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Vers un 3e tour social ? Seuls 18% des Français affirment qu’ils appuieront a priori les réformes déployées par le gagnant de la présidentielle, qu'il s'agisse d'Emmanuel Macron ou de Marine Le Pen
©JOEL SAGET

Complications à venir

Dans ce sondage exclusif Harris Interactive pour Atlantico et RMC, 28% des Français envisageant de voter Emmanuel Macron au 2d tour appuieront ses réformes contre 43% dans le cas de Marine Le Pen et de ses électeurs.

Jean-Daniel Lévy

Jean-Daniel Lévy

Jean-Daniel Lévy est directeur du département politique & opinion d'Harris Interactive.

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Atlantico : Quels sont les principaux enseignements que l'on peut tirer de ce sondage ? 

Jean-Daniel Lévy Près de deux tiers des Français se déclarent favorables à l’entrée de l’Etat au capital d’entreprises en difficulté comme Whirlpool. Cette opinion est partagée à la fois par ceux qui expriment une intention de vote en faveur d’Emmanuel Macron au second tour (61% à y être favorables), comme par ceux qui choisissent Marine Le Pen (68%).

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Quelle que soit l’issue du second tour, les Français attendent du nouveau Président(e) qu’il préserve le dialogue social en consultant les organisations syndicales avant toute chose, au risque que les réformes prennent plus de temps à être déployées (63% souhaitent une consultation préalable, 37% pourraient la sacrifier pour accélérer le rythme des réformes). Sur ce sujet, les électeurs d’Emmanuel Macron souhaitent majoritairement qu’il consulte les syndicats s’il est élu (65%). A l’inverse, les électeurs de Marine Le Pen se montrent partagés, et une courte majorité souhaite un déploiement rapide des réformes en cas de victoire de leur candidate (56%), quitte à ne pas consulter les organisations syndicales.

Enfin, l’un et l’autre des candidats ne disposent que d’une faible base de soutien unanime et inconditionné envers leurs réformes : 18% des Français affirment qu’ils appuieront, a priori, les réformes déployées par l’un ou l’autre des candidats. Les électeurs d’Emmanuel Macron se montrent mesurés quant au soutien apporté à leur candidat : 2 de ses électeurs sur 3 affirment qu’ils n’appuieront ses réformes, si c’est le cas, qu’après les avoir étudiées au cas par cas. Les électeurs de Marine Le Pen, en cas de victoire de leur candidate, sont seulement 43% à soutenir ses réformes sans condition. Notons que Marine Le Pen suscite un peu plus de défiance, 28% des Français affirmant, aujourd’hui, qu’ils s’opposeront à chacune de ses réformes, et 72% affirmant pouvoir les appuyer, de façon systématique ou ponctuelle.

Que nous apprend vraiment ce sondage sur la capacité qu'aura le prochain gouvernement à engager des réformes ? Qui sont les Français qui y croient vraiment ? Un 3e tour social est-il en vue ? 

Ce qui est absolument certain, c’est que le prochain président de la République, quel qu’il soit, ne pourra pas considérer qu’il bénéficie d’une forme de blanc-seing de la part de la population, qui manifeste une véritable interrogation. A ce titre, le vote à l’égard d’Emmanuel Macron est un vote qui mêle sa personnalité et une partie de son projet ; toutefois, les électeurs disent qu’ils souhaitent qu’il puisse y avoir, à l’issue du vote, une concertation. Ceci n’est pas nouveau car auparavant, alors que les conditions du vote étaient différentes, le vote à l’égard de François Hollande montrait bien qu’il y avait une volonté déjà de concertation avec les organisations syndicales. Lorsqu’avait été mis en place l’ANI (Accord sur la compétitivité et la sécurisation de l’emploi), les électeurs avaient considéré cette réforme, si ce n’est comme appréciable, du moins pas aussi critiquable qu’une autre réforme menée par la suite, la loi Travail. Cette dernière n’est pas passée justement par ce temps d’échange avec les organisations syndicales.

Le sondage met en lumière la perplexité des Français quant à la capacité du prochain gouvernement à pouvoir engager des réformes. De plus, ils ne souhaitent pas être face à un président de la République qui mène des réformes tambour battant sans prendre le temps de la concertation. Même au sein de l’électorat du 1er tour d’Emmanuel Macron, il n’y a pas une adhésion complète à son projet ; ses électeurs indiquent, globalement, qu’il est nécessaire qu’il prenne le temps de la concertation syndicale, quitte à ce que la mise en œuvre des réformes prenne plus de temps.

Que signifie pour Emmanuel Macron la réponse sur l'adhésion de son électorat à l'entrée de l'Etat au capital des entreprises en difficulté ? 

Cela signifie qu’il y a une véritable demande de puissance publique, ce qui semble paradoxal au regard du projet du candidat d’ "En Marche !". Face à des entreprises en difficultés, quand on considère qu’il s’agit d’enjeux stratégiques, les Français pensent que l’Etat doit être un acteur de premier plan. Cet acteur-là doit éventuellement contrer ce qui apparaît comme l’un des points négatifs de la construction européenne, c’est-à-dire la mise en concurrence entre des travailleurs en fonction de la norme sociale, et non pas en fonction de leur productivité ou de leurs capacités à pouvoir bien faire.

Pour l’instant, les choses sont encore plutôt floues concernant la méthode que souhaite employer Emmanuel Macron. Ce qui est certain, c’est qu’il a dit qu’il souhaitait accorder un rôle aux organisations syndicales dans la mise en œuvre de ses réformes. L’articulation exacte du rôle des syndicats pourrait peut-être permettre à Emmanuel Macron de construire cette modalité d’intervention. Les Français disent oui à une inscription plus forte de l’Etat dans le cas de Whirpool ; mais peut-être que si cela venait à se généraliser à un nombre important d’entreprises, il n’est pas inenvisageable que les Français changent d’avis dans la mesure où cela pourrait avoir une incidence sur leurs impôts.

Emmanuel Macron apparaît comme un président social-libéral mais y-a-t-il, paradoxalement, une adhésion à cette ligne économique et sociale chez les électeurs ?

Les Français ne sont pas devenus libéraux du jour au lendemain ; ils sont restés sur une position où l’Etat et la solidarité doivent jouer, avec la nécessité pour la puissance publique de jouer un rôle important. La possibilité de pouvoir agir est plutôt bien appréciée ; à l’inverse, tout ce qui donne l’impression que l’on dérégule à tout va l’est moins. Emmanuel Macron indique à son électorat qu’il est prêt à mettre en œuvre une action capable de redynamiser l’industrie française, bien que cela appelle à des formes de protection qui ne sont pas tellement bien incarnées par le candidat d’ "En Marche !". 

Peut-on dire qu'Emmanuel Macron a été choisi par les Français parce qu'il était différent des politiques traditionnels, mais sans qu'ils aient réfléchi à la nature de cette différence ? 

Ils y ont réfléchi, on ne peut pas leur faire ce procès-là. Par contre, ce que l’on peut dire, c’est que les Français ont choisi un responsable politique qui faisait bouger les lignes, et pas forcément un responsable politique avec lequel ils étaient tout à fait d’accord avec le projet. Tout l’enjeu pour Emmanuel Macron réside dans le fait de donner envie aux Français d’adhérer, non pas à sa seule personne, mais au projet qu’il porte à proprement parler. Il a pu montrer qu’il est possible de réussir, de faire quelque chose à l’instar de sa loi sur les bus. Mais l’opinion a tout de même besoin d’être davantage convaincue quant à son projet pour la France. 

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