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Taxons, taxons, il en restera toujours quelque chose
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Encore !

"Les marchés font-ils la loi ? " Pour y répondre, Pascale-Marie Deschamps rédactrice en chef adjointe d'Enjeux Les Echos s'est entretenue avec Philippe Tibi et Pierre de Lauzun.

Pierre de Lauzun et Phillipe Tibi

Pierre de Lauzun et Phillipe Tibi

Pierre de Lauzun est délégué général de l'Association française des marchés finaciers (Amafi)

Philippe Tibi est président de l'Amafi, professeur à l'Ecole Polytechnique et président d'UBS en France.

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Pascale-Marie Deschamps : Angela Merkel et Nicolas Sarkozy ont demandé à la Commission européenne d’étudier la mise en place d’une taxe sur les transactions financières et le président français a annoncé en janvier dernier vouloir l’instaurer pour la France[1], des députés européens demandent l’interdiction des « CDS nus » et celle des ventes à découvert. Jean-Pierre Jouyet, président de l’Autorité des marchés financiers, s’inquiète de la déréglementation des bourses, de l’apparition de dark pools, du règne du trading haute fréquence (THF). Ces demandes ne vont-elles pas dans le bon sens pour assurer plus de transparence et d’efficacité au marché ?

Philippe Tibi – Le débat sur la régulation des marchés, qui se développe depuis trois ans, exprime deux volontés convergentes face à une crise dont ils sont jugés responsables : celle de réduire leur place estimée trop importante par rapport à celle du politique et celle de les punir pour leurs excès ou leurs dysfonctionnements. Le problème est que, dans un certain nombre de domaines, cette volonté réductrice et punitive procède d’une condamnation a priori qui demanderait à être étayée. Non pas pour éluder un encadrement plus strict, mais pour vérifier que celui-ci est bien adapté. Si on est persuadé, comme nous, que les marchés et le système financier sont au coeur du bon fonctionnement de l’économie, alors on doit faire d’autant plus attention à ce que les mesures prises soient justes et efficaces. Les décisions politiques ou régulatrices peuvent créer des irréversibilités, comme la délocalisation des activités ou des flux, ou des déséquilibres conduisant à une augmentation des coûts de financement. Mieux vaut réfléchir avant de céder à des demandes réelles ou supposées de l’opinion.

Pierre de Lauzun – Le problème fondamental de cette demande de régulation est qu’elle ne procède pas d’une réflexion approfondie d’ensemble sur ce qu’est un marché, ce que l’on peut et doit en attendre, et les conditions dans lesquelles il peut bien fonctionner là où il est utile. Les acteurs politiques restent extérieurs à des mécanismes qu’ils connaissent très mal et qu’ils refusent d’ailleurs de comprendre. Dès lors, ils ne s’y intéressent que par petits bouts, toujours dans une optique punitive. Le politique veut montrer que c’est lui qui tient les rênes, qui plie le marché à sa volonté, et non l’inverse. Mais, ce faisant, il ignore la réalité et la logique du marché. Et dès lors il n’intervient pas comme il devrait le faire.

Qu’est-ce que le politique ignore ou fait semblant d’ignorer en « punissant» le marché ?

Pierre de Lauzun – Il ignore deux aspects décisifs. Le premier, que « le » marché ne cherche pas à « asservir » le politique : il lui demande ses réponses dès lors qu’il a été sollicité par le politique pour financer les déficits publics. En outre pour que le politique, qui œuvre dans un champ national, soit en position d’imposer sa volonté à des investisseurs internationaux – privés, mais aussi souverains pour certains d’entre eux –, il faudrait une coordination internationale, voire davantage encore, ce qui reviendrait à un gouvernement mondial qui ne me semble pas prêt de voir le jour. L’alternative serait de nationaliser la dette, puisque le politique national a autorité sur « ses » investisseurs nationaux. Là aussi, on l’a vu, cette solution n’est pas réaliste aux niveaux de dette que nous connaissons.

Le deuxième élément, qu’ignore le politique, est qu’en refusant de comprendre un marché dont il ne peut se passer tant qu’il ne sera pas revenu à des niveaux d’endettement nuls ou quasi-nuls, il n’assume pas la partie noble de son rôle qui est de penser le fonctionnement collectif du marché, et de le penser positivement de sorte qu’il fonctionne de manière aussi optimale que possible. Cela va bien au-delà des questions d’endettement public, car c’est l’ensemble du fonctionnement de l’économie ainsi que de larges pans de la protection sociale qui sont touchés. Au lieu de cela, on préfère mettre en avant les sujets qui répondent à l’attente punitive du public, mais qui ne règlent rien au fond.


[1] Le 6 janvier 2012, Nicolas Sarkozy a déclaré que « la France n’attendra pas que tous les autres soient d’accord pour mettre en œuvre la taxe sur les transactions financières ». Le 8 janvier, BenoistApparu, secrétaire d’État au Logement, a annoncé qu’un projet de « texte financier » serait présenté en Conseil des ministres en février pour être intégré à la loi de Finances rectificative pour 2012.

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Extrait de Les marchés font-ils la loi ?La Revue Banque (23 février 2012)

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