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2020, année américaine
©Reuters

Prévisions 2020

A l'occasion de la fin de l'année 2019, Atlantico a demandé à ses contributeurs les plus fidèles de s'interroger sur l'année à venir. A quoi pourrait bien ressembler 2020 ? Cyrille Bret dresse ici le portrait d'une année américaine.

Cyrille Bret

Cyrille Bret

Cyrille Bret enseigne à Sciences Po Paris.

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Sur la scène internationale, 2020 sera dominée par l’élection présidentielle américaine. En cas de réélection, le président Trump poursuivra-t-il sa «  diplomatie du Twitt » hétérodoxe disruptive ? Ou bien l’action extérieure des Etats-Unis reviendra-t-elle à un cours plus classicisme ? Par exemple à la faveur d’un deuxième mandat Trump plus apaisé car non soumis à la perspective d’une réélection? Ou grâce à un changement de président?

Scrutin national, impact planétaire

Le 3 novembre 2020, les électeurs américains se rendront aux urnes pour élire leur président. Comme à l’accoutumée, une longue campagne aura scandé l’année politique américaine. Comme d’ordinaire, les enjeux locaux, nationaux et économiques auront éclipsé, pendant de longs mois, les questions internationales. Dans le camp républicain comme dans la campagne des primaires démocrates. Comme d’habitude, les déclarations de politique étrangère attendront la fin de la campagne. Si elles sortent du vague, c’est qu’elles auront surtout une portée domestique, pour vilipender la présidence Trump ou au contraire pour en faire la louange.

Pourtant, le prochain mandat présidentiel américain fera face à plusieurs dossiers essentiels pour la sécurité mondiale et pour la croissance économique globale. Le repli sur soi coutumier des grandes campagnes électorales ne devra pas éclipser les tensions aujourd’hui visibles sur les grands dossiers internationaux : la Russie et l’OTAN, la Chine et le commerce international, la Corée du Nord, l’Iran et la prolifération nucléaire.

Impeachment et Ukrainegate : le style Trump en question

Le premier défi international de la campagne américaine sera intimement lié à la procédure de destitution ou impeachment dont fait l’objet le président américain. En effet, c’est l’affaire ukrainienne qui est au centre de l’acte d’accusation pour abus de pouvoir contre Donald Trump. Celui-ci est accusé d’avoir demandé au président ukrainien Zelenski le déclenchement d’une enquête sur son rival, l’ancien vice-président des Etats-Unis, Joe Biden, en échange d’une aide financière de la part du Trésor américain et d’une invitation à la Maison Blanche.

Ce qui se trouve mis en accusation ici, c’est une certaine façon de conduire la politique extérieure des Etats-Unis. Les marchandages de businessman, les bluffs outranciers, la priorité donnée au rapport de force sur le respect du droit national et international, le mélange entre politique partisane interne et intérêts américains à l’étranger, etc. Tout ces fisignes distinctifs de la diplomatie trumpienne seront placés au centre de la vie politique américaine durant les mois qui viennent. Assez pour écorner un peu le nombrilisme de la campagne électorale de 2020. Et donner aux rivaux de Donald Trump, Joe Biden et Elisabeth Warren en tête, une ligne diplomatique claire : le retour à la normale.

Vladimir Poutine et le G7 de Camp David

Comme en 2016, la « question russe » sera minutieusement scrutée durant la campagne électorale. On s’en souvient, les soupçons de collusion entre Donald Trump et la Russie avaient empoisonné les premiers mois du mandat présidentiel. Tout comme l’ingérence de hackers russes avait envenimé la campagne électorale de Hillary Clinton.

Aujourd’hui encore, toute la question est de savoir quelle sera la politique russe de Donald Trump. Il est soutenu par un Parti Républicain hostile à la Russie et très attaché à l’idée de Nouvelle Guerre Froide. La nouvelle place de la Russie au Moyen-Orient, la fin du traité sur les Forces Nucléaires Intermédiaires (FNI), ou encore le soutien russe à Nicolas Maduro dans l’arrière-cour américaine, tout cela rend difficile un dégel entre Moscou et Washington.

Pourtant, dans la perspective du G7 organisé par les Etats-Unis à Camp David en juin 2020, Donald Trump a annoncé vouloir inviter le président russe. Celui-ci n’a-t-il pas récemment pris la défense du président américain  lors de sa conférence de presse annuelle?

Si la position du président sortant sur la Russie risque d’être ambivalente, le bilan de « l’affaire russe » crée une occasion évidente pour les challengers démocrates : défendre une ligne dure envers la Russie leur permettrait tout à la fois de rallier des Républicains classiques lassés par le style Trump, de mobiliser des militants des droits de l’homme inquiets des ingérences russes et hostiles au régime poutinien ainsi que de rassurer les alliées traditionnels des Etats-Unis au sein de l’OTAN.

La question chinoise et  America First!

Face à la Chine, Donald Trump a débuté son mandat par un bras de fer. Au nom de la priorité donnée à l’économie américaine (America First!), il a sensiblement relevé les droits de douane sur de nombreuses marchandises en provenance de Chine. Espérant stimuler les productions nationales grâce au protectionnisme, il a mis à mal non seulement la relation bilatérale avec la Chine mais également tout l’édifice de la mondialisation : le démantèlement des barrières douanières tarifaires et non-tarifaires, la renonciation à l’unilatéralisme en matière de sanctions commerciales et l’intégration progressive de l’économie émergée chinoise dans les institutions commerciales multilatérales. 

Ce qui sera en jeu, lors de la campagne présidentielle américaine, c’est l’avenir du multilatéralisme économique, politique et militaire. Les politiques protectionnistes sont éminemment contagieuses. Elles appellent des mesures de rétorsions pour répondre aux sanctions. Et elles suscitent des imitations très larges. Ainsi, la menace du protectionnisme s’est invitée dans les relations transatlantiques. Pour d’autres raisons, elle matérialisée dans le commerce Japon-Corée.

Pour les rivaux de Donald Trump (comme pour ses conseillers s’il est réélu), toute la question est de savoir si une autre politique étrangère est possible face à la Chine? Le soutien symbolique à la contestation à Hongkong et la protection de Taïwan, en campagne électorale également en 2020, seront des défis pour Pékin. Mais la croissance américaine - solide aujourd’hui - pourra-t-elle durablement résister à un état de tension extrême avec la Chine ?

Là sera la question centrale du prochain mandat américain : comment résister à la Chine dans déstabiliser encore davantage le libre-échange dont bénéficient les Etats-Unis?

Le Moyen-Orient, entre oubli et obsession

Comme tout président américain depuis plus d’un siècle, le locataire de la Maison Blanche devra, une nouvelle fois, réinventer sa politique régionale au Moyen-Orient. Le président sortant a combiné le désintérêt et la crispation.

En soutenant Israël bien sur Jérusalem et les colonies bien au-delà de la ligne habituelle américaine et en laissant planer la menace d’une intervention armée contre l’Iran, le président sortant s’est donné le statut d’un Faucon capable de défendre les alliés historiques des Etats-Unis et de pourfendre ses ennemis traditionnels. Mais il ne s’agit là que d’un activisme de façade : la réalité de la politique américaine dans la région est au désengagement, en Irak et en Syrie, en Turquie et en Arabie Saoudite. Les puissances régionales ont abondamment mis à profit le retrait américaine, à commencer par la Russie qui, en cinq ans à peine a rebâti son influence dans la zone.

Toute la question est aujourd’hui de savoir si les Etats-Unis veulent et peuvent reprendre l’initiative. Pour trouver une issue aux crises chaudes : question kurde au nord de la Syrie et en Irak, guerre en Syrie, prolifération des missiles en Iran, intervention saoudienne au Yémen… Mais également pour reprendre leurs responsabilités dans les crises plus « froides » : conflit israélo-palestinien aujourd’hui négligé, dérive autoritaire de l’allié turc désormais presque entérinée, etc.

L’occasion est évidente pour les compétiteurs du président américain : réinvestir le Moyen-Orient sans céder à la politique du coup de menton, voilà une ligne que peuvent comprendre des Etats-Unis épuisés par la Guerre Globale contre le Terrorisme.

Sur tous ces dossiers comme sur bien d’autres, 2020 sera une année américaine.

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