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 Rémunération de Carlos Ghosn : ces éléments qui manquent à la France pour départager revenus excessifs et revenus justifiés
©CGPME

Petit extra

Avec une rémunération annuelle de l'ordre de plus de 15 millions d'euros, Carlos Ghosn ne manque pas de provoquer le débat et pousse à s'interroger sur le renforcement du pouvoir de contrôle des actionnaires.

Philippe Crevel

Philippe Crevel

Philippe Crevel est économiste, directeur du Cercle de l’Épargne et directeur associé de Lorello Ecodata, société d'études et de conseils en stratégies économiques.

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Atlantico : Ce jeudi 15 juin, les actionnaires de Renault ont été convoqués afin de trancher la question de la rémunération de Carlos Ghosn. Par le passé, les actionnaires s'étaient déjà opposés à la rémunération de C.Ghosn, sans que cet avis ne soit retenu par le Conseil d'Administration. Comment juger, et situer une rémunération "juste" pour un dirigeant d'une multinationale telle que Renault ?

Philippe Crevel : En préalable, il convient de rappeler que Carlos Gohn est un dirigeant hors pair qui a sauvé Nissan, qui a permis, sans nul doute  d’éviter la disparition de Renault et qui a réussi à constituer une alliance automobile qui se bat pour devenir leader mondial. Cette excellence a un prix. Le marché des dirigeants de haut niveau est un marché mondial qui n’obéit pas qu’à des considérations nationales. Mais, c’est certain il doit composer avec les actionnaires et son conseil d’administration. Il peut y avoir en la matière des oppositions entre les intérêts ainsi que les objectifs des uns et des autres. Les managers dirigeants ont tendance à vouloir s’affranchir des contraintes que peuvent imposer les actionnaires. Quelle est la rémunération qui serait juste ? Tout dépend où nous nous ne plaçons ? Au niveau des personnes qui gagnent le SMIC, au niveau des salariés qui veulent conserver leur emploi ou de ceux qui rêvent d’une augmentation, au niveau de l’actionnaire qui veut que son titre s’apprécie, au niveau des PDG du secteur automobile, au niveau de l’éthique, de la morale ? Faut-il placer la barre à 300 000 euros au risque de voir partir les meilleurs ? En outre comment accepter alors d’avoir des joueurs de football payer plus de 100 000 euros par mois et des PDG de grands groupe internationaux qui gagnerait 3 fois moins. Certes, Carlos Gohn bénéficie d’une rémunération hors du commun 15,6 millions d’euros annuels pour toutes ses fonctions. Malgré tout, il n’est pas le plus pays des PDG du CAC 40 et se situe assez loin derrière d’un certain nombre de patrons de fonds d’investissements ou d’entreprises américaines. , Ainsi, en 2015, l’américain Jim Simons dirigeant du fonds Renaissance Technologies, a été rémunéré à hauteur de 1,5 milliard d’euros. Le directeur général d'Apple Tim Cook gane plus de 350 millions de dollars de rémunération par an, David Zaslav, le PDG de Discovery Communications, a, en 2015 gagné 130 millions, le PDG d’Oracle a remporté plus de 70 millions de dollars  le PDG de For gagne autour de 30 millions de dollars soit un peu près deux fois plus que Carlos Gohn.

Comment fixer les limites ? Cette limite n'est elle pas justement celle qui est fixée par les actionnaires de l'entreprise ?

Les limites sont celles du marché et celles retenues par les actionnaires. Aujourd’hui, la loi indique que le Conseil d’administration peut en pas retenir le vote des actionnaires. Elle pourrait être modifiée mais attention de ne pas tomber dans un populisme outrancier. Il faut sans nul doute renforcer les pouvoirs de contrôle des actionnaires. Certaines entreprises comme Air Liquide ont choisi d’associer fortement les petits actionnaires. Cette société dispose d’une direction dédiée qui assure des missions d’information. Il y a sans nul doute une nécessité de développer la pédagogie financière qui est la meilleure garantie pour assurer un meilleur équilibre des rémunérations.

Quels sont les moyens de lutter contre les excès, et autres "montages" comme celui qui a été révélé en l'espèce, permettant notamment d'échapper au contrôle des actionnaires ? Sans tomber dans une vision moralisatrice, quels sont les moyens de contrôle les plus efficaces 

Le Conseil d’administration doit jouer pleinement son rôle. En France, les conseils d’administration demeurent trop consanguins. Ils sont composés de managers des grands groupes, issus des mêmes écoles, ayant suivi les mêmes parcours. Il faut des administrateurs réellement actionnaires, des administrateurs disposant de compétences reconnues, des administrateurs indépendants. Plusieurs lois dont Sapin I ont renforcé le rôle des administrateurs et ont favorisé la féminisation des conseils qui étaient bien souvent à 100 % masculin. De même, les comités des rémunérations et ceux en charge de l’éthique se sont généralisés au sein des grands groupes. Mais, au-delà de ces dispositions, la France gagnerait à devenir un pays d’actionnaires. Aujourd’hui moins de 10 % de la population détient des actions. Si demain, c’était 40 %, les rapports de force changeraient surtout si ces actionnaires décidaient de participer aux assemblées générales. Par ailleurs, une autre piste envisageable serait de s’inspirer du modèle allemand en développant le système de cogestion. Afin de responsabiliser les représentants des syndicats et afin de leur donner de véritables moyens de contrôle, il ne serait pas absurde d’augmenter leur nombre au sein des conseils d’administration et de les doter d’un pouvoir de blocage dans un certain nombre de cas. Ce système fonctionne en Allemagne sans que le patronat s’en plaigne.

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