2015, la valse des chaînes d’info : être bien informé passe-t-il vraiment par avoir plus de canaux ?<!-- --> | Atlantico.fr
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Le Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA) a décidé le 17 décembre 2015 que la chaîne LCI serait accessible gratuitement dès le début du mois de janvier.
Le Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA) a décidé le 17 décembre 2015 que la chaîne LCI serait accessible gratuitement dès le début du mois de janvier.
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Médiasphère

La décision du Conseil supérieur de l’audiovisuel est tombée le 17 décembre 2015 : les Français pourront regarder LCI gratuitement dès le début du mois de janvier. La nouvelle, forme de remake audiovisuel de « Sauvé par le gong », a été accueillie avec une joie bien compréhensible par les salariés de la pionnière des chaînes d’information françaises qui se savait condamnée. Les contrats avec les distributeurs qui rémunéraient (CanalSat, Orange, Bouygues telecom, SFR…) la chaîne arrivaient à échéance au 31 décembre 2015. Mais ce doublement des chaînes d’info pose pourtant une question simple : pour quoi faire ? Sommes-nous sous-informés ? Cette avalanche correspond-elle à un vrai besoin en 2016 ?

Marc Baudriller

Marc Baudriller

Chef de rubrique médias à Challenges et chroniqueur à Radio classique.

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Qui peut se plaindre d’avoir à disposition une nouvelle chaine d’information, aux côtés de BFM TV et de iTélé, financée par le groupe TF1 et son actionnaire Bouygues, lequel prend à son compte la totalité du risque financier ? Et qui se plaindra de voir arriver quelques mois avant l’élection présidentielle de 2017 une quatrième chaîne d’information, publique celle-ci, sinon quelques mauvais esprits soucieux de l’utilisation de la redevance audiovisuelle ? On oubliera au passage que les chaines publiques Public Sénat, LCP AN, France 24, etc. bataillent aussi sur le vaste terrain de l’information.

Ce doublement des chaînes d’info mises à la disposition des Français pose pourtant une question simple : pour quoi faire ? Sommes-nous sous-informés ? Cette avalanche correspond-elle à un vrai besoin en 2016 ? Au-delà du confort intellectuel de l’existence d’un choix, la réponse est évidemment négative. Car en 2016, avec quatre chaines d’information, comme en 2015 avec deux seulement, l’information est une facilité, un bien si courant et si accessible qu’il a perdu beaucoup de sa valeur. La multiplication de chaines d’information gratuites ne va pas freiner cette tendance. Au sortir de la guerre, qui ne puisait pas dans son porte-monnaie pour acheter un journal ignorait totalement le fracas du monde et pouvait passer à côté des accords de Yalta. C’est impossible à l’homme contemporain surinformé jusqu’à la noyade. Il écoute gratuitement la radio dès le réveil, saisit un quotidien gratuit en se rendant au bureau, suit l’actualité en continu sur Internet tout au long de la journée, se plante devant les JT de TF1, France 2, France 3 ou devant les chaines d’information BFM TV ou iTélé le soir et recommence le lendemain. Et tant pis si cette avalanche d’information laisse notre Français sur sa faim : il se dit mal informé et le répète chaque année au fil des sondages sur la crédibilité des médias... Ce sentiment changera-t-il face à quatre chaines ? L’information gratuite a tué l’avenir payant de LCI, elle handicape aussi son avenir gratuit. Le défi est de taille et la question demeure.

De l’information, pour quoi faire ? Le CSA répond qu’il n’a pas voulu laisser mourir LCI. L’argument est aussi juridique, il s’appuie sur les décisions et les analyses du Conseil d’Etat. Mais la concurrente BFM TV et le groupe M6 le disent désormais ouvertement : ils voient la main de l’Elysée derrière l’arrivée gratuite de LCI dans les foyers et plus encore dans ce projet de chaine d’information publique. Bête noire du pouvoir, BFM TV avait une concurrente qui n’a jamais réussi à atteindre la rentabilité, iTélé. Elle en aura bientôt trois. De quoi atténuer l’impact de la chaîne d’info leader sur le grand public ? Encore faut-il que les trois concurrentes parviennent à agréger un public assez vaste pour briser l’élan de la chaine d’Alain Weill, rompre le « réflexe BFM TV » et attirer une partie de ces Français surinformés.

Créer une chaîne est une chose, fédérer une audience en est une autre. Il y a peut-être, au fond, une nostalgie. Les médias d’opinion faiblissent en France, leur virulence s’est émoussée à l’appel des régies publicitaires et Internet ne les a pas recréés. Nos élus ne se consolent pas de l’influence perdue de ces médias qui les soutenaient presqu’aveuglément parfois. Mitterrand ne se serait jamais relevé de l’affaire de L’Observatoire (1959) sans le soutien sans faille de la presse de gauche. Mais la multiplication des chaines d’information ne fera pas revenir ces puissants soutiens des ambitions politiques.

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