"Nouvelle France industrielle" : les 34 priorités du gouvernement passées au crible<!-- --> | Atlantico.fr
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Trois millions d’emplois industriels ont été perdus depuis 1980.
Trois millions d’emplois industriels ont été perdus depuis 1980.
©Reuters

Coup d'accélérateur

François Hollande et Arnaud Montebourg ont présenté hier jeudi leur projet "Nouvelle France industrielle". Un programme comprenant 34 plans et qui concernerait 480 000 emplois sur dix ans.

Jean-Louis  Levet et Jean-Pierre Corniou

Jean-Louis Levet et Jean-Pierre Corniou

Jean-Louis Levet est économiste.

Son dernier livre est Réindustrialisation j'écris ton nom, (Fondation Jean Jaurès, mars 2012). Il est également l'auteur de Les Pratiques de l'Intelligence Economique : Dix cas d'entreprises paru chez Economica en 2008 et GDF-Suez, Arcelor, EADS, Pechiney... : Les dossiers noirs de la droite paru chez Jean-Claude Gawsewitch en 2007.

Jean-Pierre Corniou est directeur général adjoint du cabinet de conseil Sia Partners. Il est l'auteur de "1,2 milliards d’automobiles, 7 milliards de terriens, la cohabitation est-elle possible ?" (2012).

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Atlantico : François Hollande et Arnaud Montebourg ont présenté ce jeudi un grand plan pour relancer l'industrie française, un programme baptisé "Nouvelle France industrielle". Trois secteurs stratégiques sont prédominants : le numérique, la santé et la transition énergétique. En quoi ces trois secteurs sont-ils prioritaires ? D'autres secteurs auraient-il pu être considérés comme prioritaires ? Ce plan est-il suffisant pour relancer l'industrie française ?

Jean-Louis Levet Il faut considérer ce programme "Nouvelle France industrielle" comme un objectif de mobilisation accrue des acteurs publics et privés, autour non pas de secteurs mais comme de grands domaines transversaux, catalysant en leur sein de nombreuses activités productives traditionnellement cloisonnées et répondant aux besoins majeurs de nos sociétés : énergie, santé, numérique. 

La France, tout comme la zone euro, doivent faire le choix résolu de la stimulation de l’investissement des entreprises, afin d’accroître les capacités de production, considérablement fragilisées par la crise (à l’exception en particulier de l’Allemagne et de l’Autriche). Une relance par la demande intérieure sans augmentation des capacités de production aurait pour effet un accroissement du déficit extérieur, difficilement envisageable, compte tenu de la situation financière de la France et des autres pays, notamment ceux de l’Europe du sud. Pour l’instant, on n’observe pas d’augmentation de l’investissement productif. Et sans reprise de l’investissement, pas de croissance à terme.

Le système productif constitue le levier majeur d’une relance de l’investissement, à la fois dans ses activités arrivées à maturité, mais aussi dans les activités futures à forte valeur ajoutée. En termes de politique économique, il convient donc de favoriser puissamment l’investissement dans l’ensemble de l’économie et plus particulièrement dans les activités concurrentielles, via par exemple la fiscalité et l’orientation de l’épargne vers les activités productives. Et d’autre part d’accompagner la montée en gamme et la qualité des industries matures (automobile, chimie, textile, mécanique, biens d’équipement, etc), et de promouvoir l’innovation de rupture dans les activités identifiées par tous les grands pays industrialisés (anciens et nouveaux) comme étant la source des rentes technologiques de demain : nanotechnologies, biotechnologies, technologies vertes, numérique, etc. Car ces changements majeurs permettant selon les cas une résistance accrue aux chocs, une meilleure conductivité, un moindre impact environnemental, une miniaturisation accrue des objets.

Ce plan est appelé "Nouvelle France industrielle". Mais les 34 plans proposés sont-ils vraiment nouveaux ou ont-ils déjà été évoqués dans le passé ?

Jean-Louis Levet : Le programme d’investissement d’avenir mis en œuvre à partir de 2010 et devant mobiliser 35 milliards d’euros se fondaient déjà sur de tels choix ; on ne peut donc qu’apprécier une certaine continuité de l’action de l’Etat dans ce domaine, d’autant plus nécessaire que nous sommes dans des activités dont les projets d’investissement se situent pour nombre d’entre eux, dans le long terme et devant associer entreprises, laboratoires de recherche, université, etc.

Jean-Pierre Corniou : Nul ne peut blâmer le gouvernement de regrouper dans un plan au nom mobilisateur les idées qui ont été avancées depuis des années par de multiples contributeurs, mandatés par les pouvoirs publics, de la commission Attali au rapport Gallois, ou spontanés comme les nombreuses et riches productions des différents think tanks et organisations professionnelles. Les idées ne manquent pas en effet dans ce pays riche en talents et en entreprises leaders. Le problème est l’action. Or l’action dépend de la volonté de millions d’acteurs que nous sommes à tour de rôle, consommateur, producteur, collaborateur, contribuable, citoyen et... chef d’entreprise.

L’intérêt de ce plan, qui n’est nouveau ni dans son esprit ni dans son contenu, est de mettre en évidence des thèmes sur lesquels tout le monde doit travailler pour préparer l’économie de demain. Reconnaitre qu’il faut mettre un terme à une forme de condescendance envers l’industrie est déjà un acte politique majeur. L’avenir économique passe en effet par la maîtrise des composants techniques de l’industrie.

34 plans ont été annoncés. Ce choix est-il judicieux et bien ciblé ou les investissements sont-ils trop éparpillés ?

Jean-Louis Levet : Qu’il y ait un certain nombre d’axes de travail retenus (comme par exemple le TGV du futur, les bornes électriques, la réalité augmentée, la chimie du végétal ou encore les voitures à très faible consommation d’essence), n’est pas problématique, à partir du moment où la méthode retenue ne doit pas être celle d’une planification privilégiant certaines technologies au détriment d’autres ; car, dans les grands domaines évoqués, précisément, c’est la diversité des technologies, des solutions, qu’il faut tester.

Elles mobilisent des approches transversales, en combinant des disciplines fort différentes. Par exemple, le croisement de la mécanique avec l’électronique et l’informatique donne naissance à la mécatronique et à de nouveaux produits : système de réalité virtuelle avec contrôle de mouvements pour le cinéma et la télévision, machine de numérisation optique de disques vinyles, roulements à billes intégrant la mesure de vitesse par codeur magnétique et capteur actif devenu un standard mondial pour les constructeurs automobiles, etc. Ces choix doivent aussi et surtout, constituer autant de moyens pour développer les relations entre tous les acteurs concernés, système de recherche, enseignement supérieur, centres techniques, entreprises, etc.

480 000 emplois seraient concernés sur une décennie par ces 34 plans, qu'il s'agisse de créations d'emplois ou de sauvegardes selon le cabinet McKinsey. Ce chiffre est-il raisonnable ?

Jean-Pierre Corniou Il ne s’agit pas de prévision mais de prédiction. Il est pourtant évident depuis fort longtemps que l’économie n’est pas un art divinatoire. Mais chaque gouvernement ne peut s’empêcher de pousser des chiffres qui sont les résultats de calculs de coin de table aussi peu réalistes que crédibles. Comment en effet prévoir pour les dix prochaines années quand on sait que l’économie qui s’exprime sur le territoire national est le fruit de multiples décisions complexes dont une grande partie échappe à l’influence du gouvernement, aussi volontaire soit-il ?

L’emploi n’est pas une grandeur que l’on manipule. C’est une résultante de forces économiques pour lesquelles la vitesse de déploiement des innovations est un des paramètres. Comment imaginer l’impact sur l’emploi tant en destructions qu’en créations des multiples innovations qui vont voir le jour dans les prochaines années dans tous les domaines, des matériaux, de la santé, de l’énergie, du transport...  ? Comment aussi anticiper les décisions des autres pays, aussi bien de nos voisins immédiats de l’Union européenne, auxquels nous sommes intimement liés, que des Etats-Unis ou de la Chine.

Raisonnable sûrement quand on sait 500 000 emplois ne représentent que 16 % des trois millions d’emplois industriels qui ont été perdus depuis 1980. C’est un ordre de grandeur réaliste qui représente un objectif politique somme toute modeste.

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