100 ans après sa mort, de nouveaux éléments viennent corriger la légende d’un Raspoutine fou, ivrogne et coureur de jupons<!-- --> | Atlantico.fr
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C'est dans la nuit du 29 au 30 décembre 1916, alors en pleine Première guerre mondiale, que Raspoutine ferme ses yeux pour la dernière fois. Le lendemain, sa dépouille gît dans l'eau gelée de la Neva, à Saint-Pétersbourg.
C'est dans la nuit du 29 au 30 décembre 1916, alors en pleine Première guerre mondiale, que Raspoutine ferme ses yeux pour la dernière fois. Le lendemain, sa dépouille gît dans l'eau gelée de la Neva, à Saint-Pétersbourg.
©wikipédia

Ra, Ra, Rasputin

Dans son livre, l'historien américain Douglas Smith revient sur le mythe qui a longtemps entouré Raspoutine, le plus proche conseiller de la dernière tsarine de Russie, Alix de Hesse-Darmstadt. Et démonte une à une les légendes qui ont fait de ce religieux le fameux "moine fou".

Grigori Raspoutine fait partie de ces personnalités occultes auxquelles on continue de vouer un mythe persistant au fil des décennies. Alors qu'on approche le centenaire de sa mort, il est intéressant de se pencher sur l'histoire et la personnalité de cet illustre personnage qu'on appelait le "moine fou". Ce que fait l'historien Douglas Smith dans son dernier livre Rasputin: Faith, Power, and the Twilight of the Romanovs, qui en profite pour faire la peau aux nombreuses légendes qui l'entouraient, rapporte The Washington Post.

C'est dans la nuit du 29 au 30 décembre 1916, alors en pleine Première guerre mondiale, que Raspoutine ferme ses yeux pour la dernière fois. Le lendemain, sa dépouille gît dans l'eau gelée de la Neva, à Saint-Pétersbourg. Des traces de coups, de brûlures, et le crâne fendu d'une balle en plein front. Raspoutine a été assassiné. Un destin aussi tragique que celui de l'Empire russe, qui finira par se dissoudre un an plus tard, après le massacre de la famille impériale, les Romanov, et du tsar Nicolas II.

Personnalité controversée

Un assassinat que l'on pourrait qualifier de prévisible, tant Raspoutine avait fini par se mettre l'aristocratie russe à dos. Ce moine originaire de Sibérie, qui se disait starets, s'était acquis une solide réputation de guérisseur au fil de ses années d'errance en tant qu'ermite. Les bruyants on-dit, élogieux à l'époque, que l'on colporte aux quatre coins de l'empire sur cet homme mystique, parviennent aux oreilles de la tsarine Alix de Hesse-Darmstadt, femme de l'empereur Nicolas II, qui décide de le solliciter afin de soigner son fils Alexis, atteint d'hémophilie. Chose qu'il ne réussit pas, explique Douglas Smith. Si l'on raconte que Raspoutine parvient à calmer la douleur du jeune garçon à l'aide de remèdes traditionnels, Smith dément en affirmant que la santé du prince héritier n'a évolué positivement que par le simple fruit du hasard et l'amour de sa mère. Une explication alternative indique qu'en arrivant au chevet du malade, Raspoutine aurait jeté les cachets d'aspirine qu'on administrait à l'enfant, médicament dont on ignorait les propriétés anticoagulantes – ce qui ne devait rien arranger à l'état d'Alexis.

Celui qui se prétendait chrétien orthodoxe mais que l'Église ne reconnaissait pas était toutefois "sincère" dans sa croyance, écrit Smith, et ne méritait pas les accusations de "charlatan" dont on l'affublait une fois installé aux côtés de la famille impériale. Et ce n'était pas le seul reproche qu'on lui faisait. Brutal, manipulateur, ivrogne, coureur de jupons ou encore amant de l'impératrice : rien n'était trop fou pour tenter d'éjecter ce géant barbu d'une cour quelque peu dérangée par sa présence aussi près de la tsarine. En effet, celle-ci avait une importance capitale dans la diplomatie internationale, alors que son mari Nicolas II s'y était progressivement soumis, à force des crises hystériques dont il avait conté la violence à son Premier ministre.

Une impératrice fascinée

Comme l'indique Smith, ce n'est pas tant Raspoutine qui était manipulateur, mais plus Alix de Hesse-Darmstadt qui, légèrement atteinte, dictait sa loi auprès de l'époux royal. Il n'en fallait pas plus pour que les critiques pleuvent sur ce triste Raspoutine. Il faut dire que Raspoutine était en odeur de sainteté auprès de l'impératrice Alix, aussi appelée Alexandra Fiodorovna Romanova. Et l'expression n'est pas usurpée, tant elle voyait en cet homme grand et, il est vrai, charismatique, un véritable sage, oracle et savant dont elle raffolait des prédications sur l'état de l'empire et son avenir. Elle le décrivait comme "un homme bon, simple et religieux", avec qui elle "adorait discuter" et qui la laissait "légère et calme" au terme de ces conversations, rapporte Smith.

Bien sûr, Raspoutine n'était pas un saint. Et sa réputation n'était pas totalement injustifiée. Il avait en effet eu quelques aventures avec des prostituées, avait conduit quelques-uns de ses amis religieux dans les hautes sphères de l'Église orthodoxe, et n'hésitait à pas s'insinuer dans les décisions gouvernementales les plus importantes, telles que la stratégie de l'armée russe face aux troupes allemandes. Des actes qu'il n'aurait peut-être pas tous commis si l'impératrice ne lui était pas aussi assujettie. Et qui d'ailleurs, ne faisait que se rapprocher plus du "moine fou" à force qu'on le traite ainsi.

Assassinat

Et, il fallait bien que ça arrive, on complota son assassinat. Félix Ioussoupov, son instigateur et époux de la nièce du tsar, Irina Alexandrovna, avait décidé de passer à l'acte pour défendre le patriotisme russe, mis à mal à la suite de la révolution de Février (1917) à l'issue de laquelle la famille impériale abdique et laisse place à l'éphémère République russe, balayée un mois après sa naissance par les bolchéviques. Selon les mythes, il survécut à de nombreux empoisonnements, violences physiques puis coups de feu, avant de mourir une fois jeté dans l'eau gelée. En réalité, il n'y a aucune preuve qu'il ait été empoisonné, et les blessures par balles se sont révélées mortelles. Lors de son exhumation et son incinération voulues par les communistes, la légende raconte que seul le cercueil aurait brûlé, son corps demeurant indemne. À ça, Smith ne peut rien y faire. Mais on ne peut pas avoir réponse à tout.

En conclusion, Smith dépeint là un homme certes étrange, controversé et charismatique qui lui a valu quelque talent de manipulateur comparable à celui d'un gourou, mais surtout d'un homme sincère dans ses croyances religieuses mais incapable de résister face aux tentations qui se présentaient devant lui. Les erreurs d'un homme qui aura mené l'empire russe à sa perte. 

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