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4,5% d'excédent budgétaire : la Grèce va mieux, mais voilà pourquoi elle est encore très loin d’aller bien
©LOUISA GOULIAMAKI / AFP

Austérité

Surprise ! La Grèce affiche un excédent budgétaire de 4,5% du PIB pour 2018 après des années de chaos économique.

Eric Dor

Eric Dor

Eric Dor est docteur en sciences économiques. Il est directeur des études économiques à l'IESEG School of Management qui a des campus à Paris et Lille. Ses travaux portent sur la macroéconomie monétaire et financière, ainsi que sur l'analyse conjoncturelle et l'économie internationale

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Atlantico : Après des années de chaos économique, la Grèce d'Alexis Tsipras affiche un excédent budgétaire record pour la zone euro, avec 4.5% de surplus pour l'année 2018. Comment la Grèce est parvenue à un tel résultat ? 

Eric Dor : Les autorités grecques ont en effet dégagé un surplus primaire de 4,4% du produit intérieur brut en 2018. Ce surplus primaire est la différence entre les recettes des administrations publiques et leurs dépenses hors charges d'intérêts sur la dette publique. 
La Grèce dépasse ainsi largement l'objectif qui lui a été assigné. Les créanciers de la Grèce, essentiellement les fonds européens FESF et MES contrôlés par les gouvernements de la zone euro, et le FMI, l'ont en effet contrainte à dégager un surplus primaire de 3,5% du PIB nominal de 2018 jusqu’en 2022 et ensuite de 2,2% en moyenne à partir de 2023 jusqu’en 2060.

Cette performance budgétaire résulte d'abord des mesures d'austérité drastiques que les créanciers de la Grèce lui ont ordonnées. Ces mesures impactent aussi bien les recettes, avec par exemple celles de TVA ou des taxes foncières, que les dépenses, comme les pensions de retraite qui ont été fortement réduites. De manière globale le gouvernement a fortement comprimé les dépenses publiques. Les investissements publics ont par exemple diminué de 29% en 2018, comparés à leur valeur déjà très déprimée de 2017. Depuis 2009, les investissements publics ont diminué de 58%. Evidemment, si cette politique de sous-investissement améliore les comptes publics à court terme, cela entraîne une dégradation des infrastructures, qui nuit à la croissance potentielle.

Quel est encore le chemin à parcourir pour que la Grèce puisse retrouver un niveau de prospérité équivalent à son pic de 2008 ? Cet objectif est-il réaliste à court terme ? 

La production de richesses du pays reste extrêmement déprimée. Le produit intérieur brut en termes réels était encore, en 2018, inférieur de 23,9% à son sommet de 2007. La consommation privée en termes réels en 2018 était encore inférieure de 25% à son sommet à la même époque. Le pouvoir d'achat des ménages reste en effet totalement dégradé. Le revenu disponible réel des ménages de 2018 est encore inférieur de 32% à son sommet de 2009. Comme la population a baissé à cause de l'émigration au cours de cette période, le revenu disponible réel des ménages par résident est, en 2018, inférieur de 29,5% à son sommet de 2009. 
Si la croissance du produit intérieur brut réel en 2008 a été de 1,9%, donc assez bonne, c'est une performance assez exceptionnelle due à la dynamique du marché global européen. La croissance décélère fortement maintenant en Europe. De toute manière la croissance potentielle à long terme est très réduite en Grèce à cause du sous-investissement privé et public, et de la perte de capital humain due au chômage massif de longue durée et à l'émigration des jeunes bien éduqués. Depuis le minimum atteint en 2013, la croissance annuelle moyenne du produit intérieur brut réel par résident jusqu'en 2018 s'est limitée à moins de 1,2%. A ce rythme il faut des dizaines d'années pour retrouver le  produit intérieur brut réel par résident d'avant la crise.

Si certains se félicitent de cette amélioration, ne peut-on pas regretter des choix qui ont entraîné la Grèce dans une forme de convalescence infinie ? Quels sont les dégâts structurels qui ont pu être provoqué par cette approche de gestion de la crise grecque ? 

L'erreur commise par la communication des autorités européennes est de mesurer les progrès de la Grèce à l'aune de ses possibilités de retourner emprunter sur les marchés financiers. Elles se félicitent que la Grèce ait pu emprunter récemment sur les marchés. Les exigences de grands surplus primaire ont pour objectif de réduire progressivement la dette publique en pourcentage du produit intérieur brut, et ainsi donner confiance aux investisseurs internationaux. Mais, d'une part, se focaliser sur le retour du pays sur les marchés ignore la vraie problématique qui est celle de la prospérité des citoyens, qui reste très dégradée. D'autre part, les politiques qui dopent le surplus primaire à court terme peuvent nuire à la solvabilité du pays à long terme.
Les politiques d'austérité excessive ont en effet fortement diminué la croissance potentielle en Grèce. Les dépenses d'investissement privé et public  se sont effondrées et sont encore, en 2018, inférieures de 58% à leur sommet de 2009. Le capital physique s'est donc fortement dégradé. Le capital humain s'est également fortement déprécié, et a été aggravé par l'émigration massive. Le taux de croissance potentiel est donc inférieur aux perspectives formulées par les autorités européennes, comme l'indique de FMI. Celui-ci indique également que l'effort de surplus budgétaire demandé à la Grèce est irréaliste sur une aussi longue période.
Si le taux de chômage a diminué en Grèce, à 18,5% après avoir été à 27,7% au sommet de la crise, c'est marginalement dû à une légère augmentation de l'emploi, mais fortement causé par une diminution de la population active. Le manque d'opportunités d'emploi a provoqué une forte émigration, surtout des jeunes éduqués. La population active jeune a diminué de 30% depuis le début de la crise. Même comme cela, le taux de chômage des jeunes dépasse encore 39% en Grèce.

Depuis le sommet de 2009 jusqu'avant la reprise, l'emploi a diminué de 18% en Grèce, et même de 23% en heures travaillées car le temps partiel a augmenté pour les jobs qui restaient. Depuis le début de la reprise, l'augmentation annuelle moyenne de l'emploi a été limitée à 1.4%, et même à 1,2% en heures travaillées.

La spécialisation productive de la Grèce reste également inadaptée pour permettre un fort rebond de la croissance à long terme. les programmes d'ajustement auraient dû privilégier la reconversion des structures productives. Les perspectives restent donc déprimées et c'est facile de comprendre pourquoi.

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