57% du PIB de dépenses publiques : anatomie d'un record français construit sur une bulle des dépenses sociales depuis 40 ans<!-- --> | Atlantico.fr
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Les dépenses publiques atteignent 57% du PIB
Les dépenses publiques atteignent 57% du PIB
©wikipédia

Record tricolore

57% du PIB. La décomposition des chiffres permet d’identifier trois postes de dépenses principaux pouvant expliquer le phénomène : l’addition des prestations sociales, des transferts sociaux en nature et, pour une part plus résiduelle, de la rémunération des salariés.

Nicolas Goetzmann

Nicolas Goetzmann

 

Nicolas Goetzmann est journaliste économique senior chez Atlantico.

Il est l'auteur chez Atlantico Editions de l'ouvrage :

 

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1960 ; les 30 glorieuses, un taux de chômage inexistant, et la perception de lendemains économiques qui chantent. 1960, date à laquelle le niveau de dépenses publiques représentait encore 35% du PIB du pays. Comme nous pouvons le constater ci-dessous, la progression de la taille de l’État a été ininterrompue depuis lors, pour atteindre un nouveau seuil record en 2013, à 57% du PIB.

Cette progression, aussi large soit elle, ne nous apprend pas grand-chose sur la nature de cette évolution. Si le poids de l’état s’est accru de plus de 50% dans l’économie, il convient de s’interroger sur ses causes, c’est-à-dire sur les moteurs qui ont rendu possible cette prépondérance du secteur public.

La décomposition des chiffres permet d’identifier trois postes de dépenses principaux pouvant expliquer le phénomène. L’addition des prestations sociales, des transferts sociaux en nature et, pour une part plus résiduelle, de la rémunération des salariés, peut expliquer près de 90% de cette  progression. Les dépenses de prestations sociales et de transferts sociaux en nature représentant à eux seuls 70% de la hausse totale. En effet, ces deux postes ont progressé de 123% par rapport au PIB, comme nous pouvons l’observer dans le graphique ci-dessous :

Une progression si forte qu’elle est à l’origine d’un changement de nature de l’État. Alors que l’essentiel des dépenses reposait, à l’origine de la période considérée, sur l’infrastructure, la défense, l’éducation etc…, c’est-à-dire sur des missions régaliennes, le poids de prestations sociales et autres transferts sociaux en nature est passé d’un niveau proche de 10% en 1960 à un niveau total de 26% aujourd’hui, par rapport au PIB.

La similitude des trois graphiques précédents ne fait que refléter l’importance du phénomène. D’un état ayant une structure de dépenses "régalienne", la France est simplement devenue une gigantesque assurance sociale.  

Dans un second temps et à travers l’analyse des données à notre disposition sur les 25 dernières années, c’est-à-dire depuis 1989, nous pouvons constater que l’État a laissé de côté certains postes, pourtant essentiels. Il en ressort en effet une baisse importante du nombre personnes  travaillant sous l’intitulé "enseignement", relativement à l’accroissement de la population. Et ce, clairement depuis le début 2000. A l’inverse, le nombre de personnes embauchées dans les services de l’administration publique a lui progressé :

Le constat est clair. Bien que la progression des effectifs dépasse la progression de la population, ayant pour effet de faire surgir un nombre de fonctionnaires toujours plus important rapporté à la population du pays, toutes les administrations ne sont pas logées à la même enseigne. L’éducation pays ici un lourd tribut dans un contexte pourtant porteur.  De façon plus précise, il est à noter que le nombre d’enseignants du "public" a baissé de plus de 7% depuis l’an 2000, ou encore une baisse de 15% du ratio "enseignants du public par rapport à la population". Soit une baisse de 65 000 postes.

Un autre fait peut être constaté. La progression des effectifs de la fonction publique a été plus importante que la progression de la rémunération de ses agents. Ce qui signifie que ceux-ci sont de moins en moins payés. Cette situation peut être expliquée par la volonté d’engager un nombre toujours plus grand de personnes dans un objectif de baisse du chômage plutôt que dans l’objectif d’offrir au public les services dont il a besoin. La conséquence de telles politiques est la dévalorisation  des métiers considérés.

Dans un tout autre registre, le poids de la dette et notamment le poids des intérêts de la dette est régulièrement mis en cause dans ce processus global. Malgré une forte progression de ce poste de dépenses jusqu’à la fin des années 90, les données fournies par l’INSEE permettent de mettre en avant la baisse progressive du poids des intérêts de la dette dans le PIB depuis le début des années 2000. Et ce, malgré la très forte hausse de la dette elle-même. Ceci ayant été rendu possible par la baisse importante des taux d’intérêts au courant de cette période :

Ainsi, et malgré les demandes toujours plus importantes des électeurs sur les questions régaliennes de l’état, éducation, sécurité etc…nous pouvons constater que l’état se contente de répondre par la mise en place de politiques de redistribution toujours plus généreuses. Pourtant, le sentiment d’inégalités n’a jamais été vif qu’aujourd’hui. La raison en est simple, l’état ne fait que tenter d’atténuer des conséquences au lieu de s’attaquer aux causes économiques.

Car la hausse des prestations sociales n’est que la conséquence de trois raisons majeures. La première étant la très forte hausse du chômage. Inexistant dans les années 60, il concerne aujourd’hui 5 millions de personnes, et même plus de 10 millions si nous prenons en compte le nombre de foyers impactés. Le renoncement de l’état face au plein emploi s’est en fait traduit par la mise en place de politiques de soutien. Mais ces mesures de redistribution ont également eu pour effet d’atténuer le potentiel de croissance du pays. Le serpent se mord la queue. Alors que ces réformes visaient à lutter contre les effets du chômage, elles ont accentué le mal.   La seconde raison est le vieillissement de la population, qui a eu pour conséquence de voir progresser les dépenses de santé, mais également les dépenses de retraite. Mais ici encore, des ajustements sont possibles, il n’est pas inutile de rappeler que le système de retraite français est encore largement sujet à réformes, notamment sur la question de l’âge de départ à la retraite. Les troisième point, plus intuitif, ressort plus de la structure sociales du pays. L’importance de la famille, comme lieu de solidarité, s’est peu à peu délitée au fil des années. Ce manque a été compensé, en partie, par l’état.

L’analyse de ces données sur le long terme fait finalement ressortir un profond changement de nature des dépenses publiques. En devenant une assurance sociale, le secteur public a en réalité délaissé certains postes pourtant considérés comme essentiels par la population. Afin de briser ce cercle vicieux, il appartient aux pouvoirs publics de se recentrer là où ils sont attendus : éducation- sécurité – infrastructures etc... Pour y parvenir, l’objectif premier est de mettre en place une politique de plein emploi, ce qui permettra d’atténuer largement les besoins de protection. Offrir la possibilité à des millions de personnes de trouver un emploi, et de voir leurs revenus progresser est bien plus porteur que le simple versement de prestations sociales. Un tel revirement de la dépense publique permettrait, finalement, de revenir à l’essentiel.

Pour lire le Hors-Série Atlantico, c'est ici : "France, encéphalogramme plat : Chronique d'une débâcle économique et politique"

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