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Voilà pourquoi les 64% des Français qui désapprouvent la politique familiale de François Hollande ont raison
©Reuters

Haro sur les bébés

Selon un sondage IFOP / CNAFC, 64 % des Français désapprouvent la politique familiale du gouvernement qu'ils jugent inefficace pour redresser l'économie et néfaste à la natalité. Décryptage avec Henri Sterdyniak, spécialiste des questions de politique sociale.

Henri Sterdyniak

Henri Sterdyniak

Henri Sterdyniak est économiste à l'OFCE (Observatoire français des conjonctures économiques), spécialiste de questions de politique budgétaire, sociales et des systèmes de retraite.

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Atlantico : Comment décrire la politique familiale depuis l’arrivée de François Hollande au pouvoir ? Peut-on observer un changement de cap en comparaison aux années antérieures ?

Henri Sterdyniak : La politique familiale française a traditionnellement trois objectifs. Le premier est d’assurer aux familles avec enfants un niveau de vie équivalent à celui des célibataires ou des couples sans enfant. Cela passe par des prestations universelles (comme la gratuité de l’enseignement, le remboursement des soins de santé), par des prestations collectives (cantine, crèches, centres de loisirs),  par des prestations en espèces universelles (allocations familiales). Cela passe aussi par le quotient familial, qui tient compte équitablement de la composition de la famille lors du calcul de l’impôt sur le revenu. Le deuxième est d’assurer à chaque enfant un niveau de vie satisfaisant. Cela passe par des prestations sous conditions de ressources destinées aux familles les plus pauvres (RSA, allocation logement, complément familial, allocation de rentrée scolaire, allocation de soutien familial). Enfin, le troisième objectif est de permettre aux parents (et en particulier aux mères) de concilier vie professionnelle et éducation des enfants, en particulier par les aides à la garde des jeunes enfants.

Depuis 2012, la politique familiale n’a pas été gérée de façon satisfaisante. D’une part, elle a souffert de la politique de baisse générale des dépenses publiques dans laquelle la France s’est engagée. D’autre part, en diminuant le plafond du quotient familial, en modulant les allocations selon le revenu, le gouvernement s’est attaqué aux familles des classes moyennes, en prétendant qu’elles jouissaient d’avantages excessifs. Pourtant, comme les allocations familiales ne couvrent pas le coût des enfants, les familles des classes moyennes ont un niveau de vie plus bas de 25% (si elles ont deux enfants), de 30% (si elles en ont trois) à des couples de mêmes revenus primaires. Le gouvernement a maintenu la stagnation en pouvoir d’achat des allocations familiales ; il a heureusement augmenté de 25% l’allocation de rentrée scolaire ; il a mis en chantier une revalorisation de 50% du complément familial pour les familles les plus pauvres, de 25% pour l’allocation de soutien familial. Mais, le bilan reste négatif pour les familles : en raison de la baisse du quotient familial et de la majoration des suppléments familiaux de retraite, leurs impôts ont augmenté de 2,8 milliards ; les prestations pour les plus pauvres augmenteront bien de 1,2 milliard mais les prestations pour l’ensemble des familles diminueront de 1,9 milliard. Au total, la France diminuera de 3,5 milliards les transferts aux familles. La baisse de niveau de vie atteindra 6,5% pour les familles des classes moyennes avec 3 enfants. Certes, il faut aider les familles les plus pauvres, mais cela n’aurait pas dû se faire au détriment des autres familles. 

Cette politique familiale a-t-elle, ou aura-t-elle, un impact sur la natalité française ?

La politique familiale n’a pas pour objectif essentiel d’augmenter la natalité. Elle se doit avant tout d’assurer un niveau de vie satisfaisant aux enfants (et donc à leur famille). De même, le souci de l’égalité entre sexes et de l’autonomie des femmes impose de permettre aux mères de continuer de travailler et de reprendre facilement un emploi (si elles ont pris un congé parental).  Jusqu’à présent, la politique familiale française était un succès puisqu’elle réussissait à concilier un taux de natalité satisfaisant et un fort taux d’activité des femmes. Cela, parce que le modèle de famille à parents bi-actifs est devenu la norme sociale et que les femmes n’ont pas à choisir entre enfants et carrière. Mais, les couples bi-actifs avec enfants  supportent de lourdes charges en termes de niveau de vie et de contraintes temporelles, même si la bi-activité leur permet d’échapper à la pauvreté. Les mettre en accusation, réduire leurs prestations familiales a été, selon moi, une faute. Il serait tragique que certains renoncent à avoir un troisième enfant. La politique familiale doit être de nouveau sanctuarisée.

Dans quelle mesure une politique familiale peut-elle influer en bien ou en mal sur l’économie d’un pays ?

Les enfants représentent 25% de la population du pays ; leurs parents 40% ; la politique familiale au sens large est donc primordiale. D’un côté, elle soutient la demande de biens. De l’autre, permettant aux parents de travailler, elle augmente la population active. Enfin, les crèches,  les écoles, l’éducation au sens large,  sont des domaines créateurs d’emplois. Surtout, le dynamisme démographique soutient le dynamisme économique et social. Les parents travaillent, investissent, épargnent pour leurs enfants. Ceux-ci financeront plus tard leur retraite. On le verra dans 20 ans, la France sera dans une bien meilleure situation que l’Allemagne, l’Italie ou l’Espagne.

Quelles sont vos préconisations pour améliorer la politique familiale ? 

Malgré ses réussites (un taux de fécondité satisfaisant, le fort taux d’activité des femmes), la politique familiale française reste à rénover. Le taux de pauvreté des enfants est de 19,6%, ce qui est scandaleux.  Il faut oublier  l’objectif de faire des économies sur les familles. La ponction sur les ressources de la banche Famille doit cesser pour permettre de financer une importante revalorisation des prestations familiales et de créer un complément familial pour les familles pauvres à un ou deux enfants. Les prestations familiales et le RSA doivent être indexés sur les salaires et non sur les prix, ce qui induit une baisse tendancielle du niveau de vie relatif des enfants. La France a besoin d’un grand service public gratuit et universel de garde de la petite enfance. La France doit se donner des objectifs ambitieux de réduction du taux de pauvreté des enfants et d’augmentation des places en crèches afin de donner à chaque enfant le maximum de chances d’épanouissement. Les moyens supplémentaires dont a besoin la politique familiale devraient être supportés par tous les contribuables, et non spécifiquement par les familles des classes moyennes, qui ne sont pas actuellement favorisées.

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