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20% des enfants de 3 ans vont devenir des criminels et la science peut savoir lesquels mais avons-nous envie de vivre dans ce monde-là ?
©wikipédia

Meurtre à la récrée

Un certain nombre de facteurs biologiques, couplés à des conditions affectives et éducatives défavorables, peuvent aggraver la potentialité qu'un enfant devienne un criminel.

Michel Bénézech

Michel Bénézech

Michel Bénézech est psychiatre, légiste et criminologue. Il est chargé du service médico-psychologique régional des prisons, à Bordeaux.

Il a co-écrit avec Christiane de Beaurepaire et Christian Kottler, en 2007, Les dangerosités : De la criminologie à la psychopathologie, entre justice et psychiatrie (John Libbey Eurotext).

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Atlantico : Une récente étude de neuroscientifiques de Caroline du Nord et de Nouvelle-Zélande a constaté que 20% des enfants de 3 ans ont 80% de chances de devenir des criminels d'après l'état de leur cerveau. Selon-vous, cette prédisposition à la criminalité est-elle le fruit d’un déterminisme génétique ?

D'une part, la criminalité, au sens large du terme, est extrêmement répandue dans la population, les statistiques officielles ne mettant en évidence que celle qui a été constatée et réprimée (les enquêtes sur les infractions auto reportées anonymement sont claires à cet égard). D'autre part, il n'est pas sans intérêt de différencier la criminalité non violente (astucieuse, financière, escroquerie, vol simple) de la criminalité violente, sexuelle et non sexuelle, qui fait intervenir davantage des caractéristiques neuropsychologiques comme la colère, l'agressivité, l'impulsivité, l'irritabilité, l'instabilité, l'indifférence froide à la souffrance d'autrui. D'autre part, probabilité d'un risque à trois ans ne veut pas dire certitude car de nombreux facteurs de protection du risque peuvent agir par la suite.

Enfin, on connaît depuis longtemps des facteurs de risque criminel de nature biologique, certains étant héréditaires comme la faible réactivité du système nerveux autonome : niveau cortical d'éveil plus bas (diminution de la fréquence cardiaque et de la réaction électrodermale), extraversion, impulsivité, névrosisme (anxiété, susceptibilité, irritabilité). Parmi les facteurs biologiques, on peut encore ajouter certaines maladies (infectieuses, addictives) de la femme enceinte, les accidents de grossesse et d'accouchement, la malnutrition du foetus et de l'enfant en bas âge, les maladies graves de ce même enfant (traumatisme cérébral, encéphalite, méningite). Bref, tout ce qui perturbe le développement et la maturation du système nerveux avec pour conséquence souvent des perturbations psychologiques comportementales (apparition d'un trouble des conduites, d'un trouble oppositionnel, d'un trouble déficit de l'attention/hyperactivité, d'une personnalité antisociale) et/ou une diminution possible du quotient intellectuel. Il peut donc y avoir chez le futur criminel un handicap neurologique de base sur lequel les facteurs psychosociologiques environnementaux vont interagir.

On peut observer des différences entre les cerveaux des enfants issus des milieux modestes, voire défavorisés, et ceux de milieux plus aisés. Pouvons nous penser que la criminalité provient d’un déterminisme social ? Comment cerveau et milieu social s'associent-ils ?  

L'on est sûr que des conditions affectives et éducatives précoces et défavorables favorisent largement la criminalité violente, en particulier : milieu familial dysfonctionnel, carencé; parents malades mentaux, toxicomanes, délinquants, absents, violents contre eux-mêmes et contre les enfants. Lorsque ces carences s'additionnent à une fragilité neurologique, le risque augmente considérablement, les normes sociales ne pouvant être intégrées par l'enfant.

Des influences négatives transgénérationnelles, psychosociales, socio-économiques, psychopathologiques peuvent s'ajouter aux facteurs biologiques de risque criminel. L'interaction inné-acquis est inévitable et peut être socialement défavorable, favorable, ou les deux en même temps.

Pensez-vous qu’il est possible d’agir sur cette prédisposition à la criminalité ? De quelle manière ?

La prévention passe par la lutte médico-psychologique contre les éléments négatifs, et le développement des facteurs positifs visant à l'intégration harmonieuse du petit de l'homme dans son environnement. La surveillance de la grossesse, la pédiatrie et la pédopsychiatrie jouent ici un rôle essentiel, ne serait-ce qu'en éduquant les parents. J'ajouterai pour terminer que la très passionnante publication de Avshalom Caspi sur le site Nature.com (12 décembre 2016) mérite d'autres recherches comparables pour en vérifier la validité scientifique.

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