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8 ans après, le diagnostic de crise contrariant révélé par "l'homme qui a sauvé l'économie américaine"
©Wikipédia commons

Leçon

Après avoir enseigné l’économie pendant plus de 30 ans à l’Université de Bentley, Scott Sumner est aujourd’hui désigné par les médias américains comme "l’homme qui a sauvé l’économie". Il dévoile son approche à Atlantico et livre ses remèdes pour stabiliser la zone euro.

Scott Sumner

Scott Sumner

Scott Sumner a enseigné pendant plus de 30 ans l'économie à l'université de Bentley dans le Massachussets aux Etats-Unis. Détenteur de la Chair en politique monétaire du Mercatus Center, ses recherches se sont principalement orientées vers l'économie monétaire, et particulièrement sur le rôle de l'étalon-or pendant la Grande Dépression. Scott Sumner est auteur pour le blog TheMoneyIllusion.com et plus récemment de Econlog.econlib.org .

 

 

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Atlantico : Scott Sumner, les médias américains, comme le magazine The Atlantic (ici et ici), vous présentent comme l’économiste "qui a sauvé l’économie". Pouvez-vous nous expliquer votre approche de la crise, et en quoi celle-ci diffère du consensus ?

Scott Sumner : Depuis le début de l’année 2009, les "market monetarists" comme David Beckworth et moi-même signalent que la politique monétaire est trop restrictive pour les besoins de l’économie, aussi bien aux Etats-Unis qu’en Europe. Nous défendons l’idée d’un objectif de PIB nominal pour les Banques centrales, en indiquant qu’une telle politique aurait rendu la crise financière et la récession bien moins sévère qu’elles ne l’ont été. Nous prétendons également que la Banque centrale européenne a commis une erreur en resserrant sa politique monétaire en 2011, ce qui a conduit à une récession en double creux dans la zone euro. D’autres économistes ont pointé la responsabilité de l’austérité fiscale, mais les Etats-Unis ont subi au moins autant d’austérité fiscale que la zone euro, et n’ont pas souffert d’une telle récession en double creux. La politique monétaire était la différence entre les deux. (Je ne pense pas avoir sauvé l’économie, mais j’apprécie le compliment).

Quelle a été votre influence, notamment à l’automne 2012, lorsque l’économiste américain Tyler Cowen a indiqué "c’est le jour de Scott Sumner". Comment en est-on arrivés à une situation où vos idées ont pu être reprises par la Réserve fédérale des Etats-Unis ?

A la fin de l’année 2012, le Congrès américain envisageait de mettre en place une politique d’austérité fiscale pour l’année 2013. Au début de l’année 2013, plusieurs hausses d’impôts ont eu lieu, et certaines dépenses de l’Etat fédéral ont été coupées au printemps de cette même année 2013. A la fin de l’année 2012, la Reserve fédérale des Etats-Unis a décidé d’adopter plusieurs formes de relance monétaire, afin de compenser le poids anticipé de cette austérité fiscale. Cela comprend le QE3 (assouplissement quantitatif), et la promesse de maintenir les taux bas pendant une période de temps prolongée. Au début de l’année 2013, les économistes keynésiens, comme le prix Nobel Paul Krugman, pensaient qu’un ralentissement de la croissance aurait lieu en raison de cette austérité. A l’inverse, les "market monetarists", comme moi, pensaient que la politique monétaire compenserait les effets de l’austérité. En réalité, la croissance réelle de l’année 2013 (du 4e trimestre 2012 au 4e trimestre 213) a été plus rapide que celle de 2012, ce qui est venu confirmer les prédictions des "market monetarists". Je pense que c’est cet évènement, plus que tout autre, qui a permis aux "market monetarists" d’être reconnus. Il faut noter le contraste avec la zone euro, où la Banque centrale européenne n’a pas compensé les effets de l’austérité fiscale.

Comment expliquez-vous la situation actuelle de la zone euro ? Si vous idées ont "sauvé" l’économie américaine, sont-elles également pertinentes pour la zone euro ? De quelle manière? N’est-il pas trop tard ? 

Il n’est pas trop tard pour que la politique monétaire puisse améliorer les conditions de la zone euro. Idéalement, je voudrais voir la mise en place d’un objectif de PIB nominal pour la zone euro, mais il est probable que cela ne soit pas envisageable, politiquement parlant. Une autre option serait de mettre en place un objectif "en niveaux" de la maîtrise des prix. Dans un tel cas, la Banque centrale fixe un objectif de, disons 2% d’inflation, et promet de revenir à la ligne de tendance si elle ne parvient pas à l’atteindre ou si elle la dépasse au cours d’une année (si elle manque son objectif au cours d’une période, elle devra compenser cette perte l’année suivante). Puisque la zone euro ne parvient toujours pas à atteindre son objectif actuel de 2% d’inflation, un tel régime monétaire permettrait de relever les anticipations d’inflation à long terme, et ainsi de rendre la politique monétaire plus expansionniste. Pour mettre en place une telle politique, la Banque centrale européenne doit promettre de "faire tout ce qu’il est possible de faire" (whatever it takes) pour permettre aux anticipations de marchés de rejoindre l’objectif fixé. Cela peut impliquer des rachats d’actifs bien plus importants que ce qui est fait actuellement, et/ou des taux encore plus bas. Cependant, la politique monétaire ne peut pas tout. De nombreux pays du Sud de l’Europe peuvent bénéficier de réformes permettant de flexibiliser leur marché du travail, comme nous avons pu le voir dans le passé dans des pays comme le Danemark et l’Allemagne, où le chômage est bien plus faible que dans la zone méditerranéenne.

Est-ce que le ciblage de PIB nominal pourrait sauver la zone euro ? Cela sera-t-il suffisant pour permettre à cette Union monétaire de fonctionner ? 

L’avantage du ciblage de PIB nominal en niveaux est qu’il garantit un niveau de revenu nominal suffisant pour répondre à la demande des travailleurs à un niveau d’équilibre proche du plein emploi. Puisque les salaires horaires nominaux sont rigides, lorsque la croissance nominale chute brutalement (comme en 2008-2009 et en 2011-2013) le chômage tend à progresser fortement. Je pense que l’objectif de PIB nominal en niveaux peut sauver la zone euro. Beaucoup d’autres économistes croient au problème du "one size fits all", c’est-à-dire qu’une politique monétaire adaptée à l’Allemagne peut ne pas être appropriée pour la Grèce. C’est une inquiétude légitime. Mais je pense que beaucoup d’économistes ont tendance à négliger le fait que le plus grand problème de la zone euro a été sa politique monétaire trop restrictive. Cela peut sembler curieux, avec des taux d’intérêts aussi bas. Mais des taux bas ne sont pas la bonne unité de mesure, seule la croissance du PIB nominal nous permet de voir si une politique monétaire est suffisamment expansionniste. Après tout, les taux d’intérêts étaient aussi bas pendant la Grande dépression, quand la politique monétaire était clairement trop restrictive. Lorsque vous regardez l’ensemble de la zone euro, il est parfaitement clair que la croissance du PIB nominal a été bien trop lente depuis 2008. Cela explique une partie du problème de l’Europe du Sud (cette région a aussi des problèmes structurels), mais cela explique aussi la mollesse d’autres pays, comme la France, les Pays-Bas, ou la Finlande.

Entretien réalisé par Nicolas Goetzmann

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