pour bien comprendre pourquoi l'alliance se fait à gauche pour les législatives de 2022, il faut tenir compte des éléments en présence.

À gauche, Jean-Luc Mélenchon n'est jamais que le troisième homme du premier tour de la présidentielle, mais il a su faire jouer en sa faveur, dans cette campagne qui n’en a pas été une, et notamment grâce au mercato des sondages, un vote utile lui apportant les voix d’électeurs d’une partie de la gauche plus extrême, mais aussi et surtout du PS ou d’EELV, partis auxquels certains reprochaient leur manque de visibilité dans la rupture d’avec le macronisme. Le « futur Premier ministre » est donc en situation de force, et ce d'autant plus qu'avec son groupe parlementaire de 17 membres il a joué un rôle important dans l'opposition à Emmanuel Macron durant tout le premier quinquennat de ce dernier.

Il sait pourtant que pour progresser il va devoir faire une alliance électorale intelligente. C'est ainsi, d'une part, qu’il entend permettre à ses partenaires de conserver ou d'obtenir un groupe parlementaire. C'est ainsi aussi qu'il se montre d'accord sur un financement séparé des différents éléments de sa « Nouvelle Union populaire écologique et sociale ». Enfin, en dehors de l’évolution du nom même de la coalition, sur le plan cette fois du programme, outre qu'il y avait déjà un certain nombre de points communs avec EELV ou le PCF, LFI a accepté de revoir à la baisse son discours anti Union européenne : il ne s'agit plus d'en sortir, mais uniquement de « désobéir » au cas par cas.

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Comme l'a dit Jean-Luc Mélenchon dans son discours prononcé le 1er mai, la dynamique spécifique de cette Union populaire pourrait permettre aux différents partis réunis en son sein de faire mieux, en sièges peut-être et en voix sans doute, que ce qu'ils auraient obtenu séparés, y compris, selon lui, avec une élection à la proportionnelle. Le pari semble risqué, mais, effectivement, il y a bien une dynamique qui joue dans l'opinion.

Quant aux autres partis de gauche, ils avaient tous quelque chose à apporter dans la corbeille de mariage, ce qui permettait, sinon obligeait, à ces négociations. Le PS est ainsi fort de son groupe sortant de 28 parlementaires et d’un ancrage territorial que l'on a vu lors des élections locales. EELV a aussi fait preuve d'un ancrage important dans un certain nombre de métropoles lors des élections municipales, et peut espérer reconstituer son groupe parlementaire. Quant au PCF, revitalisé par les choix gastronomiques « bien de chez nous » de Fabien Roussel, il lui reste quelques places place fortes électorales.

En ce sens d’ailleurs, les négociations qui ont eu lieu autour de la répartition des circonscriptions n’étaient pas uniquement, comme cela a été dit, des « négociations de marchands de tapis » pour obtenir plus. Avec le mode de scrutin que nous connaissons en effet, majoritaire uninominal à deux tours dans des circonscriptions de taille limitée, le poids du « sortant » est réel, et il peut effectivement être parfois risqué de le sacrifier au nom d'une nouvelle alliance. Il y avait donc un équilibre à trouver, qui l’a visiblement été par la gauche. Ne restera peut-être qu’un clivage au sein du PS, et plus marginalement à EELV, partis où certains pourraient avoir envie de rejoindre le centre élargi réuni autour d'Emmanuel Macron… et ses maroquins.

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Dans ce cadre général, le « rejet des dogmes » par la « gauche du gouvernement », c'est-à-dire le PS et EELV, et dans une moindre mesure le PCF, n'est en fait que très limité. Ils savent pertinemment en effet que l'Union européenne dispose d'éléments pour passer outre la « désobéissance » mélenchonienne, ou, à tout le moins, pour créer, par des sanctions, une crise majeure dans laquelle une partie des Français, y compris des électeurs de ce bloc de gauche, se refuserait à aller à l’affrontement, tétanisée par la peur de la rupture et le « saut dans l’inconnu ». Comme les différents membres de la coalition auront des groupes parlementaires distincts, cela mènerait nécessairement à son éclatement et au retour dans le « camp de la raison » des frondeurs d’un moment. Un retour rendu d’autant plus facile que nous serions, au mieux, dans une cohabitation, et que le chef de l’État de la Cinquième république a des pouvoirs en matière de politique étrangère et dispose d’armes redoutables en politique intérieure…

Cet écart au dogme en vigueur depuis 83, pourrait-il aussi exister de la part de la droite de gouvernement, dans la perspective d’une alliance ? Comment la droite peut-elle interroger ses dogmes sans pour autant céder aux compromissions que s’autorise la nouvelle gauche « NUPES » à l'autre bord du champ politique ?

Christophe Boutin : À droite, aucun des éléments qui ont rendu possible techniquement l’alliance à gauche n'existe. Le RN ne disposait que de 8 parlementaire, bien en deçà des 15 nécessaires pour bâtir un groupe, et n'a pas brillé au cours du quinquennat dans son opposition à Emmanuel Macron. Certes, Marine Le Pen est arrivée seconde au premier tour la présidentielle, progressant ensuite largement en voix par rapport à son score de 2017 au second tour, mais son parti n'a guère d'intérêts à une alliance avec d'autres formations politiques. Au contraire ce peut-être pour le RN le moment d'éliminer le parti naissant d'Éric Zemmour, Reconquête, fragilisé par le score de ce dernier au premier tour de la présidentielle, jugé décevant par une partie des soutiens de l'essayiste, et qui ne dispose pas, et pour cause, de ces ancrages locaux qui permettent au PS ou à LR, d’espérer surmonter la déception qu’a été leur score au premier tour de cette présidentielle.

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Par ailleurs, le parti de Marine Le Pen est lourdement endetté et compte sur la dotation étatique aux partis politiques pour améliorer ses finances. On rappellera qu’elle est divisée en deux sommes égales. La première est divisée entre les partis  en fonction des voix obtenues au premier tour des élections législatives et leur rapporte 1,65 € par an et par voix, à condition  d’avoir fait plus de 1% dans au moins 50 circonscriptions. La seconde est répartie en tenant compte des élus nationaux (37.200 € par élu).

Dans ces conditions, rien ne pousse à la coalition entre RN et Reconquête. LR ? Qu’en sera-t-il de son fort groupe parlementaire de 101 membres sortants ? Le parti a les mêmes problèmes financiers que EELV ou le PS, quand les conséquences du faible score de Valérie Pécresse induisent un non moins faible remboursement de ses frais de campagne et le conduisent à tendre la sébile sur les réseaux sociaux. Mais, surtout, il est de plus en plus manifeste qu’une part non négligeable de ses cadres envisage d’implanter en France ces larges coalitions à l’allemande qui permettent de ne pas désespérer ceux qui savent que l’histoire ne repasse pas les maroquins.

Rien en tout cas n’indique une quelconque remise en cause des dogmes européistes, si ce n’est à la marge, et c’est beaucoup plus à un affadissement de la position hostile à l'Union européenne du Rassemblement national que nous avons assisté entre 2017 et 2022, plutôt que d'une évolution critique de la part des Républicains. Seul Éric Zemmour est apparu comme, sinon franchement hostile à l’UE, au moins prêt à remettre en cause certains traités si besoin était pour préserver la souveraineté française. Mais Marine Le Pen, comme d'ailleurs peut-être certains élus des Républicains, préfère visiblement parier sur une évolution globale de l'opinion publique européenne qui se traduirait ensuite au Parlement européen, mais aussi au sein du Conseil européen et du Conseil de l’Union – et, pourquoi pas, dans la composition d'une future Commission -, et qui viendrait rééquilibrer les pouvoirs respectifs des États et de l’Union, et limiter sinon interdire les dérives actuelles.

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Sébastien Laye : Faisons fi de la question des alliances et demandons-nous à quoi la Droite devrait ressembler en France. Pour ce faire, il faut d'abord commencer à regarder à quoi la Droite ressemble dans les autres pays européens. Est-ce que les ordo libéraux allemands, la CDU actuelle, la Ligua italienne, le parti populaire autrichien, sont des eurobéats fédéralistes ou plutôt des européo-réalistes souverainistes ? C'est la deuxième option qu'ils ont choisie. La Droite francaise ne peut donc pas etre fédéraliste, elle ne peut que prôner une Europe alliance de nations souveraines, à l'instar de ce qui se passe dans les autres démocraties européennes. Le Souverainisme, tant sur la question européenne que sur la question de la mondialisation et de la relation commerciale avec la Chine, ou encore de la réindustrialisation, est donc intrinsèquement l'ADN d'une droite populaire. A trop l'avoir oublié, à avoir humilié Pasqua, Millon ou Séguin par le passé sur l'autel de la technocratie triomphante (Juppé notamment), la Droite s'est coupée des classes populaires. Il ne s'agit pas de sortir de l'Union Européenne ou de sceller des alliances avec des extremes au programme irréaliste, mais de réorienter la construction européenne avec ceux de nos partenaires européens qui pensent comme nous. Avec mon ami Jean Paul Oury, il y a quelques années, nous avions forgé le terme de Bruxit (un exit de la technocratie bruxelloise) pour désigner cette ambition. Face au bloc élitiste et réclamant une Europe fédérale de Macron, la Droite doit incarner cette réorientation.

La droite peut-elle donc interroger ses dogmes sans céder aux excès de compromissions de la nouvelle gauche Nupes ?

Sébastien Laye : Elle ne le peut pas avec son personnel actuel. Ce sont avant tout des élus locaux qui ont délaissé le débat national, au profit du bloc élitaire et des extremes. Ainsi, ces questions ne les intéressent pas. Le débat idéologique à Droite sera clarifié quand la question du personnel le sera, c'est presqu'un banal sujet de RH.....J'appelle de mes voeux la Droite à se reconstruire autour de la société civile, des forces vives du pays, et de quelques élus qui auront survécu à la débacle actuelle et accepteront ce partenariat avec la société. Le meilleur exemple est l'évolution du Parti Républicain aux Etats Unis entre 2012 et 2016: la victoire de Trump et des Républicains n'a été possible que parce que le Tea Party fut un électrochoc qui a amené des troupes nouvelles. L'inventaire de la défaite de Romney a été sanglant. La Droite n'échappera pas à un tel droit d'inventaire. C'est la Droite sarkozyste, telle qu'édifiée depuis 20 ans, qui doit etre remise en question afin de construire une nouvelle formation victorieuse. Aujourd'hui, les allers et venues des uns et des autres avec la majorité présidentielle entravent cette reconstruction chez LR. Certains considèrent ainsi qu'il faut attendre après la législative, je pense au contraire qu'on a un seul ennemi en politique, en l'occurrence Macron, et qu'il faut se débarasser des branches pourries qui ont déjà rejoint la majorité macroniste

A quoi pourrait ressembler une droite qui (elle aussi) aurait rompu avec le cercle de la pseudo raison ?

Christophe Boutin : Cela conduit à se poser la question de la répartition des forces actuellement en France. On parle beaucoup d'une tension entre « bloc élitaire » et « bloc populaire », sorte de nouvelle lutte des classe fort finement théorisée par Jérôme Sainte-Marie. On peut aussi évoquer l'opposition, plus idéologique cette fois, entre le progressisme, auquel adhère ce bloc élitaire, et le populisme, qui est souvent de nos jours la modalité par lequel le bloc populaire s'exprime, une opposition à laquelle nous avons consacré, Olivier Dard, Frédéric Rouvillois et moi-même, les Dictionnaire du progressisme et Dictionnaire des populismes que nous avons dirigés.

Mais des questions se posent sur le plan de la tactique politique, car le bloc élitaire ou progressiste occupe maintenant un centre très élargi – et peut-être plus encore demain -, rejetant sur sa droite et sa gauche des éléments tous deux populaires ou populistes. Car, même si la gauche, et on le voit très clairement avec le nom de l'alliance qui se forme derrière Jean-Luc Mélenchon, tente une OPA sur le terme de « populaire », si ce n’est celui de « populiste », l’analyse des votes démontre en effet que c’est le RN de Marine Le Pen qui est le meilleur représentant de l’électorat populaire (CSP-, ouvriers, petits employés, peu de diplômes), quand, chez Jean-Luc Mélenchon, il s'agit beaucoup plus d’un mélange de fonctionnaires, d'enfants des « gagnants de la mondialisation » habitant les métropoles et qui font leur crise d'adolescence à l'extrême gauche, entre détestation du fric de papa et wokisme, et de jeunes issus des « cités » qui entendent profiter de l'appel d'air.

La droite de demain sera donc populaire, mais cela ne saurait suffire. C'était d'ailleurs un des thèmes de la campagne d'Éric Zemmour que de tenter de fédérer des éléments du bloc populaire et d’autres du bloc élitaire autour de la notion d’identité – d’où l’accent mis dans sa campagne sur cette notion, liée selon lui, de près ou de loin, à l'évolution de l'immigration dans notre pays. Pour autant, l’alliance ne s’est pas faite sur son nom au premier tour de la présidentielle, même si elle s’est faite, partiellement au moins, dans les urnes au second tour. Est-ce à dire que l’alliance entre « bourgeoisie » et « peuple » n’a aucune chance de se faire ? Que la première finira toujours par céder aux sirènes du libéralisme et de la mondialisation, et à voter sans états d'âme pour un Emmanuel Macron qui a amélioré l'état de son portefeuille, la chose qui lui importerait le plus ? Qu’elle aurait raison d’ailleurs de se défier d’un peuple qui ne serait que revendications égalitaristes et envieuses ?

Le problème est que les catégories utilisées – peuple, bourgeoisie, classes moyennes -, beaucoup trop vastes, ne veulent plus dire grand chose.  Quoi de commun entre un habitant de l’avenue Foch et un commerçant « à l’aise » de Vesoul ? Pas grand chose, quand, au contraire, un même sentiment habite une part grandissante des classes populaires et de la  classe moyenne, le sentiment de déclassement. Déclassement financier bien sûr, mais la thématique du « pouvoir d’achat » doit être ici dépassée ou corrigée, car cela concerne, au delà de ceux qui ne peuvent boucler leurs fins de mois, tous ceux pour lesquels leur avenir, et surtout celui de leurs enfants, s’annonce nettement plus difficile. Mais immense déclassement culturel aussi, quand c’est tout leur mode de vie qui est méthodiquement détruit par le sectarisme woke et les revendications communautaristes.

Comment regrouper alors les oubliés de la mondialisation et ceux qui croient encore pour quelque temps n’être que perdants à la marge ? Parce que, demain, les déclassés seront plus nombreux encore, c’est sans doute sur cette base de réaffirmation identitaire que pourrait se reconstruire, non pas vraiment « une droite », car il faudrait, là encore, s’entendre sur le terme, mais un front commun. Certes, pendant un temps, certains préférant s’illusionner pour ne pas avoir l’air de « faire partie des perdants ». Mais vient un moment où la réalité ne peut plus être niée, quand, par exemple, leurs enfants, aussi méritants soient-ils, se trouvent écartés des postes au nom d’une discrimination qui n’est positive que pour ceux qui en bénéficient. Il est permis de penser qu’une véritable prise de conscience politique se fera en fait lorsque classes populaires et « élites » auront compris qu’elles ont en commun la volonté de conserver : de conserver un mode de vie ; des acquis sociaux, qui traduisent une solidarité dépassant les classes sociales ; une philia au sein de la Cité ; un patrimoine matériel, culturel ou spirituel. Bref, de « persévérer dans leur être », comme le souhaite tout être vivant, c’est-à-dire d’évoluer, mais sans se nier ou se renier.

Sébastien Laye : Ce serait une Droite qui au contraire reviendrait aux fondements de la Raison, puisque ledit cercle s'est vautré dans la fange d'une idéologie anti-peuple et anti-chiffres, au mépris du Réel ("le programme cela ne sert à rien"). C'est cette Droite que j'appelle de mes voeux, et qui en France doit passer par le renouvellement du personnel politique et l'ouverture à la société civile. Cette droite doit se définir avant tout comme populaire et démocratique. Elle doit dans le champ des institutions, refuser la verticalité et les dogmes autoritaires (la monarchie présidentielle), mettre en avant une République ancrée dans les territoires (girondine) et plus de démocratie participative et parlementaire. Celà veut dire couper les ponts avec le legs institutionnel du général De Gaulle. Elle doit défendre avant tout les classes moyennes et populaires qui souhaitent garder leur style de vie (sans que des idéologues leur en imposent un autre) et garder le fruit de leur travail. Economiquement, elle doit donc prôner la baisse des réglementations, des charges et des impôts, la sortie du Tout Etat Leviathan qui écrase les plus petits. Elle doit assumer que le travail doit payer plus que l'assistanat dans tous les cas et que l'Etat n'est pas là pour gêner les entrepreneurs mais pour créer les conditions de la croissance, et surtout assurer la sécurité des biens et des personnes et la justice. Liberté, Souveraineté, Fraternité, Démocratie doivent etre ses piliers.

Sociologiquement, Christophe Guilluy décrit la bonne situation quand dans la foulée des écrits de Christopher Lasch sur la sécession des élites, il parle d'opposition entre un bloc élitaire (plutot urbain, avec des gens qui se sentent à l'aise sur tout territoire selon David Goodhart, les anywhere) et un bloc populaire (une France périphérique, les somewhere). Personne aujourd'hui n'arrive à représenter le bloc populaire parce que les extrêmes en capturent simplement la frustration et le ressentiment. Une Droite toujours ancrée dans la raison, elle, pourrait à la fois représenter ce bloc mais préparer aussi, par sa meilleure représentation, la réconciliation avec l'autre pan métropolitain de la population. Il ne s'agirait pas de dresser un camp contre un autre, mais bien de retrouver les voies du compromis sociétal qui existait encore il y a quarante ans en France. Fondamentalement, le bloc élitaire demande aussi cette concorde...

Politiquement parlant, quelles alliances ou accords électoraux pourraient naître d’une telle évolution ? Ou l’incarner ?

Christophe Boutin : Alliances et accords n’apparaîtront sans doute qu’après les élections. Ils deviendront d’autant plus évidents et nécessaires que s’accélérera dans les temps qui viennent la fuite en avant du progressisme. « Nous avons changé d’époque » lit-on partout, dans les discours d’Emmanuel Macron ou ceux de son nouveau mentor, Olaf Scholz, dans la tribune de ce dernier cosignée avec Antonio Costa et Pedro Sanchez appelant à soutenir le candidat Macron, et dans trop de commentaires journalistiques. Comme pour mieux affirmer qu’il n’y a pas d’autres choix possibles, pas d’autres alternatives comme le martelait Margaret Thatcher, comme pour dire qu’il n’y aura pas de retour en arrière et que l’on continuera à marche forcée le programme établi -  Bruno Le Maire ne vient-il pas d’évoquer l’utilisation de l’article 49-3 pour faire passer la réforme des retraites ?

Une autre question ressurgit pourtant comme une traînée de poudre dans l’Europe de ce début du XXIe siècle, la question nationale - qui n’est jamais qu’un localisme élargi à une commune identité. On la voit très clairement à l’œuvre au travers du conflit russo-ukrainien, mais aussi avec la manière dont les États du groupe de Visegard entendent se défendre face aux pressions de l’Union européenne, ou, plus récemment, dans les questions que se posent les pourtant fort pacifiques États nordiques sur leur devenir existentiel. Qu’on la vante dans le premier cas dans les médias comme un magnifique moment d’héroïsme, pour la dénoncer dans les autres, n’y change rien.

Il n’est donc pas interdit de croire que ce sentiment d’appartenance nationale, avec ce qu’il implique de souveraineté, est de nos jours partagé par les électeurs du RN, de Reconquête, et chez ceux de LR qui se souviennent encore que leur parti fut un temps gaulliste. De bruit de fond, de souvenir, ce sentiment passera peu à peu au premier plan à mesure que les temps se feront plus durs. Comment ? Derrière qui ? Tout ce que l’on peut dire est qu’il sera en tout cas combattu par tous les moyens, même légaux, par le progressisme au pouvoir.

Sébastien Laye : Comme indiqué précedemment, partir des alliances ou du jeu politique actuel n'est pas la bonne approche. Il faut d'abord parler aux citoyens, et recomposer sur la base de ce dialogue. Mais si on se projette spéculativement: les ferments de cette droite existent dans 4 champs à rassembler: 1) les abstentionnistes et décus de la politique (ici la question des alliances n'intervient pas) 2) un vote "mou" de Droite pour Macron, sans adhésion aux théories élitaires et progressistes: pour cette population, il faut inlassablement se battre dans le champs de la raison, comme je le fais dans mes analyses, en désossant ses échecs, sa politique économique inefficace, son absence de réformes, etc.... 3) LR: aux législatives, ce sera un bloc de 8-10%, cet électorat existe encore et il doit servir de pierre angulaire à la reconstruction. Mais le parti sous sa forme actuelle ne peut perdurer. Ce sont ses derniers élus, non macronistes, souvent des élus territoriaux, probablement un groupe parlementaire de 50 députés en Juin, qui doivent etre le fer de lance de la nouvelle formation. 4) si j'exclus le RN de cette politique des alliances (meme si les troupes elles-mêmes devraient rejoindre cette nouvelle formation ou coalition de droite), Reconquete devrait participer de cette recomposition. Si les transfuges à haut niveau ont été exclusivement du RN (limitant le potentiel de cette formation, incapable seule aujourd'hui ou demain de parvenir à prendre le pouvoir, car lestée des Marion Maréchal Le Pen, Nicolas Bay, etc...), sur le terrain, nombre des cadres intermédiaires viennent de LR et de la droite historique. Nous devons leur tendre la main. Là où LR refuse depuis des années des candidatures nouvelles de la société civile, Reconquete a eu la sagesse de tendre la main à ces profils. Certains de mes amis du secteur privé, longtemps UMP/LR, sont candidats aux législatives sous l'étiquette Reconquête.

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