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 Souveraineté nationale, démocratie, zone économique intégrée : qui propose quoi parmi les candidats à la présidentielle pour sortir du dilemme des 3 objectifs impossibles à conjuguer ?
©Pixabay

Paradoxe de Rodrik

Si le question est encore trop peu traitée dans les débats actuels de la campagne présidentielle, les candidats avancent pourtant des logiques bien marquées sur ce que "doit" devenir le projet européen

Nicolas Goetzmann

Nicolas Goetzmann

 

Nicolas Goetzmann est journaliste économique senior chez Atlantico.

Il est l'auteur chez Atlantico Editions de l'ouvrage :

 

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Atlantico : Alors que Benoît Hamon a le mérite de placer la question européenne au cœur du débat présidentiel, quelles sont les différentes positions défendues sur ce point par les différents candidats ? Comment classer ces propositions en prenant le "paradoxe de Rodrik" comme cadre d'analyse, c'est à dire en actant le fait que seuls deux des trois éléments suivants -mondialisation, démocratie et souveraineté- peuvent être poursuivis de façon simultanée ?

Nicolas Goetzmann : Le paradoxe énoncé par Dani Rodrik suppose l'impossibilité de poursuivre ces trois objectifs que sont la démocratie, la souveraineté, et la mondialisation, de façon simultanée. Soit l'État Nation se soumet aux impératifs de la mondialisation, ce qui produit une forme de disparition de la démocratie. Soit la démocratie s'élève à un niveau supranational qui rejoint le cadre de la mondialisation, ce qui produit la disparition de la souveraineté et de l'État Nation. Soit l'État nation se soumet à la démocratie, et la mondialisation devient une simple option. Il suffit de placer les candidats dans les bonnes cases. Marine Le Pen rejette la mondialisation et la perte de souveraineté, ce qui conduit le pays à s'écarter du processus de la mondialisation, et le Front national colore également cette vision d'un risque de pousser ce "retour à la souveraineté" plus loin, c’est-à-dire vers le nationalisme. Pour Jean Luc Mélenchon, cela est philosophiquement plus compliqué, parce qu'il y a également une volonté de dépassement du cadre national pour la gauche de la gauche, mais le refus de la mondialisation semble l'emporter dans ses revendications. En nouant des accords avec des partis de la même orientation, Jean Luc Mélenchon aurait sans doute pour objectif de sortir du processus de la mondialisation, mais en cherchant également à sortir des frontières françaises, ce qui correspond à une philosophie "d'internationale socialiste". Concernant Emmanuel Macron, c'est le renoncement à l'État Nation et à la souveraineté qui prime, avec une volonté affichée de fédéralisme européen, avec un budget commun, il a également évoqué un "gouvernement de la zone euro", c'est un processus qui vise ainsi à mettre en place des institutions taillées à la dimension de la mondialisation sans la remettre en cause. Pour Benoît Hamon, inspiré directement par Thomas Piketty, il s'agit de mettre en place des institutions plus "démocratiques" en zone euro en faisant le pari qu'une réorientation plus sociale est possible. C'est donc une volonté de fédéralisme social, et qui fait de la souveraineté le maillon faible. Pour François Fillon, il s'agit plutôt d'une forme de statu quo de la situation actuelle, c’est-à-dire une Europe entre deux eaux, entre l'intergouvernemental et le fédéralisme ; tenter de ne pas perdre plus de souveraineté, tout en continuant le processus de mondialisation.

Selon un sondage publié par Bloomberg, seule une minorité de français souhaite se défaire de l'Union (22%), mais 66% d'entre eux n'ont pas confiance en la Commission. Par contre, 33% des français souhaitent conserver l'Union tout en lui donnant moins de pouvoirs, et 25% souhaitent lui en donner davantage. Comment classer les candidats en fonction du souhait formulé par les français ? 

Les Français ne veulent pas sortir de l'Europe, mais ils ne sont pas satisfaits de l'Europe actuelle. On peut donc écarter les propositions de retour au national, portées par Marine Le Pen ou Jean Luc Mélenchon. Emmanuel Macron ne cherche pas à changer la philosophie actuelle de l'Union européenne, c'est à dire la mondialisation, les dévaluations internes, le respect de critères de Maastricht, c'est donc un projet de continuation, mais en plus vite et plus fort, de ce qui est déjà en cours. Benoît Hamon cherche pour sa part à remettre en question cette politique européenne, mais avec la faiblesse de croire qu'un processus "démocratique" européen permettra d'obtenir un tel résultat. Or, il est possible de croire que le bon niveau, pour "changer l'Europe", c'est le bon vieux rapport de force au conseil européen, qui ne peut être, au final, qu'un rapport de force franco-allemand. Les institutions actuelles peuvent le permettre, en voulant garder ce mode de fonctionnement François Fillon se garde la possibilité d'intervenir, avec un problème de taille ; il n'en a pas du tout l'intention. Il n'y a donc pas de candidat parfait qui correspondrait à la volonté des électeurs.

Au regard des souhaits formulés par les français, et de la "faisabilité" d'un projet, quel serait le projet le plus cohérent à proposer dans le cadre de cette élection présidentielle ?

On peut imaginer qu'une fusion improbable entre Benoît Hamon et François Fillon puisse produire le bon résultat ; garder l'Europe, ne pas perdre plus de souveraineté, et changer l'orientation de la stratégie économique européenne. Les français veulent l'Europe mais sont pris en otage par des politiques qu'ils ne souhaitent pas. Le danger est de vendre l'idée d'une "Europe "néolibérale" ou rien. Parce que même si la résistance des citoyens est immense, à l'égard de leur volonté de continuer le projet européen, les 10 de crise qui viennent de passer commencent à devenir un léger problème. Il est donc totalement sidérant de ne pas voir de programme orienté spécifiquement vers ce qui semble être une volonté claire des électeurs français depuis plus de 10 ans. Le bon angle, c'est de faire de la France le fer de lance de la volonté de changement de fond de la philosophie économique européenne. Une Europe du plein emploi, construite sur des modèles sociaux forts, permettant de bénéficier des bienfaits de la mondialisation tout en absorbant ces effets néfastes par un État providence adapté. 

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