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Le président français, François Mitterrand, s'exprime lors de la première conférence de presse depuis sa réélection à l'Elysée, le 18 mai 1989.
Le président français, François Mitterrand, s'exprime lors de la première conférence de presse depuis sa réélection à l'Elysée, le 18 mai 1989.
©DANIEL JANIN / AFP

L'autre bilan du mitterrandisme

Si le FN des années 80 sous la houlette de Jean-Marie Le Pen était porteur de véritables relents de racisme et d'antisémitisme, la transformation mécanique du parti d'extrême-droite en épouvantail de la vie politique a fini par nous rendre aveugles et/ ou muets sur la réalité des fractures de la société française. Alors qu'on célèbre les 40 ans de l'élection de François Mitterrand, que nous indique le bilan de son alliance avec le PC ?

Edouard Husson

Edouard Husson

Universitaire, Edouard Husson a dirigé ESCP Europe Business School de 2012 à 2014 puis a été vice-président de l’Université Paris Sciences & Lettres (PSL). Il est actuellement professeur à l’Institut Franco-Allemand d’Etudes Européennes (à l’Université de Cergy-Pontoise). Spécialiste de l’histoire de l’Allemagne et de l’Europe, il travaille en particulier sur la modernisation politique des sociétés depuis la Révolution française. Il est l’auteur d’ouvrages et de nombreux articles sur l’histoire de l’Allemagne depuis la Révolution française, l’histoire des mondialisations, l’histoire de la monnaie, l’histoire du nazisme et des autres violences de masse au XXème siècle  ou l’histoire des relations internationales et des conflits contemporains. Il écrit en ce moment une biographie de Benjamin Disraëli. 

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Pour répondre à votre question, je serais plus nuancé sur le constat. Jean-Marie Le Pen a malheureusement eu des provocations scandaleuses et blessantes vis-à-vis de la communauté juive. Mais l'épisode de Carpentras, où le Front National a été faussement accusé d'être à l'origine de la profanation de tombes juives devrait nous avoir vacciné contre le discours antifasciste primaire qui fut celui des années Mitterrand. Le président de l'époque était un grand manipulateur. Cet homme, qui avait manifesté aux côtés de l'Action française, dans les années trente, pour dénoncer la "présence des métèques", qui resta l'ami de Bousquet toute sa vie, a poussé le cynisme politique jusqu'à prendre le pouvoir à la tête d'une coalition socialo-communiste et à organiser un théâtre de marionnettes qui dure jusqu'à aujourd'hui, à savoir l'installation d'un parti, d'une dynastie politique en grand méchant loup de la politique française. 
Il n'y a pas assez de temps pour s'interroger ici sur ce que révèle l'incapacité de la gauche de la seconde moitié du XXè siècle à parvenir au pouvoir en France autrement que par le truchement d'un renégat de la droite. Il a été de bon ton, à droite, de s'extasier sur le talent de François Mitterrand, capable de s'allier au communisme pour l'étouffer ensuite électoralement. Je crois que c'est une fausse perspective. Le communisme électoral était condamné à un déclin parce qu'au demi-siècle antilibéral qui avait commencé avec la Première Guerre mondiale avait succédé, à partir des années 1960, un demi-siècle individualiste, selon le mouvement de balancier propre à l'histoire européenne. En bon montreur de marionnettes, François Mitterrand n'a fait qu'accompagner le mouvement. En revanche, il a utilisé, afin de conserver le pouvoir à la gauche, la bonne vieille méthode "antifasciste" consistant à réunir les forces politiques contre "la bête immonde". 

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Pour moi qui suis historien du nazisme, la petite manoeuvre mitterrandienne a toujours été pitoyable et honteuse. D'abord parce qu'on peut reprocher, sans aucun doute, à Jean-Marie Le Pen des calembours absurdes et montrant un manque de compréhension de ce qui s'est passé durant la Seconde Guerre mondiale mais personne ne peut lui contester son profond patriotisme; et l'on n'est encore moins en droit de l'assimiler à des comportements totalitaires. Quand on a travaillé, comme chercheur, sérieusement, sur les fascistes et les nazis, on est partagé entre la stupéfaction et le dégoût lorsque l'on voit des assimilations abusives. Surtout de la part d'individus qui n'avaient aucun problème à s'associer au pouvoir avec les héritiers français de l'autre grand totalitarisme du XXè siècle. 
Surtout, ce faisant, François Mitterrand n'a pas seulement mené en bateau ses concitoyens. Il a organisé la capitulation sur tous les fronts politiques. L'ancien maréchaliste aura finalement laissé s'installer un grand renoncement français à l'abri de la comédie antifasciste. Sur l'immigration? au lieu d'inverser le regroupement familial mis en place par Giscard, Mitterrand l'a intensifié et il a fait 'accélérer le recrutement d'une main d'oeuvre bon marché, qui a permis de casser l'industrie française. On aurait pu imaginer une politique de gauche généreuse en matière d'immigration mais alors elle empêchait de faire l'euro, dont le taux de change était trop élevé pour pouvoir embaucher une main d'oeuvre étrangère peu qualifiée. L'éducation est d'ailleurs une autre grande capitulation des septennats Mitterrand. Le laxisme éducatif post-1968 pouvait être supporté par une société sans assimilation de jeunes étrangers à effectuer. Avec une immigration massive, on a produit un désastre, d'autant plus que toute référence à la France et au patriotisme ont été retirées des programmes d'histoire. L'état des banlieues, entre petite délinquance, conversion à l'islam et déclin éducatif est, quarante ans après, le résultat du laisser-faire mitterrandien. 
Nous voici arrivés à un moment où la mise en scène antifasciste ne fonctionne plus. Mais, par la faute de François Mitterrand - et de tous ceux qui l'ont soutenu, accompagné ou sont entrés dans son jeu - quatre décennies ont été perdues.      

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