5 ans après, que reste-t-il du Grenelle de l'environnement ? <!-- --> | Atlantico.fr
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La conférence environnementale s'ouvre ce vendredi pour deux jours de débats autour de l'écologie.
La conférence environnementale s'ouvre ce vendredi pour deux jours de débats autour de l'écologie.
©Reuters

Du vert au noir

La conférence environnementale s'ouvre ce vendredi, cinq ans après la tenue du Grenelle de l'environnement. L'occasion de faire le bilan de ce dernier, dont les résultats sont bien en-dessous des espoirs placés en lui à l'époque.

Corinne Lepage

Corinne Lepage

Corinne Lepage est avocate, ancien maître de conférences et ancien professeur à Sciences Po (chaire de développement durable).

Ancienne ministre de l'Environnement, ancienne membre de Génération écologie, fondatrice et présidente du parti écologiste Cap21 depuis 1996, cofondatrice et ancienne vice-présidente du Mouvement démocrate jusqu'en mars 2010, elle est députée au Parlement européen de 2009 à 2014. En 2012, elle fonde l’association Essaim et l’année suivante, la coopérative politique du Rassemblement citoyen. En 2014, elle devient présidente du parti LRC - Cap21.

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Atlantico : Alors que la conférence environnementale s'ouvre ce vendredi, quel bilan peut-on faire du Grenelle de l'environnement 5 ans après ? Qu'est-ce qui a vraiment changé ?

Corinne Lepage : Le Grenelle de l’environnement a été un superbe espoir par la dynamique qu’il a porté. Malheureusement, il souffrait de deux maux  congénitaux qui ont fini par, si ce n’est l’anéantir, du moins en réduire considérablement la portée. D’une part, il a exclu le sujet nucléaire du débat alors même que la question énergétique est centrale. Ce faisant, il a rendu purement virtuelles les propositions concernant les énergies renouvelables et dans une moindre mesure l’efficacité énergétique, en laissant au lobby nucléaire toute la latitude pour rendre impossible l’atteinte des objectifs fixés. Ainsi, la prétention d’atteindre 23 % d’énergies renouvelables en 2020 est devenue une plaisanterie dans la mesure où nous sommes toujours à 13 % et dans l’espérance d’atteindre 17 % en 2026 tout va bien. Le second mal tient à ce que la majorité politique de l’époque n’a absolument pas accepté, à quelques exceptions près, la philosophie du Grenelle et la place donnée à la société civile et en particulier aux O.N.G. Ceci explique que si la loi Grenelle 1, qui restait au stade des objectifs, est intéressante, la loi Grenelle 2 qui passait au stade de l’application est en profonde régression. Et, quand on s’intéresse aux décrets d’application et à l’application des décrets, la situation est encore plus mauvaise.

Dans l'ensemble les lois Grenelle ont-elles été appliquées ? Quelles mesures restent à appliquer ?

Les lois Grenelle ont été pour une part une véritable « usine à gaz juridique » de près de 200 décrets dont il resterait globalement 10 % à sortir. Mais, contrairement à ce que semblent croire un certain nombre de personnes, ce n’est pas parce qu’un texte est voté qu’il est appliqué. Or, dans bien des domaines la réalité n’a en aucune manière progressée par rapport à la situation intérieure. Par exemple, en matière agricole, la situation des nitrates est toujours la même, le gouvernement actuel est revenu sur les engagements en matière de pesticides et l’agriculture bio a bien peu progressé. De même, en matière de rénovation des bâtiments, les moyens financiers ne sont en aucune manière au rendez-vous. Autre exemple, en matière énergétique, les appels d’offres et les réalisations sont très en deçà des objectifs fixés. Et plus grave encore, après "l’environnement ça suffit" du président Sarkozy, c’est l’esprit même qui avait animé le Grenelle et l’idée d’une économie verte capable de redonner l’activité économique et des emplois la France qui a disparu.

Le Grenelle de l'environnement aura-t-il néanmoins marqué en 2007 une rupture dans la manière d'aborder la décision politique en matière environnementale ?

Incontestablement, sur le plan de la procédure suivie et de la définition des cinq groupes d’acteurs, le Grenelle a marqué un changement. Le discours qu’avait prononcé le président Sarkozy en octobre 2007 est une anthologie de ce qu’il aurait fallu faire et de ce qui n’a pas été fait. Autrement dit, la déception qui a suivi le Grenelle a été à la hauteur des attentes qu’il avait suscité. Et, bien loin d’être une rupture, le Grenelle est devenu un  symbole des promesses non tenues.

Qu’en est-il aujourd'hui ? Les acquis du Grenelle sont-ils sur le point d'être remis en cause ? Est-ce lié à la crise ou au mode de gouvernance actuel ?

Un certain nombre des acquis du Grenelle 1 ont déjà été remis en cause dans le Grenelle 2 et dans l’application des décrets.   La procédure choisie pour la conférence environnementale est de nature très différente et n’implique en aucune manière l’ensemble de nos concitoyens comme avait pu le faire le Grenelle. En revanche, le débat national sur la transition énergétique, même s’il est profondément décevant, a permis ce que le Grenelle n’avait pas fait, de poser la question de la place du nucléaire et a permis même de manière très imparfaite d’ébaucher des scénarios comparatifs ce qui est absolument essentiel. Personnellement, je ne note pas aujourd’hui réellement de recul nouveau par rapport au Grenelle dans sa phase finale, car les reculs étaient intervenus en amont. Ainsi, que ce soit sur la fiscalité écologique, sur l’agriculture, sur la pollution de l’air, sur le renouvelable, les modifications, dont certaines vont plutôt effectivement dans le mauvais sens, sont tout à fait mineures.

Il est certes facile de mettre tout cela sur le dos de la crise, d’autant plus que la situation n’est guère plus brillante à l’échelle européenne. Mais, en réalité c’est une bataille titanesque qui est menée entre les progressistes et les conservateurs, ceux qui croient dans une économie verte du XXIe siècle et dans la troisième révolution industrielle et ceux qui veulent en rester à la société des mines et du pétrole avec les industries qui la soutienne.

Les associations du collectif Rassemblement pour la planète viennent de découvrir in extremis qu'elles ne figuraient pas dans la liste des organisations invitées à la deuxième conférence environnementale. Comment interprétez-vous ce signe ?

C’est évidemment un très mauvais coup porté, non seulement à la démocratie environnementale, mais de manière plus générale à la question essentielle qui est le rapport entre la santé et l’environnement. À mon sens, la question de la santé environnementale est tout aussi prioritaire que celle du changement climatique. Je ne peux donc que regretter que les lobbys aient « eu la peau » d’associations lanceurs d’alertes justifiées et reconnues.

Propos recueillis par Alexandre Devecchio

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