20% de consommation de gaz en moins sans impact majeur sur l’industrie : que se passe-t-il vraiment en Europe (et en France en particulier…) ?<!-- --> | Atlantico.fr
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Une employée assemble un rotor, un composant d'un moteur électrique de la marque Volkswagen, dans une usine de Salzgitter, en Allemagne, en mai 2022.
Une employée assemble un rotor, un composant d'un moteur électrique de la marque Volkswagen, dans une usine de Salzgitter, en Allemagne, en mai 2022.
©John MACDOUGALL / AFP

Crise énergétique

En France, la consommation de gaz a baissé d’environ 20% mais la production industrielle a légèrement augmenté entre 2021 et 2022. Ces résultats sont-ils le signe d’une résilience de l’industrie et d’une capacité d'adaptation ?

Damien Ernst

Damien Ernst

Damien Ernst est professeur titulaire à l'Université de Liège et à Télécom Paris. Il dirige des recherches dédiées aux réseaux électriques intelligents. Il intervient régulièrement dans les médias sur les sujets liés à l'énergie.

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Atlantico : Entre fin 2021 et fin 2022 en Europe, la consommation de gaz a baissé de plus de 20 % en moyenne sans impact perceptible sur la production industrielle, selon les données d’Oxford Economics publiées par Eurostat. Comment expliquer ce constat ?

Damien Ernst : Différents facteurs entrent en compte. Premièrement, la reprise de la consommation due au Covid a augmenté la production industrielle, dans tous les secteurs. C’est valable pour toutes les entreprises. Les prix des composants vendus par les entreprises ont également augmenté, ce qui permet d’expliquer les chiffres étonnamment hauts de la production. De plus, on constate un important phénomène de switching du gaz naturel vers d'autres gaz comme le propane ou le butane, qui sont indexés sur le pétrole et non sur le gaz naturel. 

En France, la consommation de gaz a baissé d’environ 20%, mais la production industrielle a légèrement augmenté. Comment expliquer cette bonne performance de l’industrie française ?

La France n’échappe pas à la règle, les facteurs explicatifs sont exactement les mêmes que pour le reste de l’Europe. C’est d’ailleurs frappant dans l’industrie automobile. Les prix ont terriblement augmenté, contrairement à la demande. Les temps d’attente pour fabriquer un véhicule sont parfois de 6 mois à 1 an, avec des chaînes de production qui tournent à fond.  

Ces résultats sont-ils le signe d’une résilience de l’industrie européenne et d’une capacité d'adaptation ? 

Non, il ne faut pas confondre l’effet à court terme et à moyen/long terme. C’est à moyen/long terme que les effets seront délétères pour l’Europe. Cela signifie qu’un industriel n’investira plus dans de nouvelles capacités industrielles en Europe, face à un trop grand risque dû au coût élevé de l’énergie. Notons qu’aux États-Unis, le MWh de gaz coûte 10 euros, contre 50 sur le Vieux Continent. Ce prix européen semble être le prix d’équilibre du marché, il ne devrait plus fluctuer avant un certain temps. C’est donc une très mauvaise nouvelle pour les nouveaux investissements en Europe.  

Ce maintien de l’activité industrielle observé pour le moment est donc en trompe-l'oeil et cache une situation intenable à moyen ou long terme ? 

Exactement. Encore une fois, c’est notamment dû au boost post-Covid. Il est également en trompe-l’oeil car il est mesuré en fonction de l’argent généré et pas nécessairement en fonction de la production. Enfin, on ne voit pas encore l’effet des non-investissements qui vont avoir lieu. Cette crise va se manifester à travers un effet retard, et ses conséquences seront donc visibles à plus long terme. En somme, il va y avoir un effondrement du tissu industriel européen dû à une énergie chère, même si ces effets se mesureront sur une échelle relativement longue. 

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