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30km/h partout dans Paris, bénéfices (quasi) nuls : une pure mesure démagogique ?
©LUDOVIC MARIN / AFP

Populiste

Anne Hidalgo a annoncé souhaite limiter la vitesse à 30 km/h partout dans Paris. Une mesure peu adaptée pour les grands axes : elle entrainera plus de nuisances sonores, d'embouteillages et de pollution.

Pierre Chasseray

Pierre Chasseray

Pierre Chasseray est délégué Général de l'association 40 Millions d'automobilistes.

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Aurélien Véron

Aurélien Véron

Aurélien Véron est président du Parti Libéral Démocrate et auteur du livre Le grand contournement. Il plaide pour passer de l'Etat providence, qu'il juge ruineux et infantilisant, à une société de confiance bâtie sur l'autonomie des citoyens et la liberté. Un projet qui pourrait se concrétiser par un Etat moins dispendieux et recentré sur ses missions régaliennes ; une "flat tax", et l'ouverture des assurances sociales à la concurrence ; le recours systématique aux référendums ; une autonomie totale des écoles ; l'instauration d'un marché encadré du cannabis.

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Atlantico : Anne Hidalgo a annoncé en juin et confirmé en octobre vouloir limiter la vitesse à 30 km/h dans Paris. Elle justifie cette mesure notamment par la nécessité de lutter contre la pollution. Ses arguments sont-ils recevables selon vous ?

Aurélien Véron : La vitesse est déjà limitée dans la moitié des rues de Paris. Ce sont en général de petites rues rendues plus sûres pour les cyclistes et les piétons. Cette mesure n’est en revanche pas adaptée aux grands axes. L’abaissement de la vitesse moyenne augmente les émission polluantes. L’agence pour la transition écologique (ADEME) a déjà mesuré que nombre de motorisations émettent davantage de CO2 et d’oxyde d’azote autour de 30 km/h qu’à 45-50 km/h, sans parler du niveau sonore inversement proportionnel à la vitesse. C’est d’ailleurs ce qui explique le niveau persistant de pollution sur les axes embouteillés malgré la réduction drastique du nombre de voitures depuis 10 ans. La fluidité à vitesse supérieure à 40km/h engendrerait moins de nuisances sur des axes ne présentant pas de danger pour autrui.

Anne Hidalgo a axé sa campagne sur une communication faisant des automobilistes des ennemis de Paris. En sacrifiant l’électorat favorable au maintien de la voiture (moins d’un tiers des ménages possède une voiture) à côté des vélos, elle a réveillé les ardeurs d’un jeune public attiré par l’utopie d’un monde sans voitures. Tant pis pour les seniors, les personnes handicapées ou à mobilité réduite, les Franciliens qui n’ont pas le choix. Tant pis pour les commerces et restaurants qui perdent progressivement leur clientèle de banlieue ou de plus loin. Stigmatisés, de moins en moins de provinciaux monteront à la capitale se faire plaisir lors des vacances scolaires.

Pierre Chasseray : Non. Voilà quelque chose qui n’apporte pas grand-chose en terme d’évolution profonde. Ce sont des mesures qui sont populistes au sens radical, qui cherchent à séduire l’électorat de sa ville qui ne possède pas le permis de conduire. Il faut se mettre à la place de celui qui va se retrouver flashé à 33 kilomètre/heure. Il y a de fortes probabilités qu’il soit très en colère et il aura raison de l’être. Est-on un danger public quand on est pris à 33 km/h ? Non, bien entendu. Donc à quoi bon. Et l’aspect écologique ça ne marche pas, puisqu’à 30 km/h les émissions polluantes sont supérieures à celle à 50 km/h. Mais ce qu’il faut comprendre c’est que ce n’est pas comme ça qu’on roule en ville. Limiter à 30, ça ne veut pas dire qu’on demande au gens de rouler à 30, mais en dessous de 30. Car si vous roulez à 30 et que vous dépassez les 33, vous allez vous faire flasher. Donc ça n’a aucun sens.

Quel va être l'impact sur la circulation dans Paris d'une telle limitation ?  

Pierre Chasseray : L’impact va être mineur. Paris est déjà une ville qui est très, trop fortement embouteillée. Ça ne va pas changer grand-chose. L’idée ce n’est pas ça. Encore une fois, c’est une mesure anti-voiture, donc on alimente les discours écologistes les plus radicaux.

Aurélien Véron : Nombre d’automobilistes aimeraient bien pouvoir rouler à 30 km/h la journée. Quant aux heures creuses, lorsqu’avenues et boulevards sont vides, ces mêmes automobilistes devront se trainer au pas et se faire doubler par les trottinettes électriques. Cette décision s’ajoute à toutes les autres mesures visant le même objectif : décourager tous les automobilistes, qui conduisent par nécessité. Le centre de Paris se ferme progressivement à la voiture, reportant des embouteillages monstres sur les petites rues voisines. Les places de stationnement disparaissent par dizaines de milliers sans outil d’optimisation du stationnement pour limiter le temps perdu à tourner pour trouver une place dans une rue ou un parking. Les rues changent de sens au point de rendre la circulation insupportable aux riverains eux-mêmes.

La meilleure lutte contre le bruit et la pollution, c’est au contraire un trafic fluide. Pourquoi la mairie ne réfléchit-elle pas à une gestion pilotée et synchronisée des feux de circulation permettant de réduire les nœuds embouteillés et de favoriser des vitesses constantes régulées sur les grands axes ? Un tel dispositif permettrait aussi de faire passer en priorité urgences et bus à l’instar des trams sur les Maréchaux. Des limitations variables de vitesse autoriseraient même des limitations de vitesse en fonction des heures et des besoins : sorties d’écoles, marchés de rue, etc. Le recours aux capteurs et aux outils d’intelligence artificielle apporterait une flexibilité appropriée afin d’optimiser l’usage des voies de circulation en toute sécurité. Nous en sommes hélas loin.

La mairie de Paris va désormais proposer une consultation sur le sujet aux parisiens ? Est-ce selon vous une bonne solution pour faire accepter cette mesure ?

Aurélien Véron : Cette prétendue consultation promet de fragiliser un peu plus la démocratie parisienne. Pourquoi entamer une telle procédure quelques jours après un conseil de Paris, sinon pour contourner les maires d’arrondissement et les élus parisiens ? Sous couvert de concertation, la Mairie de Paris s’affranchit des rouages démocratiques pour passer en force. Car personne ne doute que la conclusion est déjà écrite.

A défaut de s’adresser aux élus conformément aux principes d’une démocratie représentative, elle aurait pu confier cette consultation à un organisme indépendant et laisser un temps long au débat. Cela aurait permis aux Parisiens et à leurs représentants d’étudier la proposition et d’exposer leurs arguments. Elle a préféré une procédure obscure et courte en se passant des éléments d’une réflexion approfondie. Elle continue à vouloir surfer sur cette approche populiste en plein covid 19, oubliant que sa majorité a été élue avec une minorité de suffrages et, surtout, dans un contexte d’abstention massive : près de deux tiers des Parisiens ne sont pas allés voter en juin. Quelques mois après sa mince victoire, Paris gronde déjà. Les élus d’opposition ne disposent hélas d’aucun argument pour calmer cette grogne qui prend chaque jour de l’ampleur.

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