Pourquoi les scientifiques s'intéressent-ils au porno ?<!-- --> | Atlantico.fr
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Les premiers travaux sociologiques sur la pornographie remontent à la fin des années 1990.
Les premiers travaux sociologiques sur la pornographie remontent à la fin des années 1990.
©Reuters

Sciences version XXX

Le monde scientifique crée une nouvelle revue consacrée à la pornographie : PornStudies. Pourquoi la pornographie intéresse-t-elle les scientifiques de tous les domaines ?

Jean-Paul Brighelli

Jean-Paul Brighelli

Jean-Paul Brighelli est professeur agrégé de lettres, enseignant et essayiste français.

 Il est l'auteur ou le co-auteur d'un grand nombre d'ouvrages parus chez différents éditeurs, notamment  La Fabrique du crétin (Jean-Claude Gawsewitch, 2005) et La société pornographique (Bourin, 2012)

Il possède également un blog : bonnet d'âne

Voir la bio »

Atlantico : Une revue scientifique sur la pornographie PornStudies va être publiée au printemps 2014. Elle regroupera des articles qui étudieront la pornographie sous des angles différents : sociologique, criminologie, droit du travail, média...Comment expliquer cet intérêt de la communauté scientifique pour la pornographie ?

Jean-Paul Brighelli : L'intérêt n'est pas récent -  les premiers travaux sociologiques sur la pornographie remontent à la fin des années 1990, c'est-à-dire au moment où l'on a réalisé qu'en passant des salles de cinéma au format VHS, puis en se dématérialisant sur Internet, la pornographie avait à la fois changé d'échelle (le marché de la pornographie dans le monde est estimé par certains à 200 milliards $) et surtout changé de fonction.

De divertissement de voyeur, ou mise en train si je puis dire, elle est passée à un pur substitut de sexe, avec des incidences lourdes sur la santé (près de 20% des hommes de moins de 25 ans ont des problèmes d'érection ou d'éjaculation précoce) et surtout sur la psychologie : de peur d'être moins performants que les "modèles" de la Toile, 20% des consommateurs de Viagra ont aujourd'hui moins de 30 ans.

Cet intérêt est-il révélateur de l'omniprésence de la pornographie dans nos sociétés ? 

La pornographie n'est pas omniprésente (inutile de la confondre avec la vulgarité, qui elle s'est généralisée effectivement), elle est sur un marché de niche extrêmement rentable et efficace. À ce titre, dans les têtes les plus faibles, elle est devenue un standard. Lorsque des pré-adolescents se livrent sur une fille de leur âge à des pratiques observées sur le Net, ils les filment et les diffusent -  la pornographie est devenue un modèle.

Est-il envisageable de créer une filière étude de la pornographie dans les universités ? Peut-elle être considérée comme un sujet d'étude à part entière, pourquoi ?

Objet d'étude en soi, peut-être pas : mais dans le cadre d'études de psychologie ou de sociologie (voire de médecine), il serait utile de faire comprendre le fonctionnement d'un système de plus en plus oppressant. En fait, c'est à l'étape antérieure, en collège et en lycée, qu'il faudrait intervenir massivement, pour faire comprendre aux adolescents que la pornographie qu'ils consomment sur le Net (premiers visionnages aux alentours de 12 ans, en moyenne) n'est ni un modèle ni un répertoire de positions, mais une pure construction fictive qui n'a d'autre fonction que d'amasser de l'argent, directement ou indirectement (les sites associés, qu'ils soient pseudo-médicaux - "enlarge your penis" - ou dérivés - sites de jeux, publicités diverses ou directement pharmaceutiques - constituent l'essentiel des ressources).

Propos recueillis par Manon Hombourger

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