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"Un livre de martyrs américains" de Joyce Carol Oates : les prises de position sur l’avortement à partir d’un fait divers dans l’Ohio en 1999
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L'ouvrage de Joyce Carol Oates, "Un livre de martyrs américains", revient sur les prises de position sur l'avortement à partir d'un fait divers dans l'Ohio en 1999.

Agnès Delaunay pour Culture Tops

Agnès Delaunay pour Culture Tops

Agnès Delaunay est chroniqueuse pour Culture-Tops.

Culture-Tops est un site de chroniques couvrant l'ensemble de l'activité culturelle (théâtre, One Man Shows, opéras, ballets, spectacles divers, cinéma, expos, livres, etc.).

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"Un livre de martyrs américains" 

de Joyce Carol Oates 

Editions Philippe Rey 864 pages. 

RECOMMANDATION
En priorité


THÈME
Dans une petite ville de l’Ohio, le 2 novembre 1999, Luther Dunphy, un militant anti-avortement abat le médecin avorteur et défenseur des droits des femmes Augustus Voorhees, qualifié « d’assassin » par ses opposants. À partir de cela, s’ensuit un long processus judiciaire, un procès qui dure des années jusqu’à la condamnation de Luther Dunphy à la peine capitale.

POINTS FORTS
- Dans un récit à la croisée du roman et du reportage, Joyce Carol Oates dissèque avec une écriture pointilliste les ressorts qui ont conduit à cet acte meurtrier. L'auteure arrive à établir des points communs entre les deux protagonistes principaux et leurs familles qui sont pourtant opposées à tous points de vue, tant l’écart est large entre des démocrates cultivés et aisés qui ne croient pas en Dieu, et des « petits blancs » modestes, à la fois religieux et ultra-conservateurs. À ce titre, les personnages secondaires ont un rôle essentiel, comme les deux filles Naomi Voorhees et Dawn Dunphy, toutes deux obsédées par la mémoire de leur père et pour qui il est impossible de se construire sereinement entre les déménagements, les regards accusateurs et condescendants des autres dans le milieu scolaire puis universitaire, le changement inopiné d’attitude de leur mère et enfin le déchirement familial. 

- L’auteure peint avec finesse l’ambivalence de ses personnages, la culpabilité et les doutes qui les rongent malgré leurs certitudes apparentes. Chez Luther Dunphy, il y a d’abord le décalage entre idéal religieux et tentation de la chair, la mort de sa fille handicapée Daphné qui le hante et son impuissance à la suite de cet événement à consoler sa femme dépressive. Augustus Voorhees est quant à lui un personnage plus énigmatique, qui derrière son altruisme en tant que défenseur des droits des femmes souvent peut se révéler infatué de lui-même, et agit au détriment de la volonté et du sentiment d’abandon de sa propre femme Jenna. 

- Comme le suggère le titre du roman, il est difficile de savoir qui sont les véritables martyrs tant les points de vue diffèrent. Qui sont les véritables martyrs entre le médecin avorteur, le soldat de Dieu, les fœtus avortés ou les familles qui doivent apprendre à survivre et tenter de recoller les morceaux ?

POINTS FAIBLES
Je n'en vois pas.

EN DEUX MOTS
Le droit à l’avortement, qui est particulièrement remis en question aux Etats-Unis en 2019 permet, ici, à l’auteure de brosser le portrait d’une société encore jeune qui s’est construite trop vite, reposant sur des courants idéologiques aux croyances souvent binaires et étriquées. Mais au-delà de ce sujet de société, ce roman interroge la corrélation entre les croyances et les actes, les réussites et les dégâts que ceux-ci peuvent engendrer. Comme le montre la seconde partie du roman, qui est centré sur la vie quotidienne des familles après l’assassinat, les actes « héroïques » des protagonistes, témoignent aussi d’un mépris du réel et de leur entourage.

UN EXTRAIT
« Le corps d’une femme ou d’une jeune fille violé par l’instrument de l’avorteur, comme a été violée son âme. Car celles que le Seigneur destine à être mères subissent souvent un lavage de cerveau et n’ont aucune idée de ce à quoi elles consentent. Une femme ne sait pas ce qu’elle veut. Surtout quand elle est enceinte et que son état mental est bouleversé par ce qu’on appelle les hormones. » 

« Défendre les enfants à naître. Un homicide justifiable. »

« Il y avait bien plus de croyants aux États-Unis que de laïcs ; parmi eux, la grande majorité était chrétienne. Un chrétien convaincu acceptait l’idée que, si telle était Sa volonté, Dieu pouvait lui parler directement ; il aurait été illogique d’être un chrétien croyant et de nier que Dieu ou le Christ ait ce pouvoir. Au regard de ses croyances, Luther Dunphy n’était pas fou ; par ses actes, il avait enfreint la loi, mais pas à la manière d’un fou. »

« Il avait sauvé des vies. La vie de jeunes filles et de femmes. Des filles qui avaient essayé d’avorter elles-mêmes par honte. »

L'AUTEUR
Née en 1938 dans l’Etat de New York, Joyce Carol Oates a publié une œuvre abondante, abordant sans tabou des thèmes parfois obscurs, et explorant sans concession autant les paradoxes de la société américaine que ceux de l’humain lui-même. 

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