#MêmePasPeur, vraiment ? Ces traumatisés qu’on ignore derrière le slogan <!-- --> | Atlantico.fr
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Nombreux sont les Français qui, devant leur télévision, peuvent tomber dans l’angoisse ou la dépression.
Nombreux sont les Français qui, devant leur télévision, peuvent tomber dans l’angoisse ou la dépression.
©Reuters

#NotAfraid

Après les attaques terroristes du vendredi 13 novembre, il n’y a pas que les blessés physiques ou les proches des victimes qui risquent de se retrouver en état de stress post-traumatique. Nombreux sont les Français qui, devant leur télévision, peuvent tomber dans l’angoisse ou la dépression.

 Odile  Chabrillac

Odile Chabrillac

Naturopathe et psychanalyste, Odile Chabrillac est l’auteur du « Petit Eloge de l’ennui » et « Arrêter de tout contrôler » (Editions Jouvence). Formatrice et conférencière, elle a co-créé le site internet thedifferentmagazine.com, un site holistique alternatif dédié au bien-être et au développement durable. Elle anime également son propre blog.

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Des gens non-concernés directement par ces événements peuvent-ils, au-delà de l'émotion, être marqué psychologiquement par les attentats de vendredi 13 novembre ?

Nous avons tous un noyau paranoide plus ou moins fort selon nos fragilités et nous sommes dans un moment de l'Histoire où, chez tout le monde sans exception, ce noyau de peur va être réactivé. En fonction du parcours de chacun, ces événements auront plus ou moins d'impacts sur les individus. Notons que, dans le domaine de la psychologie, même un événement qui ne nous arrive pas directement a un impact sur nous. C'est par exemple le cas lorsque vous regardez un film ou lisez un livre. Ceci étant, il y a deux poids, deux mesures vis à vis des victimes directs et il faut être justement vigilant à ne pas nourrir à l'intérieur de nous une machine à fantasme qui nous raconterait que le monde est dangereux. Cela relève de l'exigence psychologique de chacun, il faut avoir une forme de non-complaisance avec soi-même car pour la plupart, nous n'avons pas "vécu" ces événements.

>>>>>>>>>>>>> A lire également : Les erreurs à éviter absolument quand on parle des attentats de Paris à ses enfants

Est-ce juste de l'angoisse individuelle ou est-on en face de véritables risques de dépressions ?

C'est bien plus que de l'angoisse. Cette peure, le stress, c'est quelque-chose qui génère de l'usure dans le corps. Même si ce dernier est naturellement fait pour réagir au stress, qui nous maintient en état de vigilance, au-delà d'un certain seuil il ne sait plus faire. On a par exemple constaté qu'au mois de janvier, juste après les attentats contre Charlie Hebdo, la consommation d’anxiolytiques avait fortement augmenté. Dans ces situations-là, il y a évidemment un croisement qui s'opère entre l'histoire collective et l'histoire individuel. La responsabilité de chacun c'est justement d'aller voir, ce qui dans notre histoire, fait que cela nous impact tant.

Peut-on parler d'état de stress post-traumatique et comment cela se manifeste-t-il ?

Il faut partir du principe que chacun va se trouver dans un état de stress post-traumatique. Cela se manifeste par des réactions exacerbées, la volonté de se recroqueviller sur sur soi, ne pas vouloir sortir, des gênes dans le sommeil. Tout ces "Même pas peur" que l'on entend, ce n'est pas vrai. On a peur, donc il faut plutôt dire "on a peur mais on va faire le choix de réagir comme si l'on n'avait pas peur". Ce n'est pas la même chose de nier une émotion que de dire, j'ai cette émotion mais en revanche je refuse qu'elle impacte ma vie.

Est-ce pour ces raisons que les lieux des attaques font désormais place au recueillement des populations non-concernés directement par les tueries ?

La nécessité du rassemblement est importante pour gérer ce stress. Cela participe d'un processus de deuil car l'on ne peut pas être dans le déni face à ces événements collectifs, chacun ressent le besoin de l'intégrer. C'est extrêmement constructif car cela rend le sujet bien réel et plus dans le fantasme ou une histoire que l'on se raconte.

La forte médiatisation de ces attaques participe-t-elle à cette "réactivation" de notre angoisse ?

Il n'y pas de doute, la sur-médiatisation pose un vrai problème au niveau psychologique. Dans notre société ultra médiatisé, en plus d'être informé, nous sommes sur-informés. On va raconter plein de fois la même histoire, donc la rendre de plus en plus réel pour nous. Le fait de percevoir cette réalité va faire que les individus vont se sentir impactés. Il faut être vigilant au niveau individuel à ne pas entrer dans le cercle vicieux du "je m'informe, donc je nourris ma peur, donc j'ai besoin de m'informer". Même si l'on peut s'accorder sur le fait qu'il ne faut pas vivre ces événements seuls.

Peut-on faire un parallèle avec les événements du 11 septembre où une grande partie de la population américaine avait été fortement perturbée par ces attentats ?

C'est certain, le parallèle est indéniable. A l'époque, la réponse des experts américains c'était d'inciter à faire du yoga, du sport, à faire l'amour également :  tout ce qui nous "remet" dans notre corps. Même si la France est plus petite que les États-Unis, nous sommes un État extrêmement jacobin, la capitale est porteuse de symboles. Ce n'est donc pas la question du nombre de morts mais bien le symbole de quelque-chose qui nous touche individuellement.

A l'aune de ces évènements, peut-on définir la durée de cet état de la population et quels conseils peut-on donner ?

Du point de vue de la science, on sait que l'assimilation du cerveau, pour l'apprentissage par exemple, c'est 21 jours. Donc au-delà de trois semaines, un mois, si vous êtes dans une situation personnelle inconfortable, comme sursauter de manière inappropriée, cela veut dire que la situation vous parle de manière individuelle bien plus fortement. Il ne faut pas, dans ces cas-là, hésiter à consulter un professionnel. Le deuil est processus qui prend du temps de manière collective comme de manière individuelle.

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