12 mots finalistes de 2013 : que disent-ils de nous ?<!-- --> | Atlantico.fr
Atlantico, c'est qui, c'est quoi ?
Newsletter
Décryptages
Pépites
Dossiers
Rendez-vous
Atlantico-Light
Vidéos
Podcasts
Culture
12 mots finalistes de 2013 : que disent-ils de nous ?
©

Jargon

Les douze termes en lice pour l'élection du mot de l'année 2013 viennent d'être dévoilés. Pour Atlantico, la sémiologue Virginie Spies en analyse quelques-uns. Les internautes peuvent voter jusqu'au 20 mai minuit sur le site du Mot de l'Année.

Virginie Spies

Virginie Spies

Virginie Spies est sémiologue de l'image et analyste des médias, maître de Conférences à l’université d’Avignon. Virginie Spies est l'auteur de Télévision, presse people : les marchands de bonheur (De Boeck, 2008). Elle publie également des vidéos sur la chaîne YouTube, Des Medias Presque Parfaits.

Voir la bio »

Les mots en lice cette année pour "le mot de l'année 2013" témoignent d'une inquiétude évidente des Français     et certainement d 'une désaffection pour la politique. Ce classement met également à jour les liens importants entre politique et médias : l'un n'existe pas sans l'autre, et les petites phrases des politiques n'existent que si elles sont reprises par les médias.

Très souvent, lors des analyses linguistiques, on constate que les mots sont d'abord proposés par les politiques et ils n'ont de succès que s'ils sont repris par les médias.

A titre personnel, je voterai pour le terme"visibilité" car c'est un mot symptomatique de la société telle qu'elle est aujourd'hui. Cette visibilité impacte à la fois les jeunes, la société civile mais aussi les politiques et les chefs d'entreprise. Ce terme dit que nous sommes entrés dans une société de l'ultra-communication, et que par conséquent elle doit être encore plus maîtrisée qu'avant. Il faut avoir une stratégie de communication même quand on est un individu. La visibilité n'est pas forcément une bonne nouvelle mais c'est une donnée que l'on doit prendre en compte et appréhender.

Il manque, selon moi, le "Allô" de Nabila. C'est un mot emblématique de ce début d'année : c'est un mot qui fait rire et qui rassemble, contrairement aux mots retenus. Voici la liste :

  • "Anaphore" : Terme qui fait référence au débat entre François Hollande et Nicolas Sarkozy le mercredi 2 mai. François Hollande a utilisé l'anaphore: "Moi, président de la République". C'est une figure de style très répandue, notamment dans le théâtre. Cette anaphore de François Hollande est un des éléments importants du débat avec Sarkozy, élément dont on se rappelle et qui avait marqué les Français. Certains commentateurs avaient d'ailleurs dit que c'était là que François Hollande avait gagné le débat : cette anaphore a marqué un tournant dans la campagne. Chaque débat politique a besoin de phrases marquantes, et c'est de ce point de vue une vraie réussite de communication.  D'ailleurs, un an après le débat, on cite encore cette anaphore de François Hollande, mais elle est désormais utilisée contre le président de la République. 

  • "Cap" : Terme politique qui fait référence à la fois à l'élection présidentielle mais aussi à l'action du président Hollande depuis un an. Nicolas Sarkozy avait utilisé la métaphore de "capitaine de navire", avec un "cap à atteindre". Depuis, François Hollande l'a repris à son compte et est dans cette logique là. Le "cap" est ce qui permet de tenir la ligne politique, le fait de connaître son but. Le terme "cap" est d'ailleurs utilisé désormais par tous les membres du gouvernement afin d'affirmer la position du président de la République.

  • "Compétitivité" : C'est un mot qui fait écho aux domaines politique et économique. On se trouve désormais dans le champ lexical du ministre du Redressement Productif, Arnaud Montebourg. Il a beaucoup utilisé ce terme, notamment pour développer l'idée du "Made in France". Il est définitivement l'un de ceux qui a marqué les Français et la politique du gouvernement. Pour lui, le terme "compétitivité" est un mot très important. Ce mot là place aussi la France dans une logique du commerce international et montre que l'on ne peut plus passer outre la donnée internationale, et qu'il faut prendre en compte la concurrence extérieure.

  • "Couac" : Terme extrêmement repris cette année pour désigner le "couac gouvernemental". On le connait depuis longtemps, c'est un mot ancien qui a été réactualisé cette année. Il participe pour construire l'expression "couac gouvernemental" qui évoque les désaccords entre les membres du gouvernement. On aurait pu employer l'expression "bug gouvernemental' et non "couac gouvernemental", pourtant c'est celui-là qui a été employé car il est plus facile à comprendre. Il a d'ailleurs été extrêmement repris sur Google et est ainsi devenu à la mode.

  • "Déficit" : C'est un terme de crise, qui évoque la situation de la France. Le déficit est bien évidemment économique. Mais il ne faut pas comprendre ce terme d'une seule manière : il évoque aussi la peur du lendemain.  Au-delà du déficit économique, on peut parler du déficit d'image. L'image du gouvernement n'est pas bonne, on assiste à une dévalorisation de l'image de l'exécutif. Tous les mots de la liste évoquent le monde politique et le déficit d'image, jusqu'à évoquer l'idée d'un remaniement gouvernemental.  
  • "Impacter" : C'est un terme qui renvoie à l'idée que la politique va avoir un pouvoir sur tous les aspects de nos vies, ce qui relève bien évidemment du fantasme. Les déçus de la politique de François Hollande sont pour la plupart des gens qui pensaient que la politique allait avoir un impact dans notre quotidien. Il y a une telle perte d'espoir, et nous connaissons une telle crise que l'on finit par penser que la politique peut impacter nos vies. Mais le temps des médias n'est pas le temps du politique et malheureusement les politiques se trouvent dans le temps médiatique. La soif de changement dans la vie des français est réelle : on la voit d'ailleurs dans la pratique en permanente augmentation du coaching.

  • "Mensonge(s)" :Terme qui évoque encore l'affaire Cahuzac. Un ministre serait capable de mentir pleinement devant les députés, représentants du peuple, et donc devant la France. Cela renvoie à l'idée d'un besoin de vérité et d'honnêteté. C'est un terme très fort, car on peut vérifier à tout instant le moment du mensonge : on a toutes les vidéos qui montrent Jérôme Cahuzac en train de mentir. Avec le web, on peut se rendre compte tous les jours du mensonge car il est en permanence actualisé. On dit souvent que le web est le règne de l'éphémère, mais il semble que ce soit justement le contraire dans ce cas-là : c'est un mensonge d'état mais sous le régime de la télé-réalité : on l'a vu mentir et on a suivi tout le processus jusqu'à ses confessions publiques qu'on pourrait qualifier de "confessions à l'américaine", ce qui est une première en France.

  • "Transparence" : Encore un mot en lice qui évoque à nouveau l'affaire Cahuzac, omniprésente dans cette sélection. Renvoie à l'idée que la transparence est un gage de vérité. Cette transparence n'est pas nouvelle dans notre société. Après l'avènement de la télé-réalité, nous sommes désormais dans une société de politique-réalité. Nous nous trouvons dans un autre régime politico-médiatique, où le besoin de transparence n'est pas nouveau. Cependant, la transparence n'est pas une mesure de sécurité : on peut très bien être transparent tout en étant faux et en se trouvant dans le mensonge. Ce besoin de transparence, tout en étant un fantasme, sert surtout à montrer les peurs de la société.

  • "Visibilité" : Fait référence au monde médiatique mais aussi au monde politique. On assiste à l'avènement du web 2.0 dans une société de l'exigence de la visibilité. Exister c'est désormais être visible : ne pas l'être serait ne pas serait exister. Il y a une réelle injonction de visibilité aujourd'hui, notamment dans le domaine politique : ne pas s'exprimer reviendrait à ne pas agir. Cette exigence, on la doit à plusieurs facteurs : en premier, l’hyper-présidence et l'ultra-visibilité de Nicolas Sarkozy. François Hollande semble souffrir de cela aujourd'hui : lui qui s'était présenté comme un "président normal", il se trouve aujourd'hui aussi contrait de faire beaucoup de communication. L'autre facteur auquel on doit cette obligation de visibilité est le fruit de la télé-réalité.

En raison de débordements, nous avons fait le choix de suspendre les commentaires des articles d'Atlantico.fr.

Mais n'hésitez pas à partager cet article avec vos proches par mail, messagerie, SMS ou sur les réseaux sociaux afin de continuer le débat !