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90% du bétail français nourri aux OGM, et alors ? Les aliments transgéniques n’ont jamais tué personne, la preuve : vous êtes vivant !
©Reuters

Salon de l'Agriculture

Le collectif "Consommateurs mais pas cobayes" a déposé plainte la semaine dernière auprès de la Direction de la répression des fraudes et de la Commission européenne pour non-respect de la transparence sur les OGM. Le collectif affirme que près de 90 % du bétail serait nourri à base d'aliments transgéniques.

Bruno Parmentier

Bruno Parmentier

Bruno Parmentier est ingénieur de l’école de Mines et économiste. Il a dirigé pendant dix ans l’Ecole supérieure d’agronomie d’Angers (ESA). Il est également l’auteur de livres sur les enjeux alimentaires :  Faim zéroManger tous et bien et Nourrir l’humanité. Aujourd’hui, il est conférencier et tient un blog nourrir-manger.fr.

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Atlantico : Une association a déposé une plainte-recours devant la Commission européenne afin que l’ensemble des produits issus d’animaux nourris aux OGM soit forcé de le stipuler sur leurs étiquettes. 90 % du bétail élevé en France pourrait avoir été nourri au moins partiellement avec des OGM. Est-ce réellement nouveau ?

Bruno Parmentier : Bien sûr que non. On a du mal à réaliser l’ampleur de l’utilisation des OGM dans le monde quand on vit comme les Français dans un pays sans OGM. Pourtant, malgré le fait que les OGM actuels soient encore bien primitifs et peu durables (un OGM insecticide, alors qu’on sait bien que tous les insecticides ont toujours provoqué des phénomènes d’accoutumance chez les insectes, et un OGM compatible avec un herbicide total, en oubliant qu’on a toujours observé le même phénomène avec les mauvaises herbes), les champs concernés couvraient 181 millions d’hectares en 2014, et certainement davantage en 2015. Pour mieux comprendre ce que cela représente, disons qu’il s’agit d’un champ sur neuf sur la planète entière, ou de 9 fois la superficie agricole française ! 18 millions d’agriculteurs en ont semé, un nombre supérieur à celui de la totalité des agriculteurs de la Communauté européenne !

82 % des surfaces de soja cultivées dans le monde étaient OGM en 2014. Cette plante riche en protéine est massivement utilisée dans l’alimentation de nos animaux (poulets, cochons, lapins, canards, veaux, etc.). Ce serait dont bien innocent de penser qu’ils n’en ont jamais mangé. Sauf quelques filières très spécifiques, du type bio, qui en ont fait un argument commercial de base. Et encore, la fiabilité de ces filières est de plus en plus délicate, car il est fort difficile de garantir qu’aucun camion, espace de stockage ou bateau utilisé n’ait jamais servi pour du soja transgénique…

Pour le maïs, autre aliment de base, les chiffres 2014 étaient de 30 % ; aucun en France, mais en majorité dans certains pays desquels on importe cette céréale, comme les USA (85 % de maïs OGM), l’Argentine (95 %) ou le Brésil (81 %).

Notons au passage qu’il en est de même pour le coton, qui est dorénavant transgénique à 68 % dans le monde. Une bonne partie des habits vendus en Europe comportent donc du coton transgénique, nous en avons pratiquement tous porté.

Finalement, si 90 % du bétail a été nourri par des OGM et que nous en avons consommé, est-ce vraiment grave ? Quelles peuvent-être les conséquences pour les consommateurs ?

Ne négligeons pas le fait qu’un jour, des problèmes de santé puissent apparaître, mais aujourd’hui la consommation des OGM, directe (genre corn flakes transgéniques) ou indirecte (côte de porc nourri au soja transgénique) concerne quotidiennement des centaines de millions de personnes dans le monde, une bonne base statistique quand même pour voir si ces produits sont dangereux pour la santé… et, à ma connaissance…rien !

On voit là les limites des peurs collectives très liées à telle ou telle culture. Nombre d’Américains ont du mal à comprendre pourquoi des Européens ont peur de manger des poulets nourris aux OGM, de même que nombre de Français sont stupéfaits d’apprendre que les Américains ne veulent pas manger de fromage au lait cru ! Pourtant, la vérité oblige à dire qu’aujourd’hui, le fromage au lait cru a tué davantage de gens que les OGM…

Replaçons les peurs et les politiques de prévention là où elles devraient se situer. Il n’y a que deux produits issus de l’agriculture qui tuent de façon significative dans le monde, et particulièrement en France : le tabac (79 000 morts par an), et l’alcool (49 000 morts par an). Et malheureusement, un "dégât collatéral" de l’agriculture moderne, le pesticide, pour lequel les français sont malheureusement champions. Plus le pavot, les champignons hallucinogènes et les autres drogues d’origine "naturelle" évidemment. Pas les OGM !

Mais cela n’empêche aucunement le consommateur d’avoir le droit de demander à être informé complètement, y compris sur le fait que le lapin qu’il souhaite manger ait mangé ou non du soja transgénique !

Pourquoi est-il difficile d'avoir une traçabilité ? 

La difficulté est double. D'une part elle est technique : un porc mange un peu plus d’un kilo d’aliment par jour, dont un tiers d’oléo protéagineux ; un élevage de 300 porcs peut donc acheter 700 kilos de soja par semaine. On peut donc imaginer qu’au bout de 6 mois de vie, un cochon a donc touché à de très nombreuses rations de provenances différentes. Au total, on importe actuellement 4,5 millions de tonnes de soja par an en France. Ça représente beaucoup de bateaux, et énormément de camions avant et après ces bateaux. Garantir une traçabilité totale est donc difficile, surtout si ce n’est pas l’intérêt de chaque membre de la filière.

D’où la deuxième difficulté : les industriels n’ont pas d’intérêt à la traçabilité, sauf s’ils peuvent réellement la valoriser par un prix de vente plus important, comme dans la bio. En revanche, la revendication d’une traçabilité OGM ne s’accompagne d’aucune perspective de renchérissement du produit car le consommateur veut pouvoir choisir de manger des produits "garantis sans OGM" mais n’a aucunement l’intention de les payer plus cher. On peut donc comprendre que les acteurs aient tendance à traîner les pieds avant de se compliquer la vie, ou de donner des verges pour se faire battre.

Regardons par exemple un problème autrement important en matière de santé publique :  l’affichage nutritionnel en cinq couleurs, simple à comprendre, sur les emballages des produits de l’agro-industrie. En attribuant des points négatifs à la présence d’éléments "défavorables" comme le sucre, le sel, les matières grasses, etc. et des points positifs à celle de fruits, légumes, légumineuses, fibres, etc. les experts du Programme Nutrition Santé arrivent à calculer une note globale allant de A (couleur verte), pour les aliments les plus vertueux, à E (couleur rouge), pour les plus problématiques pour la santé.

Ce code très intuitif et simple à interpréter, s’il était rendu obligatoire sur tous des emballages, permettrait aux consommateurs de faire un meilleur choix entre différents produits (exemple mueslis ou céréales fourrées), et dans une classe de produits, de faire un meilleur choix entre les différentes marques (souvent on est confronté à une offre de 10 ou 20 mueslis dans son supermarché). De plus, il aurait également un effet incitatif vertueux sur l’agro-industrie, chaque firme étant ainsi motivée pour tenter d’éclaircir la couleur de son produit.

Des études approfondies (6 400 personnes pendant 13 ans) ont montré que l’absorption régulière de produits qui auraient la note E rouge plutôt que des produits A verts expose à 34 % de risques supplémentaires de développer des cancers, 61 % des maladies cardio-vasculaires, 61 % une obésité, etc. Un vrai enjeu de santé publique non ?

On a également prouvé que ce code simple en 5 lettres et cinq couleurs est de loin de plus facile et rapide à appréhender, en particulier pour des publics ayant un faible niveau d’éducation et de connaissances en nutrition.

Or, dès que cette proposition a été rendue publique, les lobbies se sont déchaînés, avec énormément de moyens, pour que rien de change et vienne menacer leurs gigantesques intérêts économiques. En particulier bien entendu l’Association nationale des industries alimentaires (ANIA) qui "maintient son opposition à tout dispositif d’étiquetage nutritionnel simpliste et stigmatisant, reposant uniquement sur un code de couleurs et une approche médicalisée de l’alimentation".

On est donc devant une vraie question citoyenne, face à un gouvernement affaibli et donc timoré, et une Commission européenne ultra libérale : qui doit avoir le dernier mot, sur ce sujet aux effets considérables sur la santé publique, les citoyens ou les intérêts économiques ? Quand on constate ces blocages scandaleux, on ne peut qu’être sceptique sur les chances de la généralisation d’un vrai étiquetage non OGM !

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