"Simplifions nous la vie !" de Gaspard Koenig et Nicolas Gardères : Pourquoi et comment mettre fin à l’addiction à la norme et à la bureaucratie, éclairant et encourageant<!-- --> | Atlantico.fr
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"Simplifions nous la vie !" de Gaspard Koenig et Nicolas Gardères aux éditions de L'Observatoire.
"Simplifions nous la vie !" de Gaspard Koenig et Nicolas Gardères aux éditions de L'Observatoire.
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"Simplifions nous la vie !" de Gaspard Koenig et Nicolas Gardères aux éditions de L'Observatoire.

Rémy Dumoulin pour Culture-Tops

Rémy Dumoulin pour Culture-Tops

Rémy Dumoulin est chroniqueur pour Culture-Tops. Culture-Tops est un site de chroniques couvrant l'ensemble de l'activité culturelle (théâtre, One Man Shows, opéras, ballets, spectacles divers, cinéma, expos, livres, etc.).

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"Simplifions nous la vie !" de Gaspard Koenig et Nicolas Gardères

Editeur : l’Observatoire
Parution : novembre 2021
143 pages
12 €

Notre recommandation : BON 

THÈME

“Mais arrêtez donc d’emmerder les Français ! Il y a trop de lois, trop de textes, trop de règlements dans ce pays ! On en crève ! Laissez-les vivre un peu et vous verrez que tout ira mieux ! Foutez-leur la paix ! Il faut libérer ce pays”.

Gaspard Koenig et Nicolas Gardères reprennent à leur compte cette complainte prêtée à Georges Pompidou. Ils l’illustrent dans un recueil de témoignages de terrain (démarches-pensums, droit de l’urbanisme inextricable, bulletins de salaire ou fiscalité incompréhensibles …) et ébauchent les contours d’une “société de confiance” et de “la vie simple"'. Cette démarche débouche sur la création d’un parti politique - “Simple’ - et l’élaboration du “projet Portalis” de simplification qui vise à diviser par 100 le nombre de normes (la France compterait entre 400 000 et 500 00 lois et règlements !).

 Le règne de la norme et de la bureaucratie sont des traditions françaises, rappellent les auteurs. Une volonté d’inspiration jacobine de créer de toutes pièces une société “faussement homogène” est à l’œuvre depuis longtemps. Une “cage d’acier” pour reprendre l’expression de Max Weber s’est refermée sur le citoyen sous prétexte de le protéger. La finalité des bureaucrates des grandes organisations publiques comme privées est de mieux nous contrôler, avec l’assentiment des citoyens qui se placent dans une servitude volontaire car ils demandent toujours plus de protection et veulent ‘éliminer l’incertitude et collectiviser la responsabilité.

 Koenig et Gardères en appellent donc à une simplification drastique, qu’ils assimilent à une démarche girondine “contre la verticalité”, dans le but de “retrouver le sens de la diversité et des particularismes locaux”. Il faut, selon les auteurs, “tarir les sources de la complexité” pour retirer aux technocrates le contrôle de facto du pouvoir politique et faire œuvre de justice sociale en simplifiant. Pour cela, la Loi  doit se cantonner à “un niveau acceptable de généralité” dans l’esprit du Code Civil qui a remplacé en son temps une foule de normes disparates d’Ancien Régime. Il faut aussi inscrire la méthode de Portalis -”que puis-je défaire” - au cœur de l’action réglementaire.

 Le “projet Portalis” des auteurs s’appuie sur plusieurs propositions comme le cantonnement de la norme aux principes fondamentaux et le code unique,  la limitation du pouvoir du juge au profit de la médiation ou la mise au point de contrats-types “équilibrés et accessibles à tous”.

 Koenig et Gardères pensent ainsi que ces réformes déboucheront sur la société de confiance où les acteurs bénéficieront d’une “autonomie existentielle pour une émancipation réelle”, capable de stimuler l’exercice du jugement ou la performance économique. Le citoyen trouverait dans la vie simple une philosophie salutaire aussi bien dans ses rapports à l’autre (égalité et respect de la singularité), à l’environnement, mieux protégé, ou à sa collectivité de travail. En matière d’exercice du pouvoir, gouverner simplement “suppose de gouverner avec modération”, un thème libéral s’il en est.

POINTS FORTS

La démarche du philosophe, et désormais apprenti en politique, est louable et rappeler les effets pervers de la suradministration ne peut pas nuire à la veille des élections. Certains  trouveront cette approche quelque peu opportuniste et électoraliste, destinée à combler un quelconque ego d’intellectuel, original dans le paysage français. Mais l’approche est cohérente avec les prises de position d‘inspiration libertarienne du fondateur du Think Tank Génération Libre (revenu universel, réappropriation du patrimoine numérique par les individus…)

QUELQUES RÉSERVES

Basée sur l’anecdote, la démarche de Koenig et Gardères est évocatrice. On se réjouit de retrouver la langue simple et affutée des lointains collègues de Koenig pour décrire le phénomène de la suradministration. Et la mécanique de l’aliénation volontaire de l’individu est éclairante. Espérons que l‘action politique de “Simple” sera de nature à secouer les consciences individuelles et collectives et qu’elle ne servira pas seulement à la promotion de l’image du philosophe !

UNE PHRASE

Nous avons en France plus de lois que tout le reste du monde ensemble, et plus qu’il n’en faudrait pour régler tous les mondes d’Épicure (Montaigne page 26)

Tocqueville à propos de l’Administration d’Ancien régime et de la Révolution: omniprésente ; centralisée (“le Ministre a déjà conçu le désir de pénétrer avec ses propres yeux dans le détail de toutes les affaires et de régler lui-même tout à Paris”) ; exclusive ; et (paradoxalement) impuissante (‘une règle rigide, une pratique molle’) – page 29

(la bureaucratisation) est le produit de nos propres désirs et de nos propres peurs. Lors de nos rencontres dans les territoires, les mêmes qui s’indignaient de la complexité administrative réclamaient des protections supplémentaires. Les néoruraux s’irritent de la lenteur des permis de construire, mais font un procès au premier aboiement de chien venu- page 67

Simplifier, c’est aussi réintroduire une part de hasard irréductible. Dans un monde moins normé, il y aura des incidents, des accidents dont personne ne sera responsable. Ce sera la faute à la fatalité. Et le prix de la liberté – page 68

Nous nous sommes préservés de la dangereuse ambition de vouloir tout régler et tout prévoir … L’office de la loi est de fixer, d’établir des principes féconds en conséquences, et non de descendre dans le détail des questions qui peuvent naître de chaque matière (Portalis) – page 76

Simplifier revient à faire confiance : à l’exercice du jugement, à la capacité de délibération, au lien interpersonnel. On brisera ainsi le cercle vicieux de l’infantilisation, en faisant le pari que la rationalité naît de la responsabilité. page 110

L'AUTEUR

Gaspard Koenig, né en 1982, est un essayiste, chroniqueur, romancier et philosophe. Il est président du Think Tank Génération Libre d’inspiration libérale classique avec le but de décliner ses idées dans le champ des politiques publiques. Il est l’auteur d’une quinzaine d’essais et romans dont la Fin de l’Individu ; Voyage d’un philosophe aux pays des libertés ; Notre vagabonde liberté.

Nicolas Gardères est avocat, militant de gauche, défenseur actif des libertés fondamentales. Il est l’auteur de Voyages au pays des infréquentables.

Lire également la chronique de Jean-Pierre Dusséaux sur l’ouvrage de G. Koenig Le révolutionnaire, l’expert et le Geek, combat pour l’autonomie.

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