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7 milliards d’humains, mille milliards de fourmis… Combien y a-t-il d’insectes à la surface du globe ?
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Bzzzz... PAF !

Une exposition consacrée aux mille milliards de fourmis qui peuplent notre planète est à découvrir jusqu'au 14 août 2014 au Palais de la Découverte. L'occasion de se poser la question du nombre d'insectes existants sur notre Planète Bleue.

Mathieu de Flores

Mathieu de Flores

Mathieu de Flores est responsable pédagogique et chargé d’animation Spipoll auprès de l'OPIE (Office Pour les Insectes et leur Environnement).

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Atlantico : Jusqu'au 24 août 2014, l'exposition "mille milliards de fourmis" est à découvrir au Palais de la Découverte. Y a-t-il réellement mille milliards de fourmis ? Combien d'insectes peuplent notre planète ?

Mathieu de Flores : En termes de quantité d’individus, il est très difficile de répondre. Les fourmis sont extrêmement nombreuses étant donné que chaque colonie compte environ des dizaines de milliers d’individus.

En termes de nombre d’espèces, il y a environ un million d’espèces d’insectes décrites par la science. Concernant celles qui restent à décrire, on estime qu’il y en a trois à quatre fois plus.

Y a-t-il de plus en plus ou de moins en moins d’insectes ?

Les activités humaines ont un impact considérable sur l’ensemble des différents écosystèmes de la planète, qu’il s’agisse de faune ou de flore. L’activité la plus impactante en termes d’extinction et de raréfaction des espèces est le "changement d’occupation du sol", soit la transformation des milieux naturels en milieux agricoles ou urbanisés.

A l’échelle de la planète, quelle que soit l’espèce, on estime que le taux d’extinction est 35 fois plus élevé que celui considéré comme normal, et ce à cause de l’activité humaine tout particulièrement depuis l’ère industrielle. Avant, l’impact humain était bien moindre. Il ne faut cependant pas voir les choses de manière totalement catastrophiste : il est encore temps de réagir et de limiter les dégâts.

A quelle vitesse se reproduisent-ils ?

Les insectes ont des cycles de vie très variés du fait du nombre impressionnant d’espèces. Certains insectes peuvent avoir plusieurs générations en une année. Je pense notamment à des petites mouches comme les drosophiles dont le cycle de vie se fait en quelques jours. D’autres insectes vont avoir un cycle bien plus long. Par exemple, on a le cas d’une cigale en Amérique du Nord dont la larve passe 17 ans dans le sol.

Comme vous venez de le mentionner, le taux d'extinction des espèces vivantes est 35 fois supérieur à la normale. Quelles espèces d'insectes sont menacées ? 

D’un point de vue général, il y a énormément d’espèces menacées, qu’il s’agisse de plantes, d’animaux ou même peut-être de micro-organismes. D’autant plus que l’on connait qu’une infime partie de la biodiversité pour l’instant. De plus, on s’intéresse assez peu et on a dû mal à connaître une bonne partie de la biodiversité de taille microscopique.

Le plus important à savoir est que les espèces composent les milieux et que ce sont précisément les milieux qui sont menacés. En Europe notamment, on a tendance à assécher les milieux aquatiques. Or, de nombreuses espèces sont inféodées à ces milieux et se retrouvent donc menacées.

Dès que l’on parle d’espèces menacées, on a tendance à penser directement à l’ours polaire ou au tigre par exemple. Leurs habitats sont effectivement menacés étant donné qu’ils vivent sur la banquise ou dans des forêts. Mais on a très peu tendance à voir les insectes ou même les plantes comme espèces menacées et malheureusement, c’est pourtant bien le cas.

Quelles conséquences sur l'environnement ? Et pour l'homme ?

Les conséquences peuvent parfois être assez anodines. Sans vouloir jouer l’avocat du diable, si le loup venait à disparaitre définitivement d’Europe, l’impact sur la nature ne serait pas faramineux. Il ne doit bien entendu pas disparaître pour autant mais les conséquences seraient moindres comparé à la disparition d’autres espèces.

On a par contre des espèces d’insectes qui paraissent totalement insignifiantes mais qui par leur nombre et leur mode d’alimentation vont s’avérer essentielles dans les écosystèmes. La plupart des insectes sont de véritables architectes de la nature. Par exemple, dans la nature, il n’y a pas de stations d’épurations. Ce sont donc les insectes qui vont être à la manœuvre pour éliminer les crottes et les cadavres. Si l’on prend les déjections fécales, certains insectes s’en nourrissent, et en s’introduisant dedans, y apportent des microorganismes, des bactéries ou des champignons. Ils entèrent une partie de la crotte et pondent dedans. Le détritus va disparaître en quelques jours, à condition que l’animal à l’origine ne soit pas traité au vermifuge. Et c’est pareil pour les cadavres.

Concernant la pollinisation, c’est le même principe. Le transport de pollen d’une fleur à une autre ne se fait pas seulement par les insectes – parfois l’eau et le vent sont les pollinisateurs, mais la reproduction de 80 % des plantes à fleurs dépendent d’eux. Si ces insectes venaient à disparaître, on serait contraint de polliniser à la main. Un tiers de notre alimentation repose donc sur ces insectes-là. Et quand je mentionne ces insectes, je ne parle pas uniquement de l’Abeille domestique. Elle est une espèce d’abeille en France parmi les 900 autres espèces "sauvages". En réalité, on compte également de nombreuses autres espèces de mouches, de scarabées, etc. qui participent activement à la pollinisation.

La disparition d’une espèce seule n’aura pas un impact colossal à court terme, mais pourra entraîner la disparition d’un cortège d’espèces associées à des milieux et à une biodiversité, ce qui serait catastrophique. En fait, tout est lié. Les plantes sont à la base de tout et les insectes, de par leur nombre et leur diversité biologique et écologique, jouent des rôles écosystémique majeurs, c’est-à-dire un rôle essentiel dans la nature.  

Tous les insectes ont-ils la même utilité ?

On ne peut pas dire qu’il y ait de bêtes inutiles. Chaque espèce a sa place dans la nature. Les moustiques par exemple servent de nourriture à de nombreux autres animaux (hirondelles, batraciens, araignées, etc.). Ils sont de plus vecteurs de maladie, c’est-à-dire qu’ils limitent la surpopulation de grands mammifères, comme l’Homme. Même si l’on se coupe du statut d’animal, on reste un animal qui se situe dans une chaîne alimentaire, dans un cycle de vie. On a donc également notre lot de parasites vecteurs de maladies. Par le biais de la sélection naturelle, les individus les plus résistants vont être sélectionnés. Autre exemple, les guêpes sont d’excellentes prédatrices : elles vont capturer d’autres espèces pour nourrir leur larve de protéine animale et jouent un excellent rôle d’anti-insectes.

La nouvelle tendance qui consiste à manger des insectes peut-elle accélérer la disparition de certaines espèces d’insectes ?

Non, car chez nous il s’agit tout simplement de bêtes qu’on élève pour la consommation. Dans les pays tropicaux, on les consomme de manière classique, généralement en petites quantités. On attribue cela à la culture du peuple qui les mange, mais cette culture existe car il y en a à foison. Ici, on ne mange pas trop d’insectes car ils sont tout petits et ne sont là que la moitié de l’année. Par contre on mange des crevettes, des crabes, des escargots…

Comment vous y prenez-vous pour estimer le nombre d’espèces d’insectes qui reste à décrire par la science ?

Les spécialistes sont nombreux à débattre sur les chiffres. Quoi qu’il en soit, ces chiffres se trouvent par système d’extrapolation. En général, les estimations se définissent surtout en milieu tropical, étant donné que la majorité des espèces qui restent à décrire sont issues de ce type de milieu. Les scientifiques vont par exemple se servir d’un arbre de telle espèce et de telle taille. Ils vont ensuite faire un inventaire systématique de tous les insectes qui y vivent. Puis ils vont réitérer le processus quelques kilomètres plus loin sur le même type d’arbres. Ils vont ensuite comparer leur liste et déterminer les espèces communes à ces deux arbres, celles qui ne sont pas communes, celles qui sont décrites par la science et celles qui sont encore inconnues. Ils vont ensuite extrapoler au nombre d’arbres alentours.

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