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5 raisons pour lesquelles la solitude ne ressemble pas à ce qu’on croit en France
©Reuters

Qui se sent le plus seul ?

Une étude dont les résultats ont été publiés par la BBC démontre que la jeunesse est la partie de la population la plus touchée par ce sentiment de solitude.

Pascal Neveu

Pascal Neveu

Pascal Neveu est directeur de l'Institut Français de la Psychanalyse Active (IFPA) et secrétaire général du Conseil Supérieur de la Psychanalyse Active (CSDPA). Il est responsable national de la cellule de soutien psychologique au sein de l’Œuvre des Pupilles Orphelins des Sapeurs-Pompiers de France (ODP).

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Une étude dont les résultats ont été publiés le 1er octobre 2018 par la BBC, the BBC Loneliness Experiment, montre que les adolescents et jeunes adultes sont la part de la population la plus concernée par le sentiment de solitude. C'est vrai aussi rétrospectivement, puisque, la plupart du temps, les sondés affirment que le moment où ils se sont sentis le plus seul étaient leur jeunesse. Comment expliquer ce sentiment de solitude chez des jeunes à la vie sociale supposée bien remplie ? 

Pascal Neveu : Cette étude internationale porte sur 55000 personnes à partir de questions établies par 3 universités anglaises.

Je pense qu'il faut rappeler ce qu'est l'adolescence... période éminemment "dépressive" où les jeunes subissent les transformations du corps et les premiers tourments affectifs (avec le lot de critiques et donc d'attaques narcissiques tant auto-personnelles, que les quolibets des camarades, tout autant l'idéal qu'ils voudraient atteindre...).

Cette période fort turbulente agite la question de la solitude.

Car en même temps se vit la mise à distance du modèle parental afin de se forger son propre modèle.

Aussi, sans minimiser les problèmes et la souffrance de la solitude, les jeunes sont sujets à ce questionnement.

Les réseaux sociaux et applications ne règlent pas le problème, loin de là, car entre les apparences et la honte de raconter la réalité se sa vie, les jeunes ne parlent pas de leur vie auprès de leur entourage. Et que penser des selfies, de se montrer « in », dans les lieux branchés, avec les ami(e)s… en pensant la surenchère.. en craignant le rejet, les rateaux…

Ainsi pas étonnant que chez les 16-24 ans, 40% déclarent souvent ou très souvent se sentir seuls. Car ils n’osent plus rien, se sentent incompris, évitent des soirées qui pourtant sont sans enjeu, où seul le plaisir et l’amusement devraient prévaloir.

Pour autant, le désir d’indépendance, les conflits liés aux différences d’opinion, et d’âges… expliquent, en partie un isolement, lié à cette tranche d’âge que nous avons toutes et tous connus.

La question de la solitude, en revanche, pose un sujet qui peut se révéler plus inquiétant : toutes les questions de la différence, de l’isolement, de la non-reconnaissance, du rejet, de l’indifférence, de la sexualité, du refus d’exprimer son mal-être, son mes-amour, son non-amour…

Selon la même enquête, 27% des plus de 75 ans disent se sentir souvent seul, alors qu'on attendrait un chiffre beaucoup plus important. Pourquoi cette idée reçue et pourquoi n'est-ce en réalité pas le cas ?

Pardonnez-moi mais même si je ne minimise aucunement les chiffres, les plus de 75 ans ne sont pas tous des dépressifs suicidaires (et je ne veux pas rappeler les moyennes d’âges qui rendraient cette étude non crédible…), et il faut justement nous tourner vers ce 1/3ère de femmes et d’hommes isolés.

Ensuite nous savons qu’une partie des sondé(e)s ne répondent pas à la réalité.

Lorsqu’on questionne les âges « matures »… ils ont acquis :

- une maturité de vie qui fait que nous ne pensons plus la vie liée à un autre et donc en ayant pensé un mieux vivre seul

- des activités pour soi, en lien avec l’autre, mais avec une moindre souffrance de la solitude

- surtout, une autre définition de la solitude : être seul(e) de manière vécue ou subie ?

La solitude est tant à la fois un sentiment, un ressenti, une souffrance singulière, incomparable… face à laquelle la question de la mort n’a plus de sens.

Mais penser sa vie à 75 ans ou 25 ans est tout autre…

A 25 ans, nous avons tout à créer et vivre.

A 75 ans, nous avons tout à vivre, en paix.

Les personnes qui affirment se sentir souvent seules ont-elles un comportement commun, comme une plus grande propension à l'empathie et ce sentiment entraîne-t-il des conséquences positives ou négatives sur leur santé ?

Toutes les études démontrent qu’une personne souffrant de solitude aura plus de prévalence à vivre des troubles physiologiques et psychiques que d’autres… avec des impacts psychosomatiques plus importants, une plus grande fréquentation des circuits médicaux et psychologiques.

Cela ne signifie aucunement que toute personne seule développe de telles souffrances.

Des études anglo-saxonnes démontrent par exemple que les risques de troubles cardio-vasculaires  AVC, sont multipliés par plus de 2 auprès de personnes isolées.

Nombre de psy y verraient une corrélation entre le cœur, l’affect, la solitude.

Car en même temps toutes les études démontrent l’impact du lien affectif dans le taux de guérison des cancers.

Il existe une certitude que j’entends en consultations : la perte de vitalité de mes patient(e)s seul(e)s se questionnant sur le sens de leur vie, ne souhaitant pas être un poids auprès de leur proche, mais restant dans un questionnement existentiel… « à quoi sert la vie quand on est seul et sans amour ? ».

Alors bien sûr l’empathie l’emporte… dans le désir de comprendre l’autre, mais aussi l’attente et non pas la quémande que leur solitude soit simplement « repérée ».

Les personnes qui se sentent seules sont-elles systématiquement moins sociables que les autres ?

En aucune manière.

Alors que ce jour Charles Aznavour est décédé et qu'il chantait lui-même "Me voilà seul", certes suite à une rupture, Gilbert Bécaud chantait « La solitude, ça n’existe pas ! »…

En fait ces deux complices n’appellent qu’à un éveil des consciences : regarder notre voisin, mieux observer cet ami qui n’est peut-être qu’un mal-connu et se rendre compte qu’il est plus seul que nous ne l’imaginions.

Tout est histoire d’ouvrir ses yeux, plutôt que penser à travers son regard.

Qu’importe l’âge… jeunes et moins jeunes ne souhaitent que rencontrer.

Le livrant de manière moins « caricaturable »… les « seul(e)s » sont indécelables…

Car ils ne le montrent pas, car souffrant du moindre jugement. Et ne souhaitent que des rencontres. Sans être en soif d’amour ou autre… Il me semble plus important de rappeler que toute rencontre est possible et donne lieu à ce que personne ne peut définir et ne doit juger.

A-t-on plus tendance à se sentir seul à une certaine période de l'année ?

Différentes études ont tenté d'analyser nos "humeurs" en fonction des périodes, surtout depuis que la dépression saisonnière a été décrite, mais également des études qui montrent que les couples se forment principalement à l'automne.

Mais la solitude n’a pas de période.

J’entends certes, principalement, en consultations, l’été et l’hiver…

- l’hiver avec 2 grandes tendances

. les fêtes de Noël… partagées un an sur deux, subies ou non subies…, avec ou sans invitation obligée… un sentir seul moins compliqué.

. et surtout le 31 décembre, plus festif… la grande fête des oublié(e)s… les seul(e)s comme ils se définissent. Un être seul subi.

- l’été :

. on invite par obligation : un subi seul.

. on n’ose pas s’imposer : un replié seul.

Sur ces points de fêtes… le plus important est de cesser de se mettre à la place de l’autre.

S’il y a invitation, c’est qu’il y a plaisir…

Et donc en profiter.

En conclusion… la vie est courte… il faut en profiter dans les respects mutuels et l’un des respects qui porte sur : je ne suis pas seul(e), je ne me sens pas seul(e) car

1)   Je suis invité(e)

2)   toute rencontre apporte

3)   quelle est la prochaine invitation que je crée ou à laquelle je réponds ?

En fait… quand Aznavour disait « J’avais tout contre moi ! » il finissait par chanter

« Me voilà  seul », Ginette Renaud le chantait également…

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